En 2015, le géant chinois de l'immobilier lançait un ambitieux projet de cité futuriste. Sept années plus tard, cette vision est loin de se réaliser : seulement quelques milliers de résidents peuplent cette mégapole, bien loin des 700 000 escomptés.
Cette situation secoue l'économie chinoise dans son ensemble. En grande détresse, le groupe immobilier Country Garden, l'un des poids lourds de l'industrie chinoise, a subi un effondrement boursier de plus de 18 % lundi, entrainant une chute de la valeur de ses actions. La dette colossale de l'entreprise (150 milliards d'euros, voire 176 milliards selon Bloomberg) pèse lourdement sur sa santé financière, créant des inquiétudes parmi les investisseurs. Un projet en particulier incarne l'ambition démesurée de cet acteur de l'immobilier, et pourrait bien être lié à la crise qu'il traverse. Surnommée « Forest City », cette initiative pharaonique d'une valeur de 100 milliards de dollars (91 milliards d'euros), visant à créer une « cité futuriste intelligente et écologique », a été lancée en 2015 dans le sud de la Malaisie, à proximité de Singapour. Cependant, ce projet s'avère être un échec flagrant. Des observateurs et des médias locaux l'ont même qualifié de « ville fantôme », après avoir visité les lieux. Alors qu'il était prévu pour accueillir 700 000 habitants répartis sur quatre îles artificielles couvrant 30 km², seuls quelques milliers y résident aujourd'hui. Jusqu'à présent, seuls 28 000 logements ont été achevés, et une seule des quatre îles a été aménagée. Près de 90 % des commerces seraient à l'abandon, d'après le quotidien malaisien New Straits Times. Les prix des logements, nettement hors de portée pour la population locale, seraient la principale cause de cette situation. Les appartements se vendent à environ 2800 euros le mètre carré, alors que le salaire moyen en Malaisie n'excède pas 700 euros. Certains appartements dépassent même le million de dollars (915 000 euros). Les acheteurs étrangers, principalement les riches Chinois, qui étaient la cible initiale du projet, ont été refroidis par les déclarations contradictoires des autorités malaisiennes. Bien que le premier ministre malaisien ait affirmé en 2018 que les étrangers ne pourraient pas acheter à Forest City, il est ensuite revenu sur sa décision. À cela s'est ajouté le contrôle des capitaux imposé par le président chinois Xi Jinping.
De son côté, Country Garden tente toujours de défendre son projet immobilier de luxe, où deux parcours de golf, deux hôtels de luxe, une école internationale, une usine et même un parc aquatique ont déjà vu le jour. Dans une déclaration au journal New Straits Times, le promoteur chinois a jugé prématuré de qualifier le projet de « raté », soulignant que celui-ci ne sera achevé qu'en 2035 et qu'il n'a été lancé que sept ans auparavant. Néanmoins, début août, Country Garden a laissé entendre qu'il pourrait réviser ses plans de développement si les circonstances l'exigeaient au cours des deux prochaines années. Le groupe a admis que des facteurs imprévus tels que la pandémie de Covid-19 et le ralentissement économique mondial avaient impacté sa dynamique de développement. Plus de 100 agents immobiliers étrangers ont été recrutés pour promouvoir Forest City auprès d'acheteurs potentiels. Cependant, ces plans pourraient être perturbés par la crise financière que traverse actuellement le groupe.