L'ex-ministre de la Justice bolsonariste Anderson Torres a été arrêté ce samedi 14 janvier et l'ancien président Jair Bolsonaro est lui-même directement visé pour son rôle dans le saccage d'institutions nationales à Brasilia. Anderson Torres, qui était secrétaire de la Sécurité de Brasilia au moment de ces violences le 8 janvier, a été arrêté à son arrivée à l'aéroport de Brasilia dans le cadre de l'enquête sur les saccages. Soupçonné de connivence avec les émeutiers accusés d'avoir fomenté un remake de l'assaut du Capitole américain le 6 janvier 2021, Anderson Torres, qui clame son innocence, a été interpellé alors qu'il rentrait en avion des États-Unis pour se présenter devant la justice.
Cette arrestation intervient au lendemain de l'annonce par le juge de la Cour suprême, Alexandre de Morles, de l'inclusion, comme le demandait le parquet général, de l'ancien chef d'État d'extrême droite Jair Bolsonaro dans son enquête visant à découvrir les éventuels instigateurs de ces violences.
Jair Bolsonaro, battu de justesse par le candidat de gauche Luiz Inacio, Lula da Silva à la présidentielle d'octobre, «a effectué une incitation publique à l'exécution d'un crime» en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo «mettant en cause la régularité de l'élection présidentielle de 2022», avait expliqué le parquet dans un communiqué. Cette vidéo a été publiée deux jours après l'invasion du siège de la présidence, du Congrès et de la Cour suprême par des milliers de bolsonaristes, puis effacée, a rappelé le parquet. Mais elle pourrait selon lui apporter «un lien de preuve» justifiant «une enquête globale sur les actes effectués avant et après le 8 janvier 2023» par Jair Bolsonaro.
Dépenses somptuaires
L'ancien président «n'a jamais eu le moindre lien ou participation avec ces mouvements», ont affirmé ses avocats dans un communiqué transmis à l'AFP, en attribuant les violences de Brasilia à des éléments «infiltrés». Jair Bolsonaro, qui se trouve aux États-Unis depuis fin décembre, avait aussi été épinglé vendredi pour des dépenses somptuaires durant son mandat, comme les 20.000 euros déboursés en une fois dans un modeste restaurant du nord du Brésil ou les 10.000 euros dans une boulangerie le lendemain du mariage de son fils.
Les relevés de compte de la carte de crédit présidentielle sur ses quatre années de mandat (2019-2022) ont été publiés sur un site officiel du gouvernement Lula, qui a commencé à lever un secret imposé pour 100 ans par son prédécesseur sur des milliers de documents officiels. Avant son retour samedi, l'actuel ministre de la Justice Flavio Dino avait dit envisager un mandat d'arrêt contre Anderson Torres.
Il est mis en cause après la découverte d'un document de trois pages trouvé chez lui: il prévoyait que le gouvernement fédéral prenne le contrôle du Tribunal supérieur électoral (TSE), qui veille à la bonne marche du scrutin, «pour assurer la préservation et le rétablissement de la transparence, et approuver la régularité du processus électoral de la présidentielle de 2022».
Une mesure considérée comme anticonstitutionnelle par de nombreux juristes. Dans la pratique, l'intention aurait été d'annuler l'élection de Lula.
«Coup d'Etat»
Le décret présidentiel - qui n'a jamais vu le jour - prévoyait la création d'une «commission de régulation électorale» pour remplacer le TSE, avec à sa tête une majorité de membres issus du ministère de la Défense (8 sur 17). Le document n'est pas daté, mais le nom de Jair Bolsonaro se trouve à la fin, sur un espace prévu pour sa signature.
«Pendant que 33 millions de personnes souffraient de la faim, ils préparaient un coup d'État», a tweeté vendredi le sénateur de gauche Randolfe Rodrigues, leader du bloc parlementaire du gouvernement Lula à la chambre haute. «Cela montre que ce que nous avons vu le 8 janvier n'était pas un acte isolé. (Le projet de décret) est l'un des maillons d'une chaîne putschiste», avait déjà déclaré Flavio Dino jeudi soir.