République Démocratique du Congo (RDC) : Le Kenya appelle à une «cessez-le-feu immédiat» dans le conflit avec le M23

09/02/2025 mis à jour: 17:34
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Des habitants courent dans une rue de Goma à la fin d’un rassemblement public au stade de l’Unité appelé par le groupe armé M23 - Photo : D. R.

Depuis le début du conflit en 2021, une demi-douzaine de trêves et cessez-le-feu ont été signés, avant d’être systématiquement rompus. Les tentatives de médiation, notamment de l’Angola et du Kenya, ont jusqu’ici échoué.

Le président kényan, William Ruto, a appelé hier à un «cessez-le-feu immédiat» dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où les forces congolaises sont aux prises avec le groupe armé M23 et ses alliés rwandais qui ne cessent de s›emparer de nouveaux territoires, rapporte l’AFP.
Il s’exprimait à l’occasion d’un sommet des dirigeants d’Afrique australe et de l’Est organisé en Tanzanie pour tenter de trouver une issue au conflit qui déchire l’est de la RDC depuis plus de trois ans et s’est accéléré ces dernières semaines.

Ce sommet conjoint des huit pays membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) et des 16 pays membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a été convoqué après la prise éclair de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, par le groupe armé antigouvernemental M23 (Mouvement du 23 mars) et les troupes rwandaises.

Il se déroule à Dar Es Salaam en présence du président rwandais Paul Kagame, tandis que son homologue congolais Félix Tshisekedi y assiste par vidéoconférence. «Un cessez-le-feu immédiat est le seul moyen de créer les conditions nécessaires à un dialogue constructif et à la mise en œuvre d’un accord de paix global», a déclaré le président kényan William Ruto.

«Nous appelons toutes les parties à respecter le cessez-le-feu, et plus particulièrement le M23 à cesser toute progression et les forces armées de la RDC à cesser toute mesure de représailles», a ajouté W. Ruto, qui préside actuellement la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est. Depuis la chute de Goma la semaine dernière, le conflit s’est installé dans la province voisine du Sud-Kivu. Des combats ont eu lieu vendredi à moins de 70 km du chef-lieu, Bukavu, selon des sources sécuritaires et locales.

Depuis le début du conflit en 2021, une demi-douzaine de trêves et cessez-le-feu ont été signés, avant d’être systématiquement rompus. Les tentatives de médiation, notamment de l’Angola et du Kenya, ont jusqu’ici échoué. Kinshasa réclame auprès de la communauté internationale des sanctions contre le Rwanda, mais aucune décision n’a été prise à ce stade. Une réunion ministérielle s’est tenue vendredi en amont du sommet dans la capitale  tanzanienne.

Le chef de la diplomatie kényane, Musalia Mudavadi, y a appelé à une fusion des processus de paix initiés d’une part par le Kenya et d’autre part par l’Angola.  Excepté un appel au «cessez-le-feu », les positions de la SADC et de l’EAC paraissent toutefois éloignées. La semaine dernière, les dirigeants de la SADC, dont fait partie la RDC, ont «réaffirmé» leur «engagement indéfectible à continuer de soutenir Kinshasa dans sa quête de sauvegarde de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale».

L’EAC, à laquelle appartiennent la RDC et le Rwanda, a pour sa part «fermement exhorté le gouvernement de Kinshasa à engager le dialogue avec tous les acteurs, dont le M23». Ce que la RDC a jusqu’ici refusé.

Le président rwandais, Paul Kagame, réclame le retrait de la mission de la SADC (SAMIDRC), déployée depuis 2023 dans l’est de la RDC, estimant qu’elle n’est «pas une force de maintien de la paix» et n’a «pas sa place dans cette situation». L’Est de son territoire, en particulier les régions du Sud et Nord Kivu situées à la frontière de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie, est au cœur des tensions.

La région du lac Kivu cristallise toutes les convoitises, car elle regorge de minerais, en particulier de coltan, d’or et d’étain, et Kinshasa accuse Kigali de vouloir les piller. Le Rwanda nie et affirme vouloir éradiquer de la région des groupes armés, notamment créés par d’ex-responsables hutus du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui menacent selon lui sa sécurité.

Convoitises au milieu du chaos

En effet, à la suite du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, commis par les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices extrémistes hutues. Plus d’un million de Rwandais hutus, dont de nombreux auteurs du génocide, se réfugient dans l’est du Zaïre (actuelle RDC) après la prise de pouvoir en juillet à Kigali par le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame et dominé par les Tutsis.

Kigali a déploré par la suite des incursions de miliciens sur son territoire et voit en les camps de réfugiés une menace à ses portes. Soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), dirigée par Laurent-Désiré Kabila, démantèle les camps de réfugiés rwandais hutus et marche sur Kinshasa. En mai 1997, il chasse Mobutu et se proclame chef de l’Etat. Mais les relations  entre ce dernier, qui sera assassiné en 2001, et ses anciens alliés se sont dégradées.

Une nouvelle rébellion soutenue par le Rwanda commence en 1998 dans le Kivu et dégénère en une guerre impliquant plusieurs pays africains et des dizaines de groupes armés. Kinshasa accuse le Rwanda d’«agression», Kigali justifie son intervention par des raisons de «sécurité nationale». 
En 2000, le Rwanda et l’Ouganda qui se disputent la ville diamantifère e la RDC Kisangani (Nord-Est). Fin 2002, un accord de partage du pouvoir est signé à Kinshasa. Officiellement, il n’y a plus de troupes étrangères en RDC, mais les pays voisins seront régulièrement accusés d’y intervenir par groupes rebelles interposés.

En 2004, une insurrection commence dans le Sud-Kivu et s’étendra ensuite au Nord, menée par deux officiers dissidents, dont le général Laurent Nkunda, issus de l’ex-rébellion pro-rwandaise du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Kinshasa accuse le Rwanda, qui dément, de soutenir les dissidents.

Deux ans plus tard, Nkunda lance son mouvement, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). En 2008, Kinshasa accuse encore une fois Kigali d›envoyer des troupes pour appuyer le CNDP face à l'armée de RDC.

L’année suivante, des soldats rwandais entrent en RDC, cette fois avec l’accord de Kinshasa, pour y traquer avec l’armée congolaise les rebelles rwandais hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Nkunda est arrêté durant cette opération. En 2012 apparaît en RDC le M23 (Mouvement du 23 mars), né d’une mutinerie d’anciens rebelles tutsi du CNDP intégrés au sein de l’armée congolaise. Un rapport de l’ONU accuse le Rwanda d’armer ces rebelles.

Après avoir occupé plusieurs villes du Nord-Kivu, dont le chef-lieu Goma durant quelques jours, le M23 est vaincu en 2013 par l’armée congolaise et les Casques bleus. Les combats ont repris en novembre 2021, avec le retour du M23. Comme il y a dix ans, le Rwanda est accusé d’instrumentaliser cette rébellion. Un rapport d’experts de l’ONU datant de janvier 2014 expose le soutien du Rwanda aux forces rebelles du M23 et les transits frauduleux de coltan et d’étain via Kigali.

Depuis 2010, l’exportation de minerais est devenue la première source de rentrées de devises du Rwanda, dépassant pour la première fois l’exportation du thé. Dans un rapport publié en 2022, l’ONG américaine Global Witness notait ainsi que «les minerais congolais, y compris ceux contribuant aux conflits, continuent d’être introduits frauduleusement au Rwanda et d’être exportés comme minerais rwandais». Ce même rapport estimait que 90% de l’étain, du tungstène et du tantale exporté par le Rwanda est introduit illégalement depuis la RDC. Entre janvier et novembre 2022, le secteur minier a représenté près de 40% de toutes les recettes d’exportation du Rwanda, soit 1,76 milliard de dollars. 

 

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