Redéploiement et nouvelles lignes d’Air Algérie : La rentabilité a-t-elle été prise en considération ?

23/08/2022 mis à jour: 08:05
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La compagnie aérienne nationale, Air Algérie, étend ses ailes dans le ciel africain et a lancé récemment une nouvelle ligne aérienne directe entre Alger et Doha (Qatar). Ces lancements interviennent en application des orientations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et de la stratégie de développement du transport adoptée par le gouvernement dans le cadre de son plan d’action.

Pour Air Algérie, cela va se traduire dans une première phase par la consolidation des acquis sur le marché diaspora (France, Angleterre, Canada), celui des affaires et tourisme (Turquie, EAU, Egypte et Tunisie) et tourisme religieux (omra et hadj). Dans une deuxième étape, la démarche consiste à œuvrer pour l’émergence d’un écosystème qui renforcerait le rôle du transport aérien (hub d’Air Algérie à Alger), développement du réseau domestique, partenariat pour les filiales (fret, maintenance, catering et Handling).

Mais au-delà de ces annonces à forte teneur politique, une question se pose avec insistance par les spécialistes de l’aérien : l’aspect rentabilité et pérennité des lignes a-t-il été pris en considération ?

En complément des sujets d’offre et de positionnement, Air Algérie va aussi devoir s’emparer du sujet de la transformation digitale. Il reste notamment beaucoup à faire dans la digitalisation de la distribution, la digitalisation de l’ensemble de la relation client et l’utilisation d’outils d’optimisation opérationnelle.

Alors, comment décide-t-on aujourd’hui du lancement de nouvelles lignes ? La compagnie aérienne suit généralement un schéma englobant plusieurs critères. La demande passagers est essentielle ; les évaluations socioéconomiques de la future destination et la connectivité du hub aussi. Entrent également en ligne de compte le type d’appareil, l’impact touristique et, enfin, la concurrence existante, directe et indirecte.

«Il faut préciser qu’il entre dans le cadre de la stratégie de développement du transport aérien en Algérie et particulièrement de la mise en place du hub d’Alger. Aujourd’hui, la compagnie Air Algérie change de stratégie. Elle opérait dans le passé selon une logique de transport de passagers dans le cadre du point à point, c’est-à-dire d’une ville vers une autre, mais nous allons basculer graduellement vers un trafic de transit, ou on va aller chercher du trafic passagers partout dans le monde pour d’autres destinations en Afrique, vers l’Europe, l’Asie ou le Moyen- Orient», a expliqué à El Watan Yacine Benslimane, Pdg d’Air Algérie, lors de la cérémonie de lancement de la ligne aérienne Alger-Doha-Alger. Selon lui, «certaines lignes peuvent en effet être rentables immédiatement, mais d’autres seront lancées pour attirer dans un premier temps de la clientèle».

15 lignes vont renforcer le réseau d’ici 2025

Il a précisé, lors d’une conférence de presse, que «le fret est un de nos grands projets, nous allons le développer et le promouvoir, nous ouvrons nos soutes à travers les destinations de la compagnie, nous transportons des bagages et du cargo en simultanée. Nous avons des soutes dans nos A-330 qui peuvent transporter tout le cargo nécessaire vers plusieurs pays». Dans ce contexte, les A-330 sont des appareils gros porteurs qui permettent de transporter plus de 250 passagers avec triple classe : première classe, classe affaires et classe économique.

Mais une stratégie hub ne s’improvise pas. Et la concurrence est assez rude. Le ciel africain a été libéralisé en 2018, créant un marché unique ouvert à la concurrence. Les hubs y sont encore modestes et excentrés : Johannesburg compte 21 millions de passagers, puis a émergé Addis-Abeba, hub de la compagnie aérienne Ethiopian Airways, connecté à une centaine de destinations et concurrence Dubaï vers l’Afrique subsaharienne, Nairobi, Le Caire et Casablanca.

Le premier, et probablement l’élément le plus important d’une stratégie de hub, est sa position géographique. Bien plus encore que son marché de proximité. Car un hub doit avant tout se situer à la croisée de grands courants de trafic.

Si le président de la République en parle, c’est qu’il a conscience que le transport est un outil stratégique pour consolider l’influence de l’Algérie sur la scène internationale et construire des coopérations solides avec des Etats dans différents domaines. En outre, les liaisons aériennes accompagnent aussi les exportations et sont perçues comme stratégiques pour le tourisme.

Cependant, l’établissement d’une nouvelle liaison est une décision économique qui repose sur une analyse financière rigoureuse. En règle générale, l’établissement ou le maintien d’une liaison aérienne suppose l’existence d’une demande minimale suffisante pour rentabiliser cette liaison.

Pour considérer la mise en place d’une liaison aérienne directe, les transporteurs utilisent deux principaux paramètres pour en analyser la rentabilité potentielle. Il s’agit du coefficient de remplissage, soit le rapport entre le nombre de passagers et la capacité, et ce, tout au long de l’année et le «yield management», soit les revenus par passager en fonction des tarifs pour chacune des classes aériennes et de la distribution des passagers selon ces différentes classes tarifaires (économie tarif réduit, économie plein tarif, classe affaires, première classe…). 

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