Pourquoi voit-on soudain des ovnis partout ?

22/02/2023 mis à jour: 17:24
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De nombreux mystères restent à éclaircir, mais certaines choses semblent claires ou, en tout cas, très probables

Maintenant que nous avons percuté que la Chine envoyait des ballons espions survoler le territoire américain aux confins de l’atmosphère, nous abattons tout ce qui vole plus ou moins à la même altitude et ressemble vaguement à un autre ballon espion chinois – on en est à quatre objets, au moment de l’écriture de cet article, en un peu plus d’une semaine.

De nombreux mystères restent à éclaircir (la nature et la source des trois derniers objets abattus ne sont pas des moindres), mais certaines choses semblent claires ou, en tout cas, très probables.

Tout d’abord, il y a fort à parier que les Chinois se livrent à ce genre d’exercice depuis un bon moment. La raison pour laquelle les radars américains ne voyaient pas de ballons ou d’objets ressemblant à des ballons avant et qu’ils en détectent plein maintenant, c’est que jusqu’à ce mois-ci, les opérateurs radars ne les cherchaient pas.

Beaucoup pensent que les équipements des renseignements militaires américains repèrent absolument tout ce qui se balade dans notre espace aérien, mais il n’en est rien – et ce n’est pas nécessairement un signe d’incompétence. Des milliers d’objets traversent les zones les plus basses de l’espace au-dessus du ciel américain – des météores, des satellites privés, divers débris– et si la North American Defense Command (Norad) les traquait tous, ses officiers seraient débordés, peut-être même au point de détourner le regard des dangers réellement plausibles.

Par conséquent, ils mettent en place des «filtres» sur leurs radars afin de détecter des objets qui ont une certaine forme et se déplacent à certaines altitudes et à certaines allures. L’algorithme ne prend pas en compte des ballons qui flottent à une vitesse qui n’est qu’une fraction de celle du son.

Calibrage en vue

«Nous avons tendance à faire des projections quand nous envisageons des menaces, et nous sommes donc aveuglés par notre propre technologie», m’a expliqué un ancien fonctionnaire du Pentagone, cadre dans le secteur aérospatial. L’armée américaine menace principalement ses adversaires étrangers avec des missiles et des avions; c’est donc ce genre de choses que nos capteurs d’alerte précoce sont programmés à chercher.

Si un avion chinois avait traversé les frontières aériennes, les avions de chasse américains s’en seraient occupés – ils les auraient escortés hors de notre espace aérien, les auraient fait atterrir ou auraient pris des initiatives plus dramatiques, si nécessaire, en quelques minutes. Après le repérage, la semaine dernière, de l’objet flottant au-dessus de l’Alaska, du Montana et d’autres zones à l’ouest, suivi de preuves très claires qu’il s’agissait d’un ballon espion (et non pas d’un ballon météorologique, contrairement à ce qu’ont d’abord prétendu des porte-parole chinois), le Norad a recalibré ses filtres pour qu’ils prennent en compte les signaux révélateurs des ballons espions –principalement leur vitesse, leur forme et leur altitude. Par conséquent, désormais les capteurs les voient et avertissent leur commandement, qui à son tour alerte le commandant en chef : le président Biden.

Une analyse rétroactive des nombreux objets volants non identifiés repérés ces dernières années et n’ayant pas d’explication va probablement conclure que la plupart, voire tous, étaient des appareils espions d’un type ou un autre. En même temps, dans les prochaines semaines, une analyse des trois destructions les plus récentes pourrait indiquer qu’il ne s’agissait pas de ballons espions du tout; il pouvait simplement s’agir de débris spatiaux. Il est envisageable que le Norad ait recalibré ses filtres de manière un peu trop large.

Quoi qu’il en soit, il est assez parlant que Pékin ait changé de version lorsqu’on en a su davantage sur le premier ballon abattu. D’abord, les porte-parole ont nié que ce ballon ait appartenu à la Chine. Ensuite, ils ont dit qu’il s’agissait d’un ballon météorologique perdu.

A présent, ils clament que la Chine envoie beaucoup moins de ballons espions au-dessus des États-Unis que les États-Unis au-dessus de la Chine –on ne pourra pas faire plus proche d’un aveu que la Chine a bien traversé les frontières américains avec des ballons espions.

Pour autant, leur allégation selon laquelle nous faisons la même chose est extrêmement peu crédible. Dans les années 1940 et 1950, les Etats-Unis envoyaient en effet des ballons survoler l’Union soviétique et la Chine pour glaner des informations sur leurs programmes militaires, ou pour leurrer leurs équipes de défense aérienne afin qu’elles allument leurs radars, ce qui leur permettait d’évaluer leurs capacités. Mais une fois que nous avons construit et déployé des avions espions, puis des satellites espions, nous avons abandonné les ballons.

Politique bureaucratique

«Notre armée est fan de technologies avancées», m’a expliqué le cadre de l’aérospatiale.

«Quand nous avons commencé à aller dans l’espace, nous ne sommes jamais revenus en arrière.» Quel général ou amiral américain moderne aurait envie de commander la flotte des ballons ? Les Chinois, au fil des décennies, sont également passés des ballons aux avions espions et aux satellites espions mais, peut-être pour des raisons stratégiques, peut-être à cause de la calcification administrative, ils ont également gardé le vieux matériel.

Ian Bremmer, président d’Eurasia Group, a écrit dans sa lettre d’information destinée aux clients le lundi 13 février que les interceptions américaines de communications chinoises indiquaient que le président Xi Jinping ne savait même pas, jusqu’à la fin de la semaine dernière, que la Chine envoyait des ballons espions au-dessus de toute l’Amérique du Nord. Voilà qui renforce l’idée que l’intrusion est due à la politique bureaucratique.

Cependant, Bremmer écrit également que selon les responsables américains, les Chinois ont conservé leur programme de ballons espions pour servir de source de renseignements de secours en cas de guerre, au cours de laquelle ils soupçonnent que les Etats-Unis abattraient, aveugleraient ou neutraliseraient d’une manière ou d’une autre leurs satellites envoyés en orbite dans l’espace. Deux anciens hauts responsables des renseignements américains m’ont confié que c’était une explication tout à fait plausible, même s’ils ne savent pas si c’est vrai ou pas. Pour l’un d’entre eux, compte tenu du vaste programme d’armes antisatellites dont dispose la Chine, les Etats-Unis seraient bien inspirés de se mettre eux aussi à construire quelques ballons de secours, au cas où.

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