La diaspora doit pouvoir contribuer au développement de la santé en Algérie

24/08/2022 mis à jour: 05:12
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Vingt mille (20 000) médecins d’origine algérienne sont installés en France. La saignée commencée dans les années 90’ ne semble pas se tarir, puisqu’on annonce l’arrivée cette année de 1200 nouveaux professionnels dans la patrie d’Ambroise Paré.

L’Algérie n’est pas la seule victime de cet exode des cerveaux, le Maroc vient de raccourcir d’une année la formation des médecins pour essayer de compenser l’exode de ses praticiens vers l’Europe et le Canada avec les risques sur la qualité de la formation que l’on devine. Il manque 7,2 millions de professionnels au niveau mondial, le pillage des cerveaux va donc continuer.

Perte sèche pour le pays formateur, gain inespéré pour le pays receveur puisqu’on estime en France que la formation d’un étudiant en médecine depuis son entrée à la faculté coûte 200 000 euros. Faute de pouvoir l’empêcher, on peut espérer le freiner en améliorant les conditions de travail des confrères, leur condition de formation continue et notamment l’accès aux techniques et produits innovants. Il faut donc, contre mauvaise fortune faire bon cœur en tentant de sauver ce qui peut l’être et de récupérer quelques bénéfices de cette évaporation de matière grise.

En effet, un rattrapage est possible. Cette diaspora désormais bien installée outre-Méditerranée regroupe en son sein un gisement de talents qui ne demande qu’â être employé, si on y met la manière plus que les moyens.  Ont ainsi émergé des praticiens qui, après plusieurs décades d’exercice en Europe sont riches à foison de compétences et de connaissances. Ils ont participé à la formation de milliers d’étudiants français, encadré des thèses de doctorat en médecine, produit des milliers de publications scientifiques. Nombre d’entre eux ont participé à des travaux de recherche.

Certains sont des références dans leur spécialité et ont l’onction du titre de professeur des universités qui ne leur a sûrement pas été concédé facilement. Mieux encore, certains exercent dans des spécialités parfois non enseignées en Algérie, ou encore embryonnaires dont le besoin est déjà patent. Prenons l’exemple de la gériatrie. L’Algérie des années 2020 n’a pas l’espérance de vie de celle des années 70’ et c’est une chance, il faut donc que la médecine nationale s’adapte et que le développement de la gériatrie, spécialité à part entière dans les pays occidentaux, s’épanouisse.

Où sont les unités de gériatrie aiguë, les hôpitaux de jour d’évaluation gériatrique pour une prise en charge globale, les consultations mémoire avec leur neuropsychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens ?… L’Algérie est un immense pays qui n’est malheureusement pas à l’abri des catastrophes comme l’actualité estivale le montre.

C’est le pays qui a le triste privilège de se classer sur le podium mondial des accidents de la route. Comment dans ces circonstances ne pas structurer un peu plus la médecine d’urgence et de catastrophe, en améliorant le maillage des SAMU, en enseignant la médecine d’urgence pour la porter au niveau des systèmes de santé occidentaux pour que les ambulances du SAMU soient – notamment à l’intérieur du pays – de véritables unités de réanimation mobiles opérationnelles et en veille permanente ?

Ce sont deux spécialités dans lesquelles excellent les médecins algériens installés en Europe. Mais c’est aussi le cas en anesthésie-réanimation, en psychiatrie, en pédiatrie en oncologie…. L’Algérie ne peut décemment plus se priver de ces talents et doit lancer un processus de feedback positif pour les faire participer à la reviviscence de la médecine algérienne.

Il faut d’abord lancer un recensement des compétences prêtes à se mettre au service du pays d’origine, le maillage des consulats ne devrait avoir aucun mal à le faire, puisque sur chaque passeport est mentionnée la profession. Il faut envisager la création d’une Société de médecine des «deux rives» ou franco-algérienne pour que les praticiens trouvent un espace d’échange pour articuler des actions, des travaux de recherche communs sous la supervision des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.

Il faut ouvrir les portes de l’Université algérienne à ceux qui sont après tout ses enfants partis loin pour qu’ils puissent participer à un retour de connaissances en venant y enseigner. Il faut que ces praticiens puissent venir pendant des périodes adaptées à leur disponibilité exercer dans les hôpitaux algériens pour que d’une manière pratico-pratique s’organise le transfert de compétences ; n’oublions jamais que la médecine s’apprend en se frottant à son aîné ! L’e-learning permet tant de choses aujourd’hui, on peut donner une conférence de Paris dans un amphi algérien grâce à Zoom !

La visite du président Macron en Algérie est peut-être l’occasion d’une coopération positive et non polémique. La santé française doit tant à ces praticiens qui ont eux aussi trouvé un espace d’épanouissement. Ne pourrait-on imaginer dans le cadre d’une coopération de «juste retour des choses» que ces praticiens hospitaliers puissent être détachés régulièrement en Algérie pour des périodes de quelques semaines ? Le coût serait modeste, le symbole fort ! Tout reste à inventer, il faut juste commencer.

Par le Dr Madjid Si Hocine

Gériatre - Hôpital Saint Camille

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