Les experts s’accordent sur le fait que la question des drogues, spécialement la consommation, ne peut être résolue par la seule répression. C’est un fléau universel qui n’a épargné aucune société dans le monde, chacune ayant expérimenté les moyens de riposte jugés les plus adaptés. Longtemps c’étaient les valeurs religieuses et culturelles qui étaient considérées comme le meilleur paravent contre les drogues, mais la vision a changé au fil des décennies post-indépendance. Devenue complexe dans sa croissance et son développement, l’Algérie s’est insérée dans le modèle de consommation de type occidental avec ses aspects positifs et ses effets négatifs. L’attrait pour les drogues a suivi l’évolution des conditions de vie des citoyens. C’est surtout la pauvreté, la précarité sociale, l’exclusion et l’insécurité individuelle et collective qui ont fait le lit de la consommation de ces produits, bien que les personnes aisées socialement pouvaient y être attirées ou en faire des produits lucratifs.
Comme tout être humain, c’est généralement quand il est mal dans sa peau, qu’il n’arrive pas à s’intégrer au sein de la société et qu’il est sans perspective d’avenir que l’Algérien a tendance à recourir à la consommation de stupéfiant. Il peut le faire occasionnellement, comme il est susceptible de devenir un «accro» toute sa vie. Mais au gré du temps, sous l’effet des multiples désordres sociaux, humains et psychologiques affectant le pays, la consommation est devenue pathologique, s’étendant de manière spectaculaire au sein des multiples franges de la population. Ce n’est pas un hasard si la consommation des drogues a explosé durant la décennie du terrorisme et des années après, suite à l’apparition de multiples traumatismes psychologiques. La sonnette d’alarme a été tirée lorsque les drogues ont gagné les adolescents et les enfants, y compris en milieu scolaire. Le trafic et la consommation explosent et les chiffres donnent le tournis. Toutes ces problématiques méritent des éclairages d’experts. Quant aux pouvoirs publics, ils doivent adapter la législation actuelle insuffisante pour prendre en charge les interventions, particulièrement au niveau préventif. La loi s’est focalisée surtout sur la répression, alors que le plus important est d’agir en amont, avant la descente aux enfers. Il est établi que la dépendance peut cesser ou s’atténuer chez un consommateur dès lors qu’intervient une prise en charge, que ce soit de la famille, des pouvoirs publics ou du mouvement associatif. Le suivi médical et psychologique est fondamental. Il faut agir aussi sur le milieu familial, absent ou défaillant. Les structures les plus basiques que sont les centres de désintoxication sont quasi inexistantes dans le pays. Ce sont ces endroits-là pourtant qui permettent de sauver des individus fortement atteints et d’éviter les rechutes. Les rares structures étatiques et associatives activant dans ce domaine ont été laissées sans grands moyens…
D’année en année, le phénomène prend de l’ampleur avec d’énormes quantités de saisies, généralement aux frontières. La répression doit concerner essentiellement les trafiquants de drogue et de psychotropes, des individus ou des groupes criminels qui tirent profit de la détresse des malades. Cette répression doit s’intensifier, c’est ce que tente de prévoir le nouveau projet de loi du gouvernement. Il s’agit de cibler les sources d’approvisionnement. Du Maroc sont acheminées d’énormes quantités ainsi que des pays du Sahel en proie à la déstabilisation et à la détresse sociale. Et parfois, l’Algérie sert de point de passage aux trafiquants vers les pays européens, où la consommation est importante. Pour la seule année 2022, Selon la directrice de la prévention et de la communication à l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLD), 60 tonnes de cannabis ont été saisies, leur provenance est le Maroc, qui est une plaque tournante mondiale, mais également le plus gros producteur de cannabis dans le monde, sans oublier la panoplie de produits illicites que ce pays fournit aux réseaux de narcotrafic. Elle a révélé que le taux de consommation de la cocaïne a augmenté de 200% au cours des dix premiers mois de l’année dernière, alors que les autres substances illicites ont connu une augmentation de la consommation de l’ordre de 100%. Les catégories concernées par le fléau sont les adolescents et les jeunes adultes. Il a été prouvé aussi que des psychotropes pouvaient être consommés par des écoliers du primaire, ce qui constitue, selon elle, un facteur d’inquiétude. Pour cerner la question, il faut relever l’existence d’une enquête épidémiologique nationale et globale de la prévalence de la drogue en Algérie, initiée en 2016 par l’ONLD, dépendant du ministère de la Justice.