Le président tunisien a certes dépassé avec succès, comme prévu, le cap du référendum du 25 juillet 2022. Au-delà des 92% de oui à la nouvelle Constitution, il a fait un mandat honorable avec près de trois millions de votants, soit presque le même nombre que lors des élections législatives de 2019.
Mais, selon la majorité des observateurs, c’est surtout un vote de sanction contre l’équipe au pouvoir depuis 2011, les islamistes d’Ennahdha en tête. Les Tunisiens aspirent à voir se réaliser leurs vœux d’une meilleure situation socioéconomique. Le pouvoir du président Saïed est donc sous contrôle de la population, avide de résultats.
Après la chute de Zine El Abidine Ben Ali, un certain 14 janvier 2011, les Tunisiens ont certes aspiré à plus de libertés et de démocratie, mais, ils ont surtout rêvé d’un meilleur confort socioéconomique, avec davantage d’emploi et moins de pauvreté. Toutefois, le rêve miroité par les différents acteurs politiques s’est plutôt avéré un mirage. «Les islamistes d’Ennahdha se sont intéressés à leurs propres sorts ; ils se sont juste substitués aux sbires de Ben Ali», insiste Salah, un menuisier quinquagénaire, de la région de Mnihla, une banlieue pauvre de Tunis, qui a largement voté en faveur des islamistes en 2011 et 2014. C’est vraiment la déception auprès de cette frange de la population, cherchant un véritable changement dans sa situation socioéconomique. «Pour la première fois, le Président émane du peuple et nous croyons en son intégrité», ajoute Salah.
Toutefois, la mission de Saïed et de son équipe n’est pas de tout repos ; les ratios sont révélateurs d’une grande crise socioéconomique et financière ; le chômage s’est creusé en passant de 13,5% en 2011 à 18% en 2021, la pandémie de Covid aidant. Le taux d’inflation a frôlé les 8% durant le 2e trimestre 2022, pour la première fois depuis deux décennies. Le taux d’endettement est passé de 28% du PIB, en 2010, à plus de 80% en 2021, et la croissance a tourné autour de 2% durant la dernière décennie. Tous les moteurs de croissance sont donc au ralenti.
En plus, il est vrai que la pandémie de Covid et la guerre d’Ukraine ont joué contre une véritable reprise de la croissance en Tunisie. Mais, «la population attend les résultats de la gouvernance de leur messie de Président, elle ne comprend nullement les justifications en rapport avec la conjoncture internationale», selon Abid Briki, le président du parti La Tunisie en avant, une formation soutenant le président Saïed.
Conjoncture
La Tunisie fait face à une conjoncture difficile, notamment avec des notations souveraines très médiocres, l’empêchant de sortir s’endetter sur le marché international. Son évaluation «C» équivaut à une situation de cessation de paiement. Le gouvernement s’est désormais trouvé, en 2020 et 2021, dans l’obligation d’emprunter à court terme sur le marché bancaire local pour payer les échéances des crédits.
Le gouvernement et la Banque centrale s’en sont, jusque-là, sortis indemnes de ce jeu de trapéziste, encourageant le Fonds monétaire international (FMI) à chercher une issue pour la Tunisie. Ainsi, suite à sa visite en Tunisie en juin dernier, Jihed Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, a salué la récente publication par le gouvernement tunisien de son plan de réformes ; il a exhorté les différentes parties prenantes à faire cause commune pour le mettre en œuvre. Azour a également déclaré qu’au terme de discussions techniques de plusieurs mois avec les autorités tunisiennes, le FMI est prêt à entamer, très prochainement, des négociations portant sur la mise en place d’un programme.
Il est donc désormais clair que les institutions financières internationales veulent aider la Tunisie, encore faut-il que les Tunisiens fassent preuve de cohérence dans leurs démarches internes. C’est dans ce cadre qu’aura lieu la signature, vendredi 12 août 2022, d’un pacte social entre le gouvernement, la centrale patronale Utica et la centrale ouvrière UGTT. Le gouvernement et les partenaires sociaux cherchent ainsi à installer un climat favorable à la sortie de la crise. Attendons pour voir. Seuls les résultats comptent.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami