Nous sommes très préoccupés par la situation dans les mers de Chine orientale et méridionale.»
C’est ce qu’ont affirmé samedi dans une déclaration les dirigeants du Dialogue quadrilatéral sur la sécurité, Quad, à savoir le président américain Joe Biden et les Premiers ministres japonais Fumio Kishida, indien Narendra Modi et australien Anthony Albanese, à l’issue de leur sommet tenu samedi à Wilmington, a rapporté hier l’AFP. La vice-présidente Kamala Harris, propulsée candidate démocrate à la Maison-Blanche quand Joe Biden a renoncé en juillet à briguer un second mandat, n’est pas présente à cette rencontre.
Sans citer directement la Chine, la déclaration fait référence à une série d’affrontements entre des navires chinois et philippins dans la zone contestée de la mer de Chine méridionale. En parallèle, des îles disputées en mer de Chine orientale sont la source de tensions entre Pékin et Tokyo. Ils ont condamné des «manœuvres coercitives et intimidantes» en mer de Chine méridionale, sans incriminer aucun pays en particulier. Pékin revendique sa souveraineté sur la quasi-totalité des îlots de cette mer. Ils ont soutenu que la région devait rester «libre et ouverte», faisant état de «défis» géopolitiques.
Aux dirigeants de l’Australie, de l’Inde et du Japon, le président américain, qui quittera la Maison-Blanche en janvier, a indiqué que «la Chine continue de se comporter agressivement, nous met à l’épreuve dans toute la région», selon des propos captés par la presse lors de cette réunion censée se tenir à huis clos. Il a observé que le président chinois, Xi Jinping, se concentre sur les «défis économiques intérieurs» mais cherche aussi «à s'offrir un espace diplomatique, de mon point de vue, pour poursuivre agressivement les intérêts de la Chine». Toutefois, il a jugé que les «efforts intenses» récemment conduits par Washington pour réduire les tensions, à l'image d'un entretien téléphonique avec son homologue chinois en avril, ont été bénéfiques.
A la presse, il a assuré que le Quad perdurerait, quelle que soit l’issue de la présidentielle américaine du 5 novembre. L’Inde doit accueillir l’an prochain le sommet du groupe. Les relations entre les deux puissances asiatiques sont marquées par des différends territoriaux.
D’où les affrontements en 2020 à la frontière qu’ils se disputent dans l’Himalaya. New Delhi n’a pas intégré les Routes de la soie, initiative économique de Pékin. Pour concurrencer ce projet, Narendra Modi a dévoilé en mai 2017, à l’occasion d’une réunion de la Banque africaine de développement (BAD) qui s’est tenue à Ahmedabad, en Inde, le «corridor de la croissance Asie-Afrique», surnommé la «Route de la liberté».
«Guerre froide»
L’Australie est membre de l’Aukus avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Dans le cadre de cette alliance, les trois pays ont lancé, en mars 2023, un programme de coopération concernant les sous-marins nucléaires. L’accord a suscité l’ire de Pékin. Aucun pays «ne doit s’engager dans des alliances prenant pour cible les intérêts d’un pays tiers», a déclaré l’ambassade chinoise aux Etats-Unis. «Tout particulièrement, ces pays devraient abandonner leur mentalité de guerre froide et leur idéologie portant préjudice» à un pays tiers. Cet accord est «extrêmement irresponsable», a affirmé le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, pour qui, il «sabote gravement la paix et la sécurité de la région et donne un nouveau coup de fouet à la course aux armements».
Canberra est aussi membre de l’alliance dite «Five Eyes» dans le renseignement avec la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis. En octobre 2022, l’île-continent a conclu un traité de sécurité avec le Japon puis avec le Vanuatu en décembre.
Ce qui n’a pas laissé Pékin indifférent. En janvier 2023, la Chine a exhorté l’Australie à se souvenir des crimes de guerre commis par le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale avant de se rapprocher de Tokyo. «Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon a envahi l’Australie, bombardé Darwin, tué des Australiens et fusillé des Australiens» prisonniers de guerre, a déclaré l’ambassadeur de Chine en Australie, Xiao Qian, à la presse. «Faites attention à ce qui pourrait se passer à l’avenir. Quand quelqu’un vous menace, il peut vous menacer à nouveau», a-t-il observé. Et de rappeler : «La Chine a été votre amie.» Les deux pays ont opté, avec l’arrivée au pouvoir des travaillistes en mai 2022, pour la désescalade. Ainsi, Pékin a rouvert son marché au charbon australien en mars 2023, puis levé des taxes prohibitives sur l’orge en août.
Début novembre, Anthony Albanese a effectué une visite en Chine. A cette occasion, le président chinois, Xi Jinping, a indiqué que Pékin et Canberra peuvent devenir des «partenaires de confiance». De son côté, A. Albanese a salué des progrès «incontestablement très positifs» dans les relations bilatérales.
Les 11 et 12 avril dernier, Joe Biden a tenu, à Washington, un sommet trilatéral avec le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, et le président philippin, Ferdinand Marcos Jr., pour renforcer la coopération régionale face aux ambitions géopolitiques de la Chine dans la région Asie-Pacifique. En août dernier, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont tenu un sommet à Camp David, près de Washington.
Dans une déclaration conjointe publiée en la circonstance, les trois pays ont condamné le «comportement dangereux et agressif» et les «revendications maritimes illégales» de Pékin en mer de Chine.