Son éditeur parle de la «grâce de l’homme» : Gaël Faye, l’auteur rwandais qui draine les foules

16/09/2024 mis à jour: 12:04
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Gaël Faye

«Gaël Faye nous amène à la littérature. Son flow est génial. Sa voix délicate résonne très fort sur scène. Il a quelque chose en plus», affirme à l’AFP l’animatrice de radio Charline Vanhoenacker, venue présenter une émission de France Inter depuis Nancy.

 

Il déplace des foules enthousiastes pour leur parler d’un sujet on ne peut plus difficile : le musicien et écrivain franco-rwandais Gaël Faye oscille entre son charisme de chanteur et la gravité héritée du génocide de 1994 au Rwanda. 


Sorti en août, le roman  Jacaranda, du nom d’un arbre qui lui avait déjà inspiré le titre d’un album, Mauve Jacaranda (2022), est d’ores et déjà un des succès de la rentrée littéraire en France. Il est également dans les premières sélections des prix Goncourt, Femina et Renaudot. «La semaine dernière, on était à 65 000 exemplaires, et le tirage est à 300 000», détaille Olivier Nora, patron des éditions Grasset, en regardant son auteur de 42 ans en dédicace au festival Le Livre sur la place de Nancy, dans le nord-est de la France. La queue est longue en ce samedi matin. Alix, 10 ans, a beaucoup patienté pour voir son «chanteur préféré». Face à lui, elle se met à pleurer. 


Il la rassure. Et la mère de préciser que la fillette ne lira pas le roman pour l’instant Trop jeune. Un Franco-Rwandais prénommé Milan, qui a grandi à Versailles, près de Paris, y raconte comment le pays de sa mère fait irruption dans sa vie à la fin de son enfance par les actualités télévisées.


C’est une autre perspective que Petit Pays, premier roman et énorme succès de librairie traduit en 40 langues et adapté en film, où le narrateur parlait depuis le Burundi. Le récit est par moments très dur. 


Et sur la scène de l’Opéra national de Lorraine, samedi après-midi, le très doux et très poli Gaël Faye, en commençant par répondre à des questions, puis en chantant, n’élude pas l’horreur du génocide au Rwanda, qui a fait plus de 800 000 morts en seulement trois mois en 1994.

 Il a choisi, parmi les passages de Jacaranda qu’il lit, celui où la maison d’un des auteurs du génocide est rasée pour enfin aller chercher des corps jetés à l’époque dans une fosse septique. Le livre passe par la didactique, et son auteur aussi, quand il tient le micro devant des auditoires captivés qui connaissent mal le Rwanda, le pays dont vient sa mère, et le Burundi voisin, celui où il a grandi. 


«Retenir le temps»  

Il explique au public les racines coloniales de la tragédie : la fabrication d’ethnies, Hutu et Tutsi, dans une société qui n’en avait pas. «Je fais un cours d’histoire, j’ai vraiment honte...», s’excuse-t-il. 


«Mais je vous invite à lire par exemple les livres de Jean-Pierre Chrétien autour de ça», en référence à un historien français spécialiste de l’Afrique des Grands 

Le génocide, dans son œuvre, reconnaît Gaël Faye, «c’est vrai que ça prend toute la place. Et comment pourrait-il en être autrement? Un monde a été englouti en 1994». Or, souligne-t-il, «il y a urgence à raconter, parce qu’au Rwanda, maintenant, les trois quarts de la population sont nés après 1994».


L’auteur fait l’unanimité. «Gaël Faye nous amène à la littérature. 


Son flow est génial. Sa voix délicate résonne très fort sur scène. Il a quelque chose en plus», affirme à l’AFP l’animatrice de radio Charline Vanhoenacker, venue présenter une émission de France Inter depuis Nancy. «Le succès tient à la grâce de l’homme», selon Olivier Nora. «Il y a une telle sincérité, un tel magnétisme... 


Une des raisons pour lesquelles les gens font la queue, c’est qu’il se refuse à faire de l’abattage. Lui écoute longtemps, alors que les libraires voudraient qu’il aille plus vite». 


C’est l’une des angoisses que confie Gaël Faye d’ailleurs, la rapidité à laquelle change le Rwanda, où il habite depuis 10 ans avec ses deux filles et sa femme, franco-rwandaise elle aussi. 


«Ce Rwanda qui est en perpétuelle mutation... Ca va tellement vite que je ne sais même pas quoi en dire», dit-il. «Mais c’était une façon de retenir le temps que d’écrire».
 

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