Les walis sont de nouveau convoqués pour une réunion prochaine avec le président de la République, qui procédera à une évaluation du travail accompli par eux depuis la rencontre du 21 septembre dernier. A ce moment-là, il leur a été demande particulièrement d’intensifier l’effort de résorption des poches de pauvreté, les fameuses «zones d’ombre», et d’accompagner les ministères dans la lutte contre la bureaucratie pénalisant notamment l’acte d’investissement.
Le wali a ceci de particulier qu’il dispose de larges prérogatives du fait qu’il gère une portion du territoire et une population souvent dense mais parfois réduite. Mais en même temps, il est dans l’obligation de se conformer strictement aux décisions prises par le gouvernement, notamment le président de la République et le Premier ministre. En outre, il est constamment sous la pression de ses administrés, en quête légitime d’accès aux services publics et d’amélioration de leur niveau de vie. Ces derniers n’hésitent pas quelquefois à recourir à des protestations publiques. Aussi la tâche du wali est particulièrement rude.
C’est le premier exposé aux critiques des uns et des autres et souvent il sert de fusible lorsqu’au niveau de la wilaya qu’il gère est constatée une grave défaillance ou quand s’impose la nécessité de calmer une colère ou un mécontentement des citoyens. La présidence de la République les réunit régulièrement à Alger pour leur faire savoir qu’elle compte beaucoup sur eux et qu’en même temps elle suit particulièrement leur travail. Le dossier le plus lourd mis en avant est l’éradication totale des « zones d’ombre», c’est-à-dire des portions souvent importantes du territoire national encore en état de sous-développement 60 années après l’indépendance du pays. Leur population manque souvent du strict nécessaire pour une vie décente, parmi elle, la frange la plus importante, qui est la jeunesse, est sans emploi ni perspective, confinée dans l’ennui et le désespoir, versant parfois dans la délinquance ou la fuite vers l’Europe dans la clandestinité. Dans ces poches de pauvreté figurent également des villes et villages qui ont grossi démesurément du fait de l’exode rural et des exactions du terrorisme de la décennie 1990, souvent manquant des services publics indispensables. Tout cela est bien visible notamment dans les wilayas du Sud, les Hauts-Plateaux, les bandes frontalières et les zones montagneuses, dont les habitants ont particulièrement souffert durant la colonisation à travers la disparition de leurs villages, douars et mechtas.
Par la suite, après l’indépendance, sur ce lourd héritage de la colonisation, se sont sédimentées diverses politiques malheureuses n’ayant pu assurer au pays le développement et l’ancrage dans la modernité. L’Algérie s’est adossée essentiellement à la rente des hydrocarbures, qui a servi en partie aux besoins de la population mais la plus large part a été happée par la corruption et le gaspillage, plus particulièrement durant les quatre dernières décennies. La chute brutale des prix des hydrocarbures depuis 2014, dans un monde en pleine récession, a ajouté à la paupérisation du pays et les années de Covid-19 ont sensiblement aggravé la situation.
C'est avec cet héritage que les autorités actuelles ont dû composer et décidé du choix stratégique du traitement prioritaire des zones d’ombre. L’amélioration des rentrées financières du pays, dans le sillage de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, a permis cela. Les walis sont appelés à faire un bilan d’étape des six mois écoulés durant lesquels ils ont bénéficié d’enveloppes financières conséquentes et d’un nouveau cadre juridique, notamment au niveau de l’acte d’investissement et de la protection des zones agricoles. De nouvelles directives leur seront données pour l’année 2023 qui verra l’application d’une loi de finances assez ambitieuse. A priori, il n’y a pas de gros obstacles dans leur travail, du moins les plus récurrents, ceux généralement liés à l’argent et aux textes. Les difficultés qui se poseront à eux sont davantage celles liées à la communication avec les couches de la population, un aspect où il y a toujours eu de gros manques. On a assisté ces derniers temps à des tentatives de plusieurs walis d’investir le terrain, de visiter les chantiers, d’interpeller les opérateurs et les citoyens.
Un bon point lorsque derrière il n’y a pas un quelconque calcul personnel. Le lien walis-population est fondamental, il devrait avoir du contenu et se généraliser. Ce serait un bon critère d’évaluation de leur travail. Les citoyens y sont en tout cas très sensibles, marqués par les images désastreuses de walis et autres commis de l’Etat confinés dans leurs bureaux calfeutrés, fuyant leurs administrés, n’apparaissant que dans les voiture noires de cortèges escortés par les services d’ordre.