Secteur des médias et de la communication : Des recommandations pour aller au-delà des constats

14/05/2022 mis à jour: 06:01
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L’instauration d’un cadre juridique tenant compte des évolutions du secteur de l’information et de la communication en Algérie est désormais «une nécessité incontournable». C’est ce qu’a affirmé, jeudi dernier à Alger, Mohamed Bouslimani, ministre de la Communication, lors d’une journée d’étude sur «Le système juridique du secteur de la communication». Une opportunité qui a permis aux membres de la corporation de faire l’état des lieux du secteur mais surtout de formuler quelques suggestions. 

Pour le représentant du gouvernement, face au développement fulgurant des technologies, les médias doivent opérer leur mue et s’adapter au nouveau contexte national et international. «Nous devons avoir une nouvelle approche professionnelle et consensuelle qui contribue à renforcer le rôle des médias algériens, qui sont considérés comme un instrument important pour garantir le droit à l’information et qui accompagnent l’effort de l’édification nationale et défendent les valeurs et les principes humains universels», dira-t-il. «Nous nous attelons, pour ce faire, à la création d’un cadre juridique et réglementaire qui favorise et garantit un environnement professionnel approprié à même de renforcer la liberté du journaliste, créer l’équilibre entre la liberté et la responsabilité, promouvoir l’éthique et la déontologie de la profession et contribuer à l’efficacité des entreprises médiatiques, notamment au regard des menaces que représentent les guerres de 4e génération», a-t-il mis en évidence.

 Cette démarche «participe essentiellement des dispositions de la Constitution de 2020, notamment son article 54, qui garantit la liberté de la presse écrite, audiovisuelle et électronique et les droits qui en découlent, dont la liberté d’expression et de création des journalistes et des collaborateurs de presse, le droit à la protection de leur indépendance et du secret professionnel et le droit de créer des chaînes télévisuelles, radiophoniques et des sites électroniques», a-t-il expliqué. 

Dans son discours, il a précisé que «l’opération touchera aux différents aspects liés à l’exercice et à la gestion professionnels, comme la domiciliation des chaînes privées, soumises actuellement au droit étranger à cause des vides juridiques auxquels nous veillons à remédier comme mesure souveraine et nécessaire permettant d’investir dans les ressources humaines et matérielles nationales et de stopper la saignée des devises».

 Les intervenants ont salué cette initiative, qui a permis aux journalistes de se rencontrer et débattre de leurs préoccupations. Ils ont soulevé des problèmes objectifs en toute franchise, comme la nécessité de redynamiser la commission de la délivrance de la carte de presse, la libéralisation de la publicité pour qu’elle ne soit plus un moyen de pression sur les éditeurs, mettre de l’ordre pour définir clairement qui est journaliste. Cette confusion a permis l’apparition «d’intrus», un mot qui est revenu souvent lors des échanges, et qui ont changé la vocation des médias. 
 

Mohamed Tahar Messaoudi, directeur de publication du quotidien El Watan, va plus loin en demandant «d’assainir et mettre de l’ordre». «Il faut d’abord nettoyer ce qui a été laissé par la ‘‘îssaba’’. Des titres de presse qui ne tirent qu’à 2000 exemplaires, qui ne sont même pas vendus dans les kiosques et qui bénéficient de pages de publicité. 

En droit, on appelle cela l’octroi d’indus avantages. Nous sommes dans une situation illégale. Ils approchent les 200 publications pendant que d’autres initiatives louables de jeunes qui veulent lancer des publications ou des sites électroniques, voire des télés, n’ont rien du tout». Il précise que la publicité «n’est pas une aide de l’Etat mais un acte commercial. L’aide de l’Etat doit intervenir dans le cadre de la loi de finances. 

Aucune aide n’a été octroyée dans ce sens, même pas un fonds d’aide pour les publications spécialisées». Selon Abdeslam Benzaoui, directeur de l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information (ENSJSI), «on nous reproche de donner une formation théorique qui ne tient pas compte du terrain. Il faut actualiser nos programmes pour être en phase avec le développement technologique actuel. Il y a un grand changement dans les médias aujourd’hui, il y a aussi ce qu’on appelle le journaliste citoyen, sans oublier les défis internationaux, regardez ce qui se passe en Ukraine et la désinformation autour de ce conflit armé ainsi que la situation géopolitique de notre voisinage immédiat». Certains ont mis l’accent sur la nécessité de mettre de l’ordre dans les médias électroniques, qui ne doivent plus être considérés comme de «vulgaires» pages Facebook. 
 

Avis et analyses des professionnels 
 

Une universitaire a rappelé un certain nombre de principes à prendre en compte, comme celui du service public, du professionnalisme, des conditions pour être considéré comme un professionnel des médias ou un correspondant, la formation et la nécessité pour que les investisseurs ait une relation avec le secteur. Aussi, l’absence d’une loi sur la publicité crée le désordre, les amalgames et les dépassements. 

A l’issue de cette rencontre de concertation, plusieurs recommandations ont été retenues. Il a été convenu de s’inspirer des précédentes lois sur les médias étant donné qu’elles contiennent plusieurs avantages, avec l’exigence de reconsidérer les articles qui constituaient des obstacles et préparer un arsenal juridique dont l’impact s’étend sur le long terme pour relever les défis de l’étape actuelle et future. 

Il s’agit de renoncer au monopole dans le secteur des médias et améliorer les performances des sites web pour leur permettre de jouer leur rôle dans la lutte contre «les campagnes médiatiques malveillantes ciblant l’Algérie». D’autres recommandations ont été approuvées, telles que donner la possibilité aux différents médias de couvrir les activités officielles et renforcer la communication institutionnelle, «élaborer une définition claire du journaliste professionnel», définir la notion de service public dans le cadre juridique du secteur des médias, encourager la formation des journalistes, notamment par la création d’organismes de formation au niveau des entreprises médiatiques publiques et privées, assainir le secteur des «intrus» et assurer la transparence des sources de financement des entreprises médiatiques. 

Autres recommandations : résoudre les problèmes techniques dont souffrent les journalistes en raison du faible débit internet, la nécessité d’organiser des assises nationales pour le secteur des médias, y compris des ateliers qui incluent la presse écrite, les médias électroniques et le secteur audiovisuel, création d’un conseil d’éthique professionnelle, prise en charge des préoccupations sociales et professionnelles des journalistes et encourager la constitution d’organisations syndicales et professionnelles pour cette catégorie et accélérer la promulgation de la loi sur la publicité.

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