vVisite du président ukrainien en Allemagne : Kiev et Berlin signent un accord de sécurité

17/02/2024 mis à jour: 16:03
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L’accord entre Zelensky et Scholz a été signé hier à Berlin

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ont signé, hier à Berlin, un accord de sécurité pour garantir un soutien durable à l’Ukraine, en difficulté face à la  Russie en pleine offensive.  Le chancelier allemand a promis que son pays ne faiblirait pas dans son soutien militaire à l’Ukraine pour l’aider face la Russie, après la signature d’un accord bilatéral de sécurité et l’annonce d’un nouveau paquet d’aide militaire.

 «Bien sûr, nous souhaitons tous que cette guerre brutale cesse bientôt» mais «nous voyons aussi que malheureusement la Russie n’est pas prête à une paix juste et durable», c’est pourquoi «nous envoyons aujourd’hui un message très clair au président russe que nous ne relâcherons pas notre soutien à l’Ukraine», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse aux côté du chef de l’Etat ukrainien.
 

En plus de ce document, l’Allemagne a annoncé le déblocage d’une nouvelle aide militaire immédiate de 1,13 milliard d’euros pour l’Ukraine, centrée sur  l’artillerie dont Kiev a cruellement besoin pour repousser l’offensive russe. Ce paquet inclut notamment la livraison de 18 obusiers blindés  (Panzerhaubitzen 2000) avec leurs munitions, en plus des 14 déjà livrés par l’armée allemande, 18 obusiers à roues supplémentaires, un deuxième système de défense anti-aérienne SkyNex livré en 2025. «Pour la première fois, le gouvernement fédéral fournit à l’Ukraine des munitions d’artillerie de calibre 122 mm. Cette année encore, 120 000 munitions d’artillerie de calibre 122 mm seront livrées», ajoute le ministère de la Défense.
 

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est arrivé dans la matinée à Berlin, première étape d’une tournée européenne pour demander un accroissement du soutien militaire pour son pays en difficulté face à la Russie. Il est ensuite attendu à Paris pour la signature d’un accord comparable avec le président français Emmanuel Macron. 

Cette tournée diplomatique est cruciale au moment où la situation s’est considérablement dégradée sur le front ukrainien. Dans l’est du pays, la ville d’Avdiïvka est l’épicentre de «combats acharnés» et menace désormais de tomber après des mois d’assauts russes. «Les efforts d’aujourd’hui en faveur de l’Ukraine ne sont rien face à ceux  que nous devrions déployer contre une Russie qui se sentirait victorieuse», a indiqué le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, dans une tribune vendredi au journal Le Monde.

«Ne cédons pas à la tentation de la fatigue ou de l’indifférence», a-t-il ajouté. Ces accords de sécurité sont censés donner à Kiev des garanties de soutien sur le long terme, en attendant une éventuelle intégration du pays à l’Otan. Le Royaume-Uni a été le premier à conclure un tel accord à l’occasion d’une visite du Premier ministre, Rishi Sunak, à Kiev le 12 janvier. Lors du dernier sommet de l’Otan à Vilnius en juillet 2023, les pays membres de l’organisation, Etats-Unis et Allemagne en tête, ont déçu les attentes de l’Ukraine, et de nombreux pays d’Europe orientale, en ne fixant pas de calendrier pour une adhésion du pays à cette alliance de défense.

Les puissances du G7 ont donc décidé de négocier avec Kiev des partenariats bilatéraux. Vingt-cinq autres Etats se sont joints à cette initiative, comme la Pologne.
 

Les engagements peuvent en particulier porter sur l’octroi d’équipements militaires, interopérables avec ceux de l’Otan, la formation des forces  ukrainiennes et le renforcement de l’industrie de défense de ce pays.
 

Le «Devos de la défense»

A quelques jours du deuxième anniversaire de l’intervention russe, le 24 février 2022, l’Ukraine est confrontée à de multiples défis  : les troupes russes  sont à l’offensive, l’aide militaire américaine est toujours dans les limbes et l’armée ukrainienne manque d’hommes, d’armes, de munitions.
 

Volodymyr Zelensky poursuivra aujourd’hui sa tournée diplomatique à la Conférence sur la sécurité de Munich (MSC), le rendez-vous annuel de l’élite de la géopolitique dans le sud de l’Allemagne. Il doit y tenir un discours puis enchaîner plusieurs discussions bilatérales, notamment avec la vice-présidente américaine, Kamala Harris, qui mène de nouveau cette année la grande délégation américaine à ce «Davos de la défense». 

Quelque 180 hauts représentants gouvernementaux sont attendus, dont le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ou le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi.Kiev attend depuis des mois le vote d’une aide cruciale de 60 milliards de dollars décidée par l’administration de Joe Biden, en campagne pour un deuxième mandat, mais entravée par l’opposition républicaine sous l’influence de Donald Trump. L’enveloppe a récemment passé l’obstacle du Sénat, mais est bloquée à la Chambre des représentants.
 

Vendredi, l’institut de recherche allemand Kiel Institute a indiqué que l’Union européenne (UE) va devoir doubler son aide militaire à l’Ukraine pour pallier la défaillance des Etats-Unis. «Il est hautement incertain que les Etats-Unis envoient de l’aide militaire supplémentaire en 2024», estime l’institut, qui recense l’aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l’Ukraine depuis l’intervention russe. Selon ses données, arrêtées au 15 janvier, les Etats-Unis ont envoyé pour 42,2 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine entre février 2022 et décembre 2023, soit environ 2 milliards par mois. 

De son côté, l’UE a promis 49,7 milliards d’euros d’aide militaire depuis le début de la guerre, mais seulement 35,2 milliards d’euros  ont pour l’heure été alloués à des armes et équipements précis. «L’Europe va devoir au moins doubler son aide militaire actuelle dans l’hypothèse où il n’y aurait pas d’aide supplémentaire des Etats-Unis», prévient Christoph Trebesch, qui dirige l’équipe du Kiel Institute chargée de suivre l’aide à l’Ukraine.  «C’est un défi, mais au bout du compte, c’est une question de volonté politique», ajoute C. Trebesch. Les pays de l’UE «sont parmi les plus riches au monde et, à ce jour, ils n’ont même pas dépensé 1% de leur PIB de 2021 pour soutenir l’Ukraine», soutient-il.

Au total, 265,1 milliards d’euros ont été promis à l’Ukraine depuis février 2022, dont 141,3 milliards d’aide financière, 107,5 milliards d’aide militaire  et 16,3 milliards d’aide humanitaire. Les premiers donateurs sont l’UE et ses membres (144,1 milliards), les Etats-Unis (67,7) et le Royaume-Uni (15,7).  Mais l’écart est grand entre promesses et sommes effectivement allouées, notamment pour l’UE, qui n’a alloué à ce jour que 77,2 milliards d’euros d’aide. Cet écart s’explique par le fait que les fonds débloqués par l’UE le sont généralement pour plusieurs années.Entre-temps, l’Europe peine à faire front uni. 
 

Les dirigeants européens se sont mis d’accord début février sur une nouvelle aide financière de 50 milliards d’euros sur quatre ans (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons), cette enveloppe a longtemps été bloquée par le Premier ministre hongrois Viktor Orban. En Slovaquie, la nouvelle majorité dirigée par le Premier ministre, Robert Fico, a bloqué début novembre, comme promis lors de sa campagne, une importante livraison d’armes programmée par l’Exécutif précédent. 

La Pologne, qui compte  parmi les soutiens de l’Ukraine est en friction avec Kiev : les agriculteurs polonais accusent leurs homologues ukrainiens de concurrence déloyale. D’où la crise agricole entre les deux pays.
 

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