Réunion depuis hier au Caire des délégations du Parlement et au Conseil de l’Etat pour synchroniser la base constitutionnelle des prochaines élections. Les élus libyens s’imposent à Stéphanie Williams.
La délégation de l’ONU en Libye a fini par accepter de s’aligner sur les positions du Parlement et du Conseil de l’Etat concernant la route vers les élections. L’ambassadrice Stéphanie Williams a dû accepter l’amendement n°12 de la Constitution provisoire libyenne, voté par le Parlement le 10 février dernier, lors de la même plénière qui a vu la destitution de Abdelhamid Dbeiba.
Les délégations de chaque camp pour la réunion du Caire comprennent 12 membres, non six comme proposé par Williams. Le camp de Bachagha avance ses pions.
Stéphanie Williams est déjà présente au Caire pour chapeauter les réunions devant coordonner les positions des 12 membres du Conseil de l’Etat avec celles des 12 représentants du Parlement libyen, autour du projet de la Constitution, tel que adopté à Salala (Oman) il y a près de quatre ans.
Un point de gagné pour Aguila Salah et Fathi Bachagha dans leur guerre de positionnement avec le gouvernement Dbeiba. «Cela signifie que la décision d’amendement du Parlement libyen n’est pas tombée à l’eau», insiste son porte-parole Abdallah Blihig.
Le président du Parlement, Aguila Salah, a refusé la semaine dernière d’envoyer une délégation à Genève, pour une réunion similaire, tant que l’ordre du jour et la composition de la commission, proposée par l’envoyée du Secrétaire général de l’ONU ne soient pas conformes à l’amendement n°12 de la Constitution provisoire, déjà voté par le Parlement. Stéphanie Williams a fini par céder, surtout que la Conseil de l’Etat a accepté la proposition du Parlement.
Les enjeux d’une telle réunion sont multiples, en rapport avec le contentieux politique complexe en Libye. «Il s’agit, d’abord et surtout, de conforter le parlement dans son statut de législateur en Libye», selon l’analyste Faraj Ferkech.
«Et si l’on valide l’amendement n°12 de la Constitution, rien n’empêchera de valider également la destitution de Dbeiba et son remplacement par Fathi Bachagha, votée, elle-aussi par le Parlement», ajoute-t-il. Le président du Parlement, Salah Aguila, est parvenu à déstabiliser Williams qui n’a pas réussi à réunir la commission politique des 75, qui avait élu en février 2021 à Genève le quatuor actuellement au pouvoir en Libye.
Calendrier
Depuis, le Parlement et le Conseil de l’Etat sont revenus sur la scène politique. Ils ont chassé les autres institutions. Et voilà que l’envoyée de l’ONU paie les frais de ce retour.
L’amendement n°12 de la Constitution provisoire libyenne d’août 2011, a mis en place le 10 février dernier une nouvelle feuille de route pour le processus de transition en Libye. Il s’agit, surtout, de voter la Constitution par un Référendum avant les élections générales, ou, à la limite, de s’entendre sur une base constitutionnelle pour les élections.
«Ce processus est certes plus harmonieux et attractif. Mais, il a besoin de 15 mois pour être réalisé, une date beaucoup plus longue que prévu», estime le juge libyen Jamel Bennour, qui n’écarte pas l’éventualité que «pareil calendrier pourrait s’étendre davantage».
Bennour rappelle que «Fayez El Sarraj est venu en avril 2016 avec la promesse de tenir des élections et préparer une Constitution en 18 mois ; El Sarraj est parti en mars 2022, après six ans, sans réaliser la moindre de ses promesses». Le juge libyen appelle à la prudence pour éviter la prolongation de l’incertitude.
Les Libyens veulent certes la tenue des élections, comme l’indiquent les 2,7 millions d’électeurs inscrits.
Ils veulent des élections générales, législatives et présidentielles. «Toutefois, les puissances étrangères veillent au grain à leurs intérêts sur le sol libyen et ce sont elles qui ne veulent pas de stabilité», avertit le politologue Ezzeddine Aguil, qui pense que «la solution serait plutôt politique, avec les derniers développements au Moyen-Orient, notamment le rapprochement entre Le Caire,Dubaï, d’un côté, Ankara et Doha, de l’autre».
Pour le politologue, «la guerre en Ukraine va compliquer davantage le dossier libyen, puisque l’Europe limitrophe va chercher à bénéficier davantage l’accès aux sources libyennes d’énergie».
La solution en Libye n’est pas aussi simple.