Signature prévue demain à Genève d’un nouvel accord en Libye. Nouveau calendrier d’élections générales et répartition des hauts postes de l’Exécutif entre l’Est, l’Ouest et le Sud libyens. Reprise prévue de la production du pétrole et contrôle international sur l’équité de la distribution des revenus.
Les présidents du Parlement, Salah Aguila, et du Conseil de l’Etat, Khaled Mechri, sont parvenus, lors de leurs rencontres hier et avant-hier à Genève en présence la représentante du secrétaire général de l’ONU, à un accord sur les dispositions constitutionnelles des prochaines échéances électorales en Libye.
L’accord comportera aussi un échéancier électoral et aboutira à l’installation d’une commission internationale présidée par un Libyen, veillera à l’équité dans la distribution des revenus du pétrole, condition de la réouverture des vannes.
La question d’arbitrage entre les deux gouvernements, Dbeyba et Bachagha, ne va, semble-t-il, pas être inclue dans l’accord annoncé pour demain. Les échos en provenance de Genève indiquent qu’aussi bien Salah Aguila et Khaled Mechri sont convaincus que cette réunion de Genève est celle de «la dernière chance», comme l’a dit expressément Mechri, et qu’il est impératif de trouver une solution, comme lui a répliqué Aguila.
Après deux jours de tractations, un accord semble se dessiner entre les deux clans et pourrait être signé demain, comportant les bases constitutionnelles des prochaines élections générales, ainsi que leur date. Décembre 2022 a été avancé par plusieurs sources.
L’accord pourrait également porter sur l’attribution des fonctions exécutives souveraines et leur distribution entre la Tripolitaine, la Cyrénaïque et Fezzan. Aguila et Mechri sont conscients de la nécessité de parvenir à un accord qui leur permettra de gagner du temps, faute d’efficacité sur le terrain. Les deux camps sont également sollicités par la communauté internationale pour trouver un accord permettant la reprise de la production pétrolière.
Le marché pétrolier étant très agité à cause de la guerre en Ukraine. Par ailleurs, l’ambassadeur américain à Tripoli, Richard Norland, a fait hier un saut à Tripoli pour rencontrer les principaux acteurs de la scène libyenne, en dehors de Abdelhamid Dbeyba et Fathi Bachagha. Il a ainsi rencontré les trois membres du Conseil présidentiel, Youssef El Menfi, Abdallah Ellafi et Moussa El Kouni. La rencontre a débouché sur une déclaration du président El Menfi, annonçant que «le Conseil présidentiel prendra les choses en main, si l’actuelle rencontre de Genève entre Salah Aguila et Salah Cherif n’aboutit pas».
Norland a également rencontré Imed Essayah, le président de l’Instance électorale. A ce dernier, l’ambassadeur américain a dit que «les élections peuvent se tenir, même en présence des deux gouvernements», provoquant une réaction de Mohamed Sawan, l’ex-président du parti Justice et édification, bras politique des Frères musulmans, qualifiant cette approche de «non-concevable». Norland s’est repris au bout de deux heures, pour dire que «c’est aux Libyens de trouver la formule adéquate».
L’ambassadeur américain s’est également entretenu avec Mustapha Sanaallah, le président de l’Entreprise nationale de pétrole, pour trouver une issue au blocage du pétrole, qui réduit de près de 600 000 barils/jour la production libyenne et le marché international, en pleine crise d’énergie. C’est dire combien l’ambassadeur américain est sous pression.
Dessous
Toutefois, aussi courte soit la distance entre les positions d'Aguila et Mechri, des doutes persistent sur l’exécution de l’accord, la majorité des acteurs évoluant en marge de Genève. «Chaque clan veut préserver les intérêts de ses disciples, dans le domaine du pétrole et ailleurs, tout comme les puissances régionales et internationales», a expliqué à El Watan le juge Jamel Bennour, originaire de Benghazi et résidant à Tripoli.
«Cette réunion de Genève pourrait déboucher sur un accord avec des dates précises pour les élections générales, une répartition équitable des fonctions exécutives, ainsi que des expressions claires dans la Constitution sur la distribution des revenus du pétrole. Toutefois, ce ne sont pas les premières dates, ni les uniques promesses de cette décennie de désordre libyen», a-t-il ajouté, reflétant un malaise énorme de la rue libyenne, qui n’accorde plus autant de confiance à cette classe politique, partie prenante de tous les maux de la Libye.
Un autre facteur est à prendre en considération, il s’agit du blocage du pétrole libyen, décidé depuis le 13 avril dernier à l’Est, et qui pèse lourd sur les négociations de Genève, parrainée par l’ONU. A l’image de l’ambassadeur Norland, la communauté internationale, notamment l’Occident, fait pression pour trouver une solution politique permettant de rouvrir les vannes du pétrole, en pleine crise d’énergie, née de la guerre d’Ukraine.
Et même si Salah Aguila ne l’a pas dit ouvertement, tous les intervenants sur le dossier libyen sont convaincus que l’Est et le Sud libyens demandent surtout l’application de la clause du contrôle des revenus du pétrole, promise depuis la signature de cessez-le-feu en octobre 2020, mais jamais exécutée. «Personne ne veut, certes, reprendre la guerre en Libye. Mais il est impératif de mettre fin à la dilapidation des revenus du pétrole et une suspicion de financement des milices par cet argent», assure le politologue libyen Ezzeddine Aguil.
En plus, la communauté internationale est désormais convaincue que «rien ne pourrait avancer en Libye, sans résoudre cette problématique de contrôle des revenus du pétrole», comme le souligne le juge libyen, Jamel Bennour. L’ambassadeur Norland a certes annoncé l’équité recherchée dans la distribution des revenus du pétrole. Cependant, la situation libyenne est très complexe et Norland n'a pas pas toutes les cartes en main.