Inflation, baisse de la demande et Covid-19 : Les prix du pétrole menacés par la récession

07/07/2022 mis à jour: 08:22
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Photo : D. R.

Malgré un léger regain dans la matinée d’hier, les cours du brut ont replongé dans la journée. Ils sont impactés par le recul de la demande, les prévisions de la situation économique dans la zone euro, le confinement en Chine et la montée du dollar.

Les prix du pétrole se reprenaient hier après leur importante chute de la veille. Mais ils ont vite rechuté. Le facteur de la baisse d’approvisionnement a rapidement cédé devant les craintes de récession et de destruction de la demande.

Le baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en septembre, prenait 1,38% à 104,19 dollars. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, pour livraison en août, montait quant à lui de 0,81% à 100,31 dollars. «Après avoir chuté la nuit dernière, le pétrole a réussi à récupérer une partie de ses pertes, lorsque le marché s’est stabilisé», commente Russ Mould, analyste chez AJ Bell, cité par les agences de presse.

Les deux références du brut ont connu mardi dernier leur plus forte baisse quotidienne depuis mars. Elles sont confrontées à un vrai dilemme. «D’une part, une récession pourrait facilement réduire la demande de pétrole. D’autre part, l’offre reste serrée», résume M. Mould. «Outre le pessimisme croissant concernant l’avenir de l’économie, les prix du pétrole ont également été affectés par la résurgence du dollar», affirme Stephen Brennock, de PVM Energy. Le Dollar Index, qui compare la devise américaine à d’autres grandes monnaies, a atteint hier 106,79 points, un plus haut depuis 20 ans.

Or, une appréciation marquée du billet vert pèse sur le pétrole, puisqu’il affaiblit le pouvoir d’achat des investisseurs utilisant d’autres devises. L’offre reste limitée, le contexte est favorable à une nouvelle hausse. Le gouvernement norvégien a cependant annoncé mardi avoir renvoyé le conflit entre les salariés grévistes du gaz et du pétrole et leurs employeurs devant une instance indépendante, imposant de fait, selon la loi norvégienne, l’arrêt de la mobilisation.

Mardi dernier, le patronat du secteur pétrolier avait prévenu que l’extension d’une grève annoncée pour samedi pourrait réduire massivement la production, évoquant 56% des exportations de gaz en moins et la perte de 341 000 barils de pétrole par jour. Depuis trois jours, les cours de pétrole ont vécu des moments cauchemardesques nourris par les craintes d’une récession dans les pays consommateurs de brut, qui pourraient impacter la demande.

Le baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en septembre, a dégringolé avant-hier de 9,45% à 102,77 dollars le baril, après avoir dévissé de près de 10%.

Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, pour livraison en août, a chuté quant à lui de 8,23% à 99,50 dollars, glissant sous les 100 dollars le baril pour la première fois depuis le 11 mai. «De toute évidence, la trajectoire du pétrole s’est complètement inversée», a commenté pour l’AFP Phil Flynn de Price Futures Group.

«Il y a beaucoup d’inquiétudes sur une éventuelle récession et aussi quant au fait que la Chine a imposé des tests Covid-19 en masse», a indiqué l’analyste. Le ministère de la Santé chinois a fait état mardi de 335 nouveaux cas positifs à l’échelle nationale, et le pays imposant une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la maladie, les autorités ont lancé une nouvelle série de tests PCR obligatoires dans la plupart des districts de Shanghai.

Le dilemme de l’approvisionnement et de la baisse de la demande

«Cela soulève des inquiétudes sur le fait que la demande de pétrole de la Chine risque de s’affaiblir», a indiqué Phil Flynn. Pour Ipek Ozkardeskaya, analyste pour Swissquote, «les craintes de récession réduisent les perspectives de la demande de pétrole et font baisser les prix». En passant sous la barre des 100 dollars depuis presque deux mois pour le WTI, le pétrole a franchi un important «seuil psychologique».

L’analyste évoque la possibilité d’une baisse des cours jusqu’à un prochain niveau fatidique, celui des 85 dollars le baril.

Dans un scénario de récession, les analystes de Citi évoquent même des prix du pétrole qui tomberaient à 65 dollars le baril d’ici à la fin de l’année, puis à 45 dollars en l’absence d’intervention de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep+). «Tout arrive un peu en même temps et le marché est très nerveux de la direction que prend l’économie ce qui entraîne beaucoup de volatilité», a ajouté Phil Flynn, alors que l’Europe a enregistré des indicateurs d’activité décevants.

Par ailleurs aux Etats-Unis, «Certains trouvent que la demande d’essence n’a pas été aussi fournie qu’anticipé pendant le long week-end férié du 4 juillet», la Fête de l’indépendance, poursuivait l’analyste. Certains analystes affichent un pessimisme béat. Le marché pétrolier «se détourne de l’inflation» et se dirige vers le «désespoir économique», a affirmé Stephen Innes, analyste chez Spi Asset Management, cité par l’AFP.

Des «indices PMI soulignent les risques de récession dans la zone euro», faisait valoir Neil Wilson, analyste chez Markets.com, pour qui «la récession semble inévitable». La croissance de l’activité économique en zone euro a fortement ralenti en juin dans le secteur privé, au plus bas depuis 16 mois, selon l’indice PMI composite final, publié mardi par S&P Global. Les craintes de récession mondiale ont donc pris le pas sur «les problèmes d’approvisionnement les plus évidents» qui sont désormais «relégués au second plan», affirme M. Innes, rapporte la même source.

«Les signaux contradictoires actuels donnés par la demande (baissière) et l’offre (haussière) de l’équation pétrolière font de la prévision des prix du pétrole une tâche laborieuse», a commenté, de son côté, Tamas Varga, analyste chez PVM Energy. «Il est impossible de prévoir quand l’attention se déplacera irrévocablement de l’offre vers la demande», explique-t-il. 

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