Ce repositionnement stratégique est dicté par l’évolution de la demande mondiale de gaz. Celle-ci devra augmenter dans le mix énergétique mondial de 23% actuellement à 26% en 2050. Comme elle a une vocation plus gazière que pétrolière, l’Algérie entend jouer un rôle majeur avec des réserves qui s’élèvent à près de 2400 milliards de mètres cubes. Pour honorer tous ses nouveaux engagements, Sonatrach s'attelle à mettre en service rapidement les nouveaux gisements, dont les travaux de développement sont à un stade avancé, notamment dans le sud-ouest du pays, plus précisément sur le site du projet d’usine de traitement de gaz à Hassi Tidjerane, dont l’avancement des travaux, selon Sonatrach, est à près de 99%.
La mise en service de cette installation industrielle, d’une capacité de 4 millions de mètres cubes/jour, est destinée à traiter une partie des gaz extraits des nouveaux gisements du Sud-Ouest. Ayant une capacité totale de 12 millions de mètres cubes/jour, soit 4,5 milliards de mètres cubes/an, ces gisements doivent commencer à produire en 2023. La première phase de leur développement devrait s’achever en mars prochain avec la première production de gaz du nouveau gisement Tidjerane. S’ensuivra la mise en service des deux autres gisements, en principe en 2023, si les travaux avancent rapidement. Cette production se conjuguera aux quantités de gaz extraites des gisements de gaz en cours d’exploitation, ceux de Timimoun en partenariat entre Sonatrach et Total, de Touat avec Neptune Energy et Reggane Nord entre Sonatrach et Repsol avec, respectivement, une capacité de production de 1,6 milliard, 4,5 milliards et 2,4 milliards de mètres/cubes, soit au total plus de 8 milliards de mètres cubes/an.
Avec la mise en service des trois gisements du Sud-Ouest en 2023, selon les prévisions de Sonatrach, la capacité de production de ces nouveaux gisements sera de 12 milliards de mètres cubes/an, soit plus de 10% de la production gazière du pays et plus de 20% des exportations gazières. A cela s’ajoute la production des gisements de gaz en déclin d’In Salah qui produisent, actuellement, selon une source proche de Sonatrach, 6 milliards de mètres cubes/an. Cette zone gazière du Sud-Ouest pourrait donc produire à moyen terme 20 milliards de mètres cubes/an de gaz si les travaux de développement s’effectuent à un rythme rapide.
ressources gazières importantes
Ces ressources gazières sont très importantes, mais doivent être à confirmer techniquement, notamment par les compagnies étrangères qui y effectuent des études. Selon Alnaft, le potentiel est estimé, en 2019, à plusieurs milliers de milliards de TCF. Si on exploite seulement 1% de ces ressources, ce sera autant que les réserves actuelles de gaz de l’Algérie. Les ressources gazières du Sud-Ouest combinées à celles du bassin d’Illizi et de Berkine, confirmées et développées, permettront à l’Algérie de placer des quantités plus importantes de gaz sur le marché européen. Dans cet ordre d’idées, signalons que la raffinerie d’Augusta, détenue à 100% par Sonatrach, «commercialise ses divers produits raffinés en Italie, en Espagne, en France, en Turquie et en Egypte». Acquise en 2018 par le groupe, suscitant à l’époque une grande polémique sur la rentabilité de son investissement, elle a rapporté, en 2021, 4,3 milliards d’euros, contre 2,3 milliards d’euros en 2020, et son volume de production s’élève à «environ 8 millions de tonnes de produits raffinés». Sonatrach a investi dans la restructuration et le redressement de la raffinerie d’Augusta, située en Sicile, au sud de l’Italie, vieille de 70 ans, afin de rentabiliser son investissement. Elle a finalement rapporté d’importants bénéfices au groupe et permet le lancement de nouveaux investissements dans l’industrie pétrochimique et dans l’énergie verte. Un projet baptisé «Projet-Hybla» sera réalisé conjointement par la filiale de Sonatrach, Sonatrach Raffineria Italiana, qui gère cette raffinerie d’Augusta, et la filiale de la société sud-africaine Sasol Italy. Les deux groupes visent, en plus de la production de l’hydrogène vert, «à capter et réutiliser le CO2 qui contribuera au processus de décarbonation des deux sites (avec une réduction des émissions d’environ 120 000 tonnes de CO2 par an)». «Cette usine permettra la production de 7800 tonnes/an d’hydrogène bas carbone et de 25 000 tonnes/an de gaz de synthèse bas carbone, ainsi que le gaz de synthèse bas carbone et que le captage et réutilisation du CO2, avec une réduction de 120 000 tonnes/an d’émissions de gaz», a-t-il ajouté.
Sonatrach et Sasol voudraient ainsi saisir l’opportunité de la crise énergétique qui secoue l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine pour renforcer leurs investissements dans le secteur de l’hydrogène et «renforcer le rôle central de la Sicile dans la construction de la future infrastructure d’hydrogène de l’Union européenne. Une zone qui se distingue, d’une part, par son grand potentiel d’énergies renouvelables et, d’autre part, par son emplacement stratégique
En juillet dernier, «les quatre groupes, algérien Sonatrach, italien Eni, américain Occidental et français Total, avaient signé un contrat d’un montant de quatre milliards de dollars de partage de production pétrolière et gazière, d’une durée de 25 ans, concernant ce site du Sud-Est algérien».
Le Galsi sera relancé
En outre, l’Algérie et l’Italie ont convenu de relancer le projet d’un deuxième gazoduc, le Galsi en l’occurrence, pouvant transporter aussi bien le gaz, l’électricité, l’hydrogène que l’ammoniac. Le but est de diversifier et d’accroître substantiellement les exportations algériennes vers l’Italie et d’en faire un hub énergétique capable d’approvisionner plusieurs pays du Vieux Continent. Le Galsi permettra à l’Algérie de diversifier ses produits énergétiques à destination de l’Italie. L’actuel gazoduc, l’Enrico Mattei, permet déjà de transporter un volume de 32 milliards de mètres cubes par an. Cependant, cela nécessite d’importants investissements pour dégager des quantités de gaz importantes à l’exportation. Le président de la République avait affirmé à ce propos : «Nous produisons actuellement près de 102 milliards de mètres cubes de gaz, dont la moitié est consommée localement. J’espère qu’en 2023, nous atteindrons une production de 100 milliards de mètres cubes de gaz destinée exclusivement à l’exportation. A été signé en ce sens un mémorandum d’entente entre Sonatrach et ENI portant sur l’amélioration des réseaux de raccordement énergétique entre l’Algérie et l’Italie. L’Algérie s'attelle à développer un pendant diplomatique à sa stratégie de production et de commercialisation. Tout récemment, elle a signé une convention avec le Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) pour abriter, à Alger, le siège de l’Institut de recherches sur le gaz (GRI) relevant du Forum. Par ailleurs, elle abritera le 7e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Forum en fin d’année dans le but de consolider sa position sur l’échiquier gazier international et participer au processus de mise en place du nouvel ordre mondial, qui s’esquisse actuellement. Le GECF est composé de 14 membres, qui sont l’Algérie, la Bolivie, Brunei, l’Egypte, l’Indonésie, l’Iran, la Libye, la Malaisie, le Nigeria, le Qatar, la Russie, Trinité-et-Tobago, les Emirats arabes unis et le Venezuela.»
Tout en tablant sur l’Algérie pour son offensive énergétique, le géant italien ENI a décidé de se tourner vers la Libye, pays connu pour ses immenses réserves en hydrocarbures, fortement exploitées au temps de Mouammar El Gueddafi mais depuis en baisse sensible suite à la guerre civile. Aussi tout récemment, ENI et la Compagnie nationale de pétrole libyenne (NOC) ont signé à Tripoli un accord «historique» pour l’exploitation de deux gisements gaziers au large de la Libye, le plus important de ces 20 dernières années. Il s’agit du «premier grand projet développé en Libye depuis 2000» sur deux champs situés au large, capables de produire, «dès 2026, entre 750 et 800 millions de mètres cubes de gaz par jour». ENI est déjà «le premier opérateur» avec 80% de la production de gaz libyen. Un tiers de la capacité sera exporté vers l’Italie. L’investissement sera de 8 milliards (de dollars) sur une période de trois ans. La Libye a saisi cette opportunité pour appeler les autres compagnies internationales à venir investir dans le pays.