Résultats de la présidentielle contestés : Le Kenya dans l’incertitudeLes

23/08/2022 mis à jour: 10:17
AFP
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Les observateurs redoutent qu’un différend juridique prolongé ne plonge le pays dans des troubles post-électoraux

Raila Odinga a déposé hier un recours devant la Cour suprême contestant les résultats de l’élection présidentielle kényane du 9 août, qui l’ont donné perdant derrière le vice-président sortant William Ruto. 

Figure historique de l’opposition soutenue pour cette élection par le président sortant Uhuru Kenyatta, Odinga avait annoncé son intention de contester les résultats annoncés par la commission électorale (IEBC), qu’il avait qualifiés de «parodie». Selon ces résultats, il est devancé par le vice-président William Ruto d’environ 233 000 voix (50,49% contre 48,85%). 

Après une version électronique transmise en ligne hier matin, la copie physique est arrivée de manière spectaculaire peu avant 13h (10h GMT), environ une heure avant l’heure limite : des dizaines de cartons de documents ont été acheminés par camion à la Cour suprême de Nairobi, puis déchargés devant l’objectif des caméras et sous les acclamations de partisans d’Odinga. Raila Odinga était arrivé sur place peu avant. La plus haute instance judiciaire du Kenya dispose de 14 jours pour rendre sa décision et, en cas d’annulation du scrutin, une nouvelle élection doit se tenir dans les 60 jours. 

Bulletins non comptabilisés

Le 15 août, la proclamation des résultats par le président de l’IEBC avait donné lieu à une scission au sein de cet organe indépendant en charge de l’organisation du scrutin. Quatre des sept commissaires avaient annoncé rejeter les résultats quelques minutes avant leur annonce, reprochant au président de l’IEBC, Wafula Chebukati, sa gestion «opaque» et son absence de concertation. M. Chebukati a rejeté ces accusations, affirmant avoir exercé ses prérogatives conformément à la loi du pays malgré «l’intimidation et le harcèlement». Selon la requête consultée par l’AFP, le camp Odinga affirme notamment que 140 028 bulletins n’ont pas été pris en compte et que «cela affecte sensiblement les résultats finaux dans la mesure où aucun des (...) candidats n’atteint le seuil constitutionnel de 50%+1 voix» pour emporter l’élection au premier tour. 

D’autres recours seront également examinés par les sept juges de la Cour suprême. Un greffier a indiqué aux journalistes qu’une requête déposée par un particulier avait été reçue. D’autres sont attendues. 

«Justice électorale maintenant»

Hier matin, des centaines de partisans d’Odinga se sont rassemblés devant la Cour, brandissant notamment des pancartes «Justice électorale maintenant !» en anglais et «La démocratie maintenant» en kiswahili. «Odinga doit gagner pour que nous obtenions les 6000 shillings (50 dollars, de versement mensuel pour les ménages vulnérables, ndlr) promis dans son programme», a affirmé un partisan. Un autre s’est agenouillé, une bible verte dans la main, devant les forces de police déployées pour garder les locaux du tribunal. 

Les élections du 9 août se sont déroulées dans le calme, mais l’annonce des résultats avait déclenché de brèves manifestations de colère dans certains bastions d’Odinga, à Kisumu (ouest) et dans la capitale. Les observateurs redoutent qu’un différend juridique prolongé ne plonge le pays dans des troubles post-électoraux qu’il a pu connaître dans le passé. Depuis 2002, toutes les élections présidentielles au Kenya ont été contestées, donnant parfois lieu à des affrontements sanglants. 

Âgé de 77 ans, Raila Odinga, qui a été battu lors de ses quatre précédentes candidatures à la présidence, est familier de ces recours en justice, qu’il a déposés en 2013 puis 2017. En 2017, la Cour suprême avait invalidé la présidentielle en raison d’«irrégularités» et ordonné la tenue d’une nouvelle élection, une première en Afrique. En 2017, Odinga avait également, sans aller devant la justice, refusé le résultat, ce qui avait déclenché la pire crise post-électorale de l’histoire du pays, avec plus de 1100 morts dans des affrontements interethniques. 

Durant la campagne électorale, les deux favoris, William Ruto et Raila Odinga, s’étaient engagés à résoudre leurs éventuels différends devant la justice plutôt que dans la rue. Après la proclamation des résultats, Odinga a félicité ses partisans pour «être restés calmes» tandis que Ruto a adopté un ton conciliant et promis de «travailler avec tous les dirigeants». 

Si la Cour suprême confirme les résultats, William Ruto deviendra, à 55 ans, le cinquième président du Kenya depuis l’indépendance du pays en 1963. 

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