Selon une récente étude de la Banque mondiale : Le «piège du revenu intermédiaire» freine les progrès des pays en développement

05/08/2024 mis à jour: 09:06
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Siège de la Banque mondiale (photo : dr)

Une nouvelle étude de la Banque mondiale, parue vendredi, propose un modèle stratégique pour assurer une croissance de qualité au XXIe siècle. Selon l’étude, plus d’une centaine de pays, dont la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, se heurtent à de sérieux obstacles qui risquent de les empêcher de devenir des économies à revenu élevé au cours des prochaines décennies. 

La Banque mondiale souligne que le rapport propose pour la première fois une feuille de route détaillée afin de permettre aux pays en développement d’échapper au «piège du revenu intermédiaire», ajoutant que ses recommandations se fondent sur les enseignements tirés des 50 dernières années. 

Et d’expliquer que le Rapport sur le développement dans le monde 2024 constate qu’à mesure que les pays s’enrichissent, ils tombent généralement dans un «piège» lorsque leur revenu atteint environ 10% du PIB annuel des Etats-Unis par habitant, soit l’équivalent de 8000 dollars aujourd’hui. 

Ce montant se situe au milieu de la fourchette des pays que la Banque mondiale classe dans la catégorie des «pays à revenu intermédiaire». Depuis 1990, indique-t-on, seuls 34 d’entre eux ont réussi à se hisser au niveau des économies à revenu élevé, et plus d’un tiers ont bénéficié soit de leur intégration dans l’Union européenne, soit de l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole. 


Et d’ajouter qu’à la fin de l’année 2023, 108 pays figuraient dans la catégorie des économies à revenu intermédiaire, avec chacun un PIB annuel par habitant compris entre 1136 et 13 845 dollars. Ces pays abritent six milliards de personnes, soit 75% de la population mondiale, ainsi que deux tiers des personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté. Ils génèrent plus de 40% du PIB mondial et sont responsables de plus de 60% des émissions de carbone. Mais, précise la Banque mondiale, «ils sont en butte à de bien plus grandes difficultés que leurs prédécesseurs pour échapper au piège du revenu intermédiaire, en particulier le vieillissement rapide de leurs populations, la montée du protectionnisme dans les économies à revenu élevé et la nécessité d’accélérer la transition énergétique».

La Banque mondiale indique, par ailleurs, qu’un grand nombre de ces pays s’appuie sur des stratégies dépassées pour devenir des économies avancées. «Ils dépendent uniquement de l’investissement pendant trop longtemps ou optent prématurément pour l’innovation», souligne-t-elle. 

Et d’estimer qu’une nouvelle approche est indispensable et consiste, en premier lieu, à mettre l’accent sur l’investissement, ensuite privilégier l’injection de nouvelles technologies venues de l’étranger et, enfin, adopter une stratégie à trois volets qui équilibre investissement, infusion et innovation. Et de prévenir que face aux pressions démographiques, écologiques et géopolitiques croissantes, «nous n’avons pas le droit à l’erreur».

Le rapport propose la «stratégie des 3i» pour permettre aux pays de se hisser au statut d’économie à revenu élevé. En fonction de leur stade de développement, tous doivent adopter un ensemble de politiques séquencées et progressivement plus sophistiquées. Les pays à faible revenu peuvent se concentrer uniquement sur des politiques visant à accroître l’investissement, c’est la phase 1i. Puis, une fois atteint le statut d’économie à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, ils doivent monter d’un cran et passer à la phase 2i, qui combine politiques d’investissement et d’«infusion», ce processus consistant à adopter des technologies provenant de l’étranger et à les diffuser dans l’ensemble de l’économie. Arrivés au niveau de revenu intermédiaire supérieur, les pays doivent à nouveau changer de vitesse et passer à la phase finale des 3i : investissement, infusion et innovation. Dans la phase d’innovation, les pays ne se contentent plus d’emprunter des idées à la pointe mondiale de la technologie, ils en repoussent les limites, souligne-t-on.
 

La Corée su Sud, un modèle à suivre 

«Le chemin à parcourir sera escarpé, mais les pays peuvent progresser, même dans les conditions difficiles d’aujourd’hui. Le succès dépendra de la manière dont les sociétés équilibreront les forces de création, de préservation et de destruction. 

Ceux qui tentent d’épargner à leurs citoyens les épreuves inhérentes aux réformes et à l’ouverture passeront à côté des bénéfices qui découlent d’une croissance soutenue» estime Somik V. Lall, directeur du Rapport sur le développement dans le monde 2024. Par ailleurs, le rapport souligne que la Corée du Sud est un modèle à suivre pour les trois phases de la stratégie 3i. 

En 1960, son revenu par habitant n’était que de 1200 dollars. Fin 2023, ce chiffre s’élevait à 33 000 dollars. La Corée du Sud a commencé par appliquer un ensemble de mesures simples visant à augmenter les investissements publics et à encourager les investissements privés. 

Dans les années 1970, cette méthode s’est transformée en politique industrielle qui encourageait les entreprises nationales à adopter des technologies étrangères et des méthodes de production plus sophistiquées. Les entreprises coréennes ont répondu présent. Samsung, jadis fabricant de nouilles, a commencé à produire des téléviseurs pour les marchés nationaux et régionaux après avoir acquis des licences technologiques auprès d’entreprises japonaises (Sanyo et NEC). Le succès de Samsung a dopé la demande d’ingénieurs, de gestionnaires et d’autres professionnels qualifiés. 

A ce stade, le gouvernement sud-coréen a à son tour répondu présent. Le ministère de l’Education a fixé des objectifs et augmenté les budgets des universités publiques afin qu’elles contribuent au développement des nouvelles compétences demandées par les entreprises nationales. Aujourd’hui, Samsung est un innovateur mondial de premier plan, l’un des deux plus grands fabricants de smartphones au monde.

D’autres pays ont suivi des chemins comparables, notamment la Pologne et le Chili, indique le rapport. Et de préciser que la Pologne a privilégié l’augmentation de la productivité grâce à l’injection de technologies en provenance d’Europe occidentale. Pour sa part, le Chili a encouragé le transfert de technologies de l’étranger et l’a utilisé pour stimuler l’innovation nationale. 

L’une de ses plus grandes réussites a été l’adaptation des technologies norvégiennes d’élevage du saumon aux conditions locales, ce qui a permis au Chili de devenir l’un des tout premiers exportateurs de saumon au monde, conclut la Banque mondiale. 
 

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