Réouverture des frontières avec la Tunisie : Le tourisme interne à l’épreuve de la concurrence

17/07/2022 mis à jour: 01:32
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La réouverture des frontières avec la Tunisie aura-t-elle un impact significatif sur le tourisme interne ? Les avis sont loin d’être unanimes sur cette question.

Pour Yacine Hammadi, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, il n’y a aucune crainte de ce côté-là : «La réouverture des frontières terrestres avec la Tunisie n’affectera en aucun cas le tourisme national, notamment durant la saison estivale.» Selon ses déclarations, «l’Algérie compte 45 millions de citoyens et non pas deux millions», faisant allusion au nombre de touristes algériens qui visitaient ce pays avant la crise sanitaire de Covid-19. Il poursuit en affirmant que «les agences de voyages sont libres de dire ce qu’elles veulent, c’est de la publicité».

Globalement, la quasi-majorité des hôtels publics et privés ont souhaité, sans oser le déclarer ouvertement, que la frontière reste fermée pour attirer le maximum de flux des vacanciers. Cette ouverture va les inciter à être plus dans l’action et surtout revoir les prix. Les agences de voyages se frottent les mains. Aussitôt annoncée, elles ont toutes surfé sur la vague de cette ouverture et présenté des offres alléchantes sur les réseaux sociaux. La promesse est presque identique : «vacances pas chères et nouveaux bons plans». Les promotions se succèdent sur Hammamet et Sousse. Pour les plus nantis, d’autres destinations déroulent le tapis rouge : Antalya (Turquie) et le circuit combiné Le Caire et Sharm El Cheikh (Egypte). Si cette dernière destination est dans les offres des agences, c’est principalement parce qu’elles ont bénéficié d’éductours qui a pour principal objectif de faire découvrir les attractions touristiques majeures, la culture et la gastronomie du territoire. Il s’agit de faire la promotion, partager et faire découvrir l’identité du territoire aux tours opérateurs, et hôteliers au travers de circuits organisés sur deux ou trois jours. Ainsi l’éductour permet d’offrir une expérience in vivo avec l’identité de la destination, afin d’influencer les prescripteurs dans leurs programmations et ainsi profiter de retombées positives. Alors que nos hôtels accusent un déficit en matière de marketing et de stratégie de ventes, les profils de certains gestionnaires sont en inadéquation avec les exigences des postes. Il faut savoir que la majorité des hôtels, notamment publics (groupe HTT), font l’essentiel de leur recette à travers les œuvres sociales des entreprises en été, notamment sur le balnéaire. Ce qui n’incite pas à aller vers l’innovation et l’amélioration des prestations hôtelières.

Les agences se repositionnent sur le «outgoing»  

Le tourisme interne est réduit à être une destination de substitution, notamment, à un circuit qui a la cote Oran, Mostaganem et Tlemcen et des séjours du côté de Béjaïa ou Skikda.

Les choses se mettent en place timidement, mais tout reste à faire en matière de promotion des territoires avec la mise sur le marché de produits innovants et attractifs avec un bon rapport qualité/prix. Avec la Covid-19, les agences se sont mises au tourisme interne par nécessité et non par conviction, sans aucune projection ni feuille de route. Il fallait se relever et reprendre le chemin de la croissance. «Mais il faut savoir que dès que les frontières seront ouvertes, les voyagistes reviendront à l’outgoing parce qu’ils connaissent le marché, les hôteliers, les produits et les sous-traitants, ils gagnent beaucoup d’argent et les relations sont bien huilées», a déclaré en décembre 2020 lors d’un entretien à El Watan Mohamed Bourad, consultant en tourisme durable. C’est parfaitement ce qui se passe aujourd’hui. 
 

Ce sont pas moins de 3,5 millions d’Algériens qui partent chaque année à l’étranger, où ils laissent une vraie fortune, estimée à au moins 3 milliards de dollars, au grand bonheur des pays récepteurs, comme la Tunisie, la Turquie ou encore l’Egypte. Et sans la difficulté d’avoir un visa Schengen pour se rendre en Europe, ce nombre aurait été nettement supérieur. Les gens vont à l’étranger pour changer d’air, se sentir en vacances et trouver des services de qualité qu’ils ne trouveront pas chez nous où les offres sont parfois deux fois plus chères.    Dans une contribution publiée le 15 juillet 2022 sur la page Facebook «observatoire du tourisme en Algérie (OTA)», il s’interroge : qui part en vacances en Algérie ? «Le ministre ne sait pas que les 45 millions d’habitants n’ont pas tous la possibilité d’aller en vacances avec un SNMG de 20 000 DA, équivalent à une nuitée en pension complète, sachant que le revenu moyen des Algériens ne dépasse pas les 45 000 DA/ mois. Le tourisme est un luxe pour 90% de la population en Algérie», écrit-il.

De ce fait, le problème, selon lui, est lié au pouvoir d’achat et à une inadéquation entre revenus et accès aux services touristiques. L’expert relève l’absence d’étude sur le secteur «pour identifier qui va en vacances ou pour quelle durée, vers quelles régions et à quel prix ? Autant de questions qui pourraient aider les professionnels à affiner leurs stratégies et adapter leurs offres aux marchés. Il faudra étudier et décortiquer l’état des lieux et agir en conséquences».

Selon lui, «aujourd’hui, moins de 10% des Algériens peuvent bénéficier de jours de vacances, de sorties, d’escapades et des visites de longue durée à l’étranger ou dans leur propre pays, en bord de mer, en montagne ou dans le désert»

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