Poussée par plusieurs Etats membres, dont la France et l’Allemagne, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé lundi soir une nouvelle loi pour faciliter l’expulsion de migrants en situation irrégulière.
Avant un sommet européen demain et vendredi à Bruxelles, la cheffe de la Commission signe ainsi l’un des premiers actes politiques majeurs depuis sa reconduction pour un second mandat, dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe. Mais le parcours pour faire aboutir cette nouvelle législation est semé d’embûches.
Quelles sont les règles actuelles ?
La reconduction aux frontières est régie par la «directive retour» de 2008. Âprement négocié à l’époque, ce texte harmonise les règles au sein de l’UE pour expulser des migrants en situation irrégulière dans des pays tiers, tout en leur garantissant des voies de recours devant la justice. Il met en place une procédure graduée jusqu’à l’expulsion contrainte. Avant un éloignement forcé, une décision de reconduite doit laisser à l’étranger concerné «un délai approprié», allant de 7 à 30 jours pour un départ «volontaire», sauf en cas de risque de fuite ou de danger pour l’ordre public. Et les «mesures coercitives» comme le placement en rétention avant une expulsion ne peuvent intervenir qu’en «dernier ressort».
Cette loi autorise au sein de l’UE un maximum de 18 mois de rétention pour les clandestins. Après l’expulsion, elle permet un bannissement de cinq ans du territoire des Vingt-Sept. En 2008, ces mesures avaient hérissé les défenseurs des droits humains qui fustigeaient une «directive de la honte». Le texte avait aussi provoqué un tollé dans des pays étrangers, particulièrement en Amérique latine.
Qui veut réviser la loi et pourquoi ?
Quinze Etats membres, dont la France et l’Allemagne, ont récemment signé une note de travail initiée par l’Autriche et les Pays-Bas pour durcir les règles. Ursula von der Leyen vient d’aller dans leur sens dans une lettre envoyée aux 27, alors que l’immigration sera à l’ordre du jour d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens demain et vendredi à Bruxelles. La Commission veut «rationaliser efficacement le processus de retour». Actuellement, moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet dans l’UE. En France, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui affiche sa fermeté en matière migratoire, en a fait son cheval de bataille. Ce tenant de la droite conservatrice accuse la directive de 2008 de rendre «quasiment impossibles les retours» et pointe du doigt la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’il juge trop laxiste. La France veut remettre en cause les délais accordés pour un retour volontaire, avant une expulsion contrainte.
Y a-t-il un calendrier ?
Non, pas à ce stade. La nouvelle équipe de la Commission européenne doit d’abord prendre ses fonctions, a priori début décembre. Et la révision d’une directive est un long processus d’aller-retour avec les Etats membres et le Parlement. En 2018, la Commission avait soumis une proposition de révision qui n’a jamais abouti faute d’accord sur ce sujet sensible.
Des ONG dénonçaient des remises en cause des droits fondamentaux des migrants. La nouvelle proposition d’Ursula von der Leyen intervient alors que l’Union européenne vient d’adopter le pacte asile et migration en mai dernier. Ce pacte, qui doit entrer en vigueur mi-2026, durcit les contrôles et établit un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept dans la prise en charge des demandeurs d’asile. Mais dans une Europe confrontée à la poussée de l’extrême droite, plusieurs pays veulent déjà aller plus loin.
Dans sa lettre, Ursula von der Leyen mentionne aussi une proposition inflammable de transferts de migrants dans des centres d’accueil de pays tiers, des «hubs de retour». Elle appelle à tirer les «leçons» d’un accord scellé par l’Italie avec l’Albanie, où deux centres doivent recevoir des migrants arrêtés dans les eaux italiennes, à partir de mercredi. Cet accord avec Tirana est «une voie nouvelle, courageuse, inédite», a revendiqué Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien et du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia.
De telles discussions étaient «impossibles» au sein de l’Union il y a quelques années, souligne un responsable européen. Mais «le débat a évolué», «vers la droite» de l’échiquier politique, relève-t-il.