Les promesses de neutralité carbone des grands pays émetteurs, à commencer par la Chine et les Etats-Unis, manquent dans l’ensemble de crédibilité, ce qui risque de placer le monde sur le chemin d’un réchauffement climatique dangereux, conclut une étude scientifique publiée jeudi.
Lorsque nous examinons la crédibilité des promesses climatiques actuelles, notre évaluation montre que le monde reste loin d’assurer un futur climatique sûr», écrivent les auteurs dans la revue américaine Science, au terme d’un inventaire inédit. L’accord de Paris, signé en 2015, vise à maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale «bien en dessous de 2°C» par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour la limiter plutôt à 1,5°C.
Pour y parvenir, de nombreux pays promettent d’atteindre à des échéances diverses la «neutralité carbone» - quand les émissions de CO2 dites résiduelles, c’est-à-dire qu’un pays continue d’émettre malgré des efforts de réduction, sont absorbées par des puits de carbone -. Les pays se sont aussi dotés de plans d’action climatique, appelés contributions nationales déterminées (NDC en anglais). L’équipe internationale de chercheurs a donné un indice de «confiance» dans les diverses promesses de neutralité carbone de 35 pays (ou entités politiques comme l’Union européenne) les plus émetteurs, en se fondant sur trois critères: est-ce que cet objectif est juridiquement contraignant, est-il accompagné d’un plan politique «crédible» pour le mettre en œuvre et est-ce que les politiques menées conduisent à une trajectoire de baisse des émissions au cours de la prochaine décennie? Résultat: près de 90% ont de faibles niveaux de confiance, à commencer par la Chine et les Etats-Unis, les deux plus gros émetteurs. Seuls quelques-uns comme l’UE et le Royaume-Uni se distinguent en revanche comme de bons élèves.
« Haut risque »
«La politique climatique est en train de passer de la fixation d’objectifs ambitieux à leur mise en œuvre», a souligné Joeri Rogelj, de l’Imperial College de Londres, l’auteur principal de l’étude. «Mais notre analyse montre que la plupart des pays n’inspirent pas une grande confiance dans le fait qu’ils tiendront leurs engagements. Le monde est toujours sur un chemin à haut risque en termes climatiques et nous sommes loin de mettre en place un climat sûr pour le futur», met-il en garde.
Sur cette base, les chercheurs ont élaboré cinq scénarios d’émissions futures et donc de réchauffement climatique. Le plus conservateur se fonde uniquement sur les politiques actuelles tandis que le plus optimiste imagine que toutes les promesses seront tenues et que les objectifs des NDC seront atteints. Le premier se traduirait par un réchauffement de 2,6°C (estimation médiane) d’ici 2100 et le dernier de 1,7°C seulement. «Cela pourrait suggérer que, si toutes les politiques de neutralité carbone sont pleinement appliquées, les objectifs de l’Accord de Paris sont atteignables», souligne l’Imperial College de Londres dans un communiqué. «Mais avec autant de politiques classées comme ayant un faible niveau de confiance, cela serait prendre nos désirs pour des réalités en l’absence d’efforts supplémentaires», souligne l’université. Pour conclure, les auteurs indiquent les voies d’amélioration, à commencer par graver les objectifs climatiques dans le marbre de la loi, pour tenter de les prémunir notamment de tout retournement politique. «Il est crucial de rendre les objectifs juridiquement contraignants pour s’assurer que les plans de long-terme soient bien adoptés.
On doit voir des législations concrètes pour avoir confiance dans le fait que des actions suivront les promesses», souligne Robin Lamboll, de l’Imperial College, l’un des co-auteurs.