Les déplacés turcs du séisme font la queue par des températures en dessous de zéro à Gaziantep pour recevoir un plat chaud offert grâce à une vague de solidarité des restaurants de cette ville du sud du pays. «Les queues sont interminables mais les restaurants ont fait bien plus que le gouvernement», déclare l’un des déplacés, Ajde Gunes. Au restaurant Imam Cagdas, renommé à Gaziantep pour son alinazik, un délicieux mariage de purée d’aubergines fumées et grillées mélangées avec du yaourt et recouvertes d’un ragoût d’agneau, quelque 4000 plats ont été distribués gratuitement depuis le séisme qui a fait plus de 28 000 morts en Turquie et en Syrie. «Nous cuisinons des plats faciles à préparer, faciles à servir et bons pour résister au froid, comme des pâtes et des soupes dès le matin», explique Burhan Cagdas, le fils du propriétaire. Chaque jour le restaurant prépare quatre ou cinq plats différents. «Si nous n’avons plus assez d’ingrédients, d’autres restaurants nous en fournissent. Ils savent qu’il s’agit d’aider des gens qui sont dans le besoin», poursuit-il. Quelque 2000 personnes ont péri dans le séisme à Gaziantep, située près de l’épicentre, tandis que des dizaines de milliers d’habitants ont dû quitter leurs appartements, désormais considérés comme dangereux. Le restaurant Imam Cagdas n’est plus en mesure, faute d’ingrédients suffisants, de proposer les plats qui ont fait sa renommée mais le ragoût turc ou tava - des tomates, des oignons, de la viande et des épices - sauve la mise. «Notre personnel se retrouve dans une situation impossible, souligne Cagdas. Ils ont des victimes au sein de leurs propres familles et leurs maisons ont été détruites». La famille de Burhan Cagdas lui-même a dormi dans des voitures depuis le tremblement de terre qui s’est produit le 6 février. Mais la vague de solidarité n’en est que plus forte. «Nous voulons aider», résume-t-il. D’autres restaurants et cafés de Gaziantep ont suivi l’exemple d’Imam Cagdas. Des centaines de déplacés font ainsi la queue chaque midi devant Firino, un café branché situé au pied du château de la ville dont les tours se sont effondrées lors du séisme. Au restaurant Meshur Kalealti, situé également dans le quartier touristique de Gaziantep, quelque 3000 soupes sont offertes chaque jour avec du pain. «Nous allons continuer tant que la crise sera là», dit son responsable, qui s’appelle également Burhan. «Même si cela doit durer des semaines».
Même les petits kebabs
Même les petits kebabs s’y sont mis. «Nous offrons 200 kebabs par jour», lance fièrement Hidir Nemasek, qui gère un local de kebabs à emporter avec sa femme dans le quartier Sahinbey. Au Parc du Festival, où des familles entières passent la nuit dans le froid, les sans abris font la queue pour recevoir de la nourriture. Des villes à travers le pays ont dépêché dans les zones touchées par le séisme des camions remplis d’aliments et d’eau. «Je fais la queue ici une fois par jour mais pour le dîner avec mes enfants nous recherchons un restaurant: les plats qui y sont offerts sont bien meilleurs», dit Deniz Erdoglu, qui vit dans une tente avec sa femme et leurs quatre enfants. Certains vendent aussi leur bétail afin de pouvoir venir au secours des déplacés. Sarigul Kacan, une femme âgée de 70 ans de la province de Kars (est), a vendu sa vache 13 000 lires turques (650 euros) pour envoyer cet argent aux victimes du séisme, ont rapporté les médias turcs. Une autre retraitée, Nazime Kilic, victime du séisme de 1983 dans la province de Erzurum (est), a elle vendu son taureau 23 000 lires (1145 euros). «J’ai huit enfants. Je leur dis : aidez autant que vous pouvez», a-t-elle lancé, selon un média local.