A l’issue de son intervention lors de cette journée d’étude à l’ENSCRBC de Tipasa, le professeur et chercheur Youcef Chennaoui, trop pris par son emploi du temps, a bien voulu répondre exceptionnellement à nos questions.
Propos recueillis par M’hamed Houaoura
- Le thésaurus et les bases de données numériques sont l’un des axes de vos recherches...
Les technologies d’information, orientés vers la recherche documentaire sur un patrimoine architectural, utilisent l’image pour la description des édifices, ces images, vues lors de mon intervention, sont indexées par des termes classifiés et hiérarchisés dans un langage documentaire dont une application est le thésaurus.
- Vous nous avez surpris avec cette évaluation acoustique pour l’organisation de concerts de musique andalouse dans le site archéologique des Thermes de l’ouest de Cherchell. Encore un axe de recherches ?
Afin d’établir une évaluation acoustique, nous avons décidé de ramener un groupe musical où chaque musicien joue un type d’instrument tel que celui à corde, le violon, le mandole, la percussion. Notre objectif fut celui de prendre des mesures acoustiques, afin d’évaluer les conditions de travail du lieu par rapport à l’activité souhaitée. A l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays dans le monde, à l’issue de la restauration du site et de sa mise en valeur, il sera possible d’organiser des concerts au sein du site.
- Vous avez évoqué l’axe de recherches du Pr Si Youcef Youssef, au sujet de l’évaluation, la vulnérabilité post-restauration de la mosquée de Ténès ?
La mosquée du vieux Ténès, localité côtière qui se situe dans la wilaya de Chlef, au niveau de la Casbah de cette ancienne ville au riche passé. L’un des points les plus remarquables relevés dans ce monument historique, c’est que cette mosquée est considérée comme la plus ancienne en Algérie, encore intacte. Un excellent sujet.
En comparant les résultats des deux cas, l’évaluation et la vulnérabilité post-restauration de cette ancienne mosquée, nous avons interprété ce qui suit : la structure a dévoilé un comportement élastique, vue la très faible période fondamentale obtenue.
Néanmoins, cette structure n’a pas présenté un comportement d’un corps rigide dans la totalité du volume de la mosquée. Ceci atteste que la restauration de cette mosquée du vieux Ténès n’a pas considéré l’ensemble, en l’occurrence la colonne et l’axe, en tant qu’élément porteur qui participe à la répartition des charges.
- Enfin, vous nous avez surpris en évoquant l’introduction de la neuroscience dans l’architecture, l’axe de recherches du Pr Boussoura Kenza...
La notion moderne d’environnement s’appuie sur un discours scientifique qu’il s’agit de questionner, mais elle est autant le produit de la transformation de nos sensibilités sensorielles qui accompagne, depuis l’époque moderne. Ainsi, l’usage heuristique de la notion contemporaine d’environnement peut apporter des éclairages inédits sur les sociétés anciennes, en empruntant les outils de la neuroscience. Je teins à vous préciser qu’il y a aujourd’hui des chaires universitaires consacrées aux études liant l’architecture à la neuroscience, aux USA, en France à titre d’exemple.
En parlant d’imagerie cérébrale, je tiens à vous informer que cette étape faisait partie du plan initial de cette recherche. Pendant 18 mois, on a pu convaincre les laboratoires de l’électroencéphalogramme (EEG, ndlr) de service de psychiatrie et service de neurologie du CHU Mustapha Pacha d’Alger, de collaborer avec nous afin de faire cette expérimentation.
Avec Mme Dr Zeghdani, nous avons pu avoir accès à l’appareil EEG, et comprendre, comment cela fonctionne, alors qu’avec Dr Moualik, on a travaillé sur le protocole expérimental et l’interprétation des graphes EEG. Pour monter le protocole expérimental, nous avons demandé de faire et refaire l’imagerie cérébrale sur plusieurs participants ; comme vous l’avez vu dans les images de tout à l’heure.
Malheureusement, l’invasion de la pandémie du Covid-19 a fait qu’on ne pouvait plus continuer ce travail expérimental. Cependant, les résultats initiaux de cette expérience-test sont prometteurs, pour des recherches futures dans cette perspective.
Aujourd’hui, nous sommes en cours de conclure une convention de coopération scientifique avec une université hollandaise (Pays-Bas) qui travaille sur cette thématique.
Les scientifiques néerlandais nous proposent un équipement mobile, une nouvelle technologie, plus commode pour nos travaux de recherches. Je suis sincèrement ravi du résultat de cette journée d’étude organisée par l’ENSCRBC à Tipasa. J’ai pu échanger mes expériences avec des scientifiques et chercheurs algériens qui travaillent en Algérie et à l’étranger, mais également cet événement m’a permis de faire connaissances avec mes compatriotes. Je suis optimiste, avec l’espoir, je le réitère, que chacun de nous expose les résultats de ses expériences dans l’intérêt du développement social et économique de notre pays.