Un récital poétique, animé par Mohamed Benhamadouche, plus connu sous le nom de Ben Mohamed (Ben pour les intimes), a été organisé, le 14 mai au Centre Léonardo Da Vinci, dans le cadre du Festival amazigh de la ville de Montréal, par la Fédération des amazighs de l’Amérique du Nord.
L’invité de marque de la 5e édition de cette rencontre culturelle a choisi pour la circonstance un bouquet de son riche répertoire inédit ; dont , entre autres, Alahvav, Timlilith ; Yemma, Akoursi et Agma (deux textes chantés par Amar Sersour), Yibwas, repris par Khadidja Hamsi dans le film Issiakhem et autres textes écrits pour la chanteuse Nouara (Taymats et Sigh el masvah).
Ben Mohamed a dévoilé en outre pour la nombreuse assistance venue l’écouter religieusement dans la salle du théâtre Picolo le texte intégral chanté par Idir Muqlegh tamurt umazigh (regards sur le pays amazigh), dont le défunt artiste d’Ath Yenni en a repris trois morceaux seulement, tient à préciser Ben Mohamed.
«C’est un choix artistique. S’il n’avait repris qu’une partie du texte, ce n’était pas qu’il avait peur», tranche l’intervenant.
Même s’il n’a pas abordé le sujet dans les débats ayant suivi le récital, Ben Mohamed est connu pour être l’auteur du texte de ce tube planétaire (1976) ayant propulsé au firmament Hamid Chériet, ainsi que d’autres poèmes repris par plusieurs artistes.
«Pour Vava inu-va, j’ai travaillé sur des mesures. Idir m’avait demandé deux couplets de huit vers à sept pieds. Il est vrai que le refrain existe dans le conte, mais le corps du texte comporte une autre thématique. Il s’agissait de mettre en valeur des situations de transmissions familiales d’antan», note à ce propos l’ancien producteur et animateur de renom de la Chaîne II dans un entretien publié par El Watan.
Mon émission s’est arrêtée pour avoir invité Matoub
Lors de sa sortie montréalaise, l’invité du Festival amazigh a évoqué également sa riche carrière entamée dans ce média public en 1967 et la terrible censure de l’époque. «Jamais une émission n’a duré plus d’une année à cause de la censure de mon directeur FLN qui avait peur pour son poste», dit-il.
Ben Mohamed, pour l’argumentaire, il ajoutera : «Je suis le seul à inviter Matoub Lounes pour chanter en direct à la radio. Juste après, mon émission sera supprimée de la grille des programmes.»
Le célèbre poète de Tikidount, dans la commune des Ouacifs (Tizi Ouzou), qui répondait aux nombreuses questions du public, a souligné par ailleurs que Matoub Lounes, connu pour sa probité intellectuelle et artistique, lui avait demandé s’il (Matoub) pouvait reprendre le poème de Ben Mohamed intitulé Imettawen-iw (Mes larmes).
«Ce texte a été chanté par Nouara en 1965. Quand ils sont partis en tournée aux USA, Lounes a dit à Nouara : tu me donnes ce texte ! Je l’ai rencontré à Paris, il m’avait exprimé le vœu de chanter ce texte.»
Sur un autre plan, Ben Mohamed a souligné : «Oui, c’est vrai je n’écris pas beaucoup ces dernières années, sauf si j’ai quelque chose qui me travaille. Je suis loin du pays (Il vit en France, Ndlr) pour écrire ce qu’on ressent quand on est là-bas. Autre chose, quand je faisais de la radio, j’avais le moyen de répandre mes poèmes. Jamais je ne dis ce que je n’ai pas dans le cœur.
Je dis ce que je ressens. De nos jours, la plupart se proclament poètes et non pas la société qui les décrète comme poètes. Cela est devenu même un fonds de commerce. C’est la réalité actuelle (…). Le niveau culturel du pays baisse de plus en plus, nos valeurs disparaissent.
Notre société kabyle d’antan a fonctionné sans police, ni tribunal ou prison car il y avait ce respect entre les gens. Tout se réglait à l’amiable.» Auteur de dizaines de poèmes, mais sans avoir jamais publié de recueil, Ben Mohamed a annoncé à la fin de son intervention la sortie en librairie d’un premier ouvrage.
«J’ai profité des longs mois de confinement sanitaire à Paris pour réécrire tous mes poèmes qui sortiront, prochainement, sous forme de recueil. Je vais confier la traduction à Ramdane Achab.»
Dans le cadre du programme de ce festival, Ben Mohamed était attendu dimanche 15 mai au Théâtre Picolo où il devait animer le débat après la projection du film s, en sa qualité de l’auteur des dialogues, en kabyle, dans ce long métrage de Belkacem Hadjadj.
A. Tahraoui