Présent à la 26e édition du Salon national du livre d’Alger, le Franco-Algérien Mokhtar Amoudi a remporté haut la main le prix Goncourt des détenus. Né en 1988 et élevé en banlieue parisienne, l’auteur a passé son enfance et son adolescence en famille d’accueil.
Malgré son influence pour la littérature et Balzac, il est renvoyé du lycée pour trafic de drogue. Après des études en droit des affaires, il devient analyste en gouvernance d’entreprise à la Caisse des dépôts. Ainsi, il signe à l’âge de 35 ans son premier roman Les Conditions idéales, publié par les éditions Gallimard. Il a également reçu le Prix envoyé par la Poste 2023 pour cet ouvrage.
A travers son roman Les Conditions idéales, Mokhtar Amouti revient sur l’histoire poignante d’un jeune garçon, Skander. Celui-ci est un mordu de lecture. Sa vie bascule en une fraction de seconde lorsqu’il intègre malgré lui une famille d’accueil à Courseine. Marocaine d’origine, Madame Khadidja l’élève de 10 à 18 ans. A ce propos, il a confié au journal Le Monde que cette dame, qui s’est occupée de son éducation pendant huit ans, est un personnage important dans sa vie et dans son roman.
«C’était une cuisinière de compétition, Marocaine d’origine, qui avait cinq bouches et de gros appétits masculins à nourrir. On était en pleine croissance, on mangeait énormément. Je l’observais préparer des grands plats, une cuisine équilibrée et roborative, avec toujours la ‘’sainte viande’’ au milieu. Il lui était inconcevable de faire un plat sans viande ou sans poisson.
Et on mangeait, on mangeait, on mangeait… Le week-end, quand j’allais rendre visite à ma mère (qui m’avait confié à l’aide sociale à l’enfance), j’essayais de reproduire la cuisine de Madame Khadija. Autant dire que, dès l’enfance, la nourriture a tenu une place importante dans ma vie et dans mes rapports sociaux», témoigne-t-il. Dans une interview réalisée par le département Seine-Denis, avant le résultat final du Goncourt des lycéens 2023 et l’attribution à Mokhtar Amoudi du Goncourt des détenus 2023, Mokhtar Amouti indique que l’écriture lui permet d’avancer. «C’est ce qu’il fallait que je fasse. Je n’en tire même pas de fierté. Il fallait que je raconte cela pour me permettre de me sentir un petit peu accompli. Dix ans de ma vie étaient structurés par cette envie de publier… J’aurai renversé ce poids pour le transformer en catapulte».
Il confie aussi qu’il s’est lancé dans le processus de son roman quand il s’est dit : «Ma vie s’effondre, je vais commencer à la raconter. La volonté d’écrire est intervenue. Pendant cinq ans, je me suis mis à écrire tout sauf Les Conditions idéales qui était pourtant le roman que je voulais écrire. Cela m’a permis de m’entraîner au style. Je me suis dit ‘’dépasse ta peur, tu l’écris’’.
Cela m’a pris 4-5 ans. Je me suis en quelque sorte sacrifié pour le faire. Je ne travaillais pas. Je n’avais pas d’argent. Je laissais mon passif augmenter et puis surtout me tourmenter. Je n’étais jamais triste d’écrire. Il fallait manger. J’allais des fois taper mes potes. Je me suis un peu clochardisé à un moment. La fonction d’écrivain me donnait une sorte de statut. Et j’ai décidé de ne pas m’effondrer du point de vue de mon apparence. Le livre, je l’ai littéralement fini lorsque j’ai rendu les épreuves en mai dernier».
Pour rappel, créé et porté par le Centre national du livre et les services pénitentiaires de l’Etat, sous le haut patronage de l’Académie Goncourt, le prix Goncourt des détenus donne à près de 500 détenus l’occasion de se plonger dans une lecture passionnée et de faire entendre leur voix pour élire leur lauréat, parmi les 16 auteurs sélectionnés par l’Académie.