Pour le nouveau président de la cop28 : «Il faut réduire les CO2, pas le pétrole»

15/01/2023 mis à jour: 02:17
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Sultan Al Jaber, PDG d'un géant pétrolier du Golfe

Alors que la nomination de Sultan Al Jaber, PDG d'un géant pétrolier du Golfe, à la présidence de la COP28, prévue du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, a fait polémique, ce dernier a appelé hier à «se focaliser» sur la réduction des émissions de CO2 sans s'en prendre au «progrès». «Nous sommes à un tournant historique. Une croissance avec de moindre émission de CO2 est l'avenir», a déclaré Sultan Al Jaber. «Nous travaillons avec l'industrie énergétique pour accélérer la décarbonisation en réduisant le méthane et en développant l'hydrogène», a-t-il ajouté lors d'un forum sur l'énergie à Abou Dhabi, la capitale des Emirats. «Continuons à nous concentrer sur le fait de freiner les émissions, mais pas le progrès !» 

Si ces déclarations ont provoqué un tollé, pour Samir Grimes, expert en environnement et développement durable, elles nous ramènent seulement à la réalité : «L’action climatique ne peut se faire au détriment du progrès, en particulier au niveau des pays en voie de développement.» Selon lui, cette déclaration intervient après plus de deux décennies de recommandations et décisions dans le cadre de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques et dans d’autres cadres encourageant ou demandant aux Parties (pays) de faire des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Plus de sept ans après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat, l’engagement opérationnel n’est, selon M. Grimes, pas à la mesure des intentions et des engagements politiques en matière de réduction de GES. «Je pense qu’à travers cette déclaration, on reconnaît toute la difficulté de la situation qui est rendue plus complexe par l’incapacité des pays responsables des émissions des GES à donner l’exemple en matière d’effort et surtout l’incapacité de ces pays à tenir leurs promesses vis-à-vis des pays vulnérables et ceux en voie de développement», explique le spécialiste. Alors qu’il n’y a aucun doute sur le fait que la réduction des GES affectera frontalement le secteur de l’industrie et celui de l’énergie ainsi que le fonctionnement des villes et la mobilité (transport), cependant, il y a lieu de clarifier, selon M. Grimes, la taxonomie énergétique en précisant que le gaz est une énergie propre et vertueuse. 

«L’Algérie dans sa phase actuelle marquée par la redynamisation de son appareil industriel et son adaptation ne peut pas se permettre de remettre en question son nouveau modèle économique, d’ailleurs de nombreux pays africains sont dans la même situation», affirme-t-il. 

Précisant que les pays qui sont responsables des émissions de plus de 90% des GES, soit les Etats-Unis, la Chine, l’Europe, l’Inde, l’Australie, le Brésil, devront prendre leurs responsabilités et se mettre aux avant-postes des réductions des GES. «Ceci n’empêche pas que l’Algérie doit accélérer son programme de transition énergétique et diversifier son mix énergétique en s’appuyant en priorité sur le solaire, comme cela a été décidé par plusieurs Conseils des ministres», recommande M. Grimes. Ce dernier estime, par ailleurs, normal que les instances internationales reviennent à chaque fois sur la question du fossile. «Mais cela risque de détourner notre attention par rapport à d’autres questions toutes aussi importantes, sinon, fondamentales, comme celle des pertes et des dommages qui avance à pas très lents, la question du soutien à l’adaptation des pays vulnérables et des pays en développement, celle relative au financement climatique de manière globale, les questions relatives à un réel transfert de technologies amies du climat vers ces pays», prévient-il. C’est pourquoi, M. Grimes estime que les pays industrialisés devraient, pour une fois, «faire suivre leurs bonnes intentions par un partage de certains brevets industriels amis du climat ou venir investir dans la connaissance et la science climatique dans les pays en développement, en construisant et développant des formations sur l’adaptation et l’atténuation». 

Ces pays pourraient aussi, selon le chercheur, contribuer à construire ou à co-construire des solutions économiques amies du climat en acceptant d’investir massivement dans les énergies renouvelables dans ces pays et d’accompagner la transition énergétique dans ces pays. 

Pour M. Grimes, instaurer des frontières carbone, comme semblent le projeter certains pays ou certaines régions (espace européen) à travers la neutralité carbone, ne fera qu’élargir le fossé entre, d’une part, les pays industrialisés, historiquement responsables des principales émission de GES, détenant les solutions scientifiques, technologiques et industrielles amies du climat et, de l’autre côté, les pays en développement, climatiquement vulnérables, n’ayant pas contribué de manière significative aux émissions de GES et en quête d’un transfert de technologie et de ressources financières additionnelles pour l’adaptation. Prévue du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, M. Grimes juge nécessaire de mettre en place les mécanismes et les procédures de financement liés aux pertes et dommages dus aux effets des changements climatiques, mais avant cela l’identification des sources et des mécanismes d’alimentation du fonds «pertes et dommages» décidé lors de la COP27. Il estime aussi essentiel de fixer un objectif en matière d’adaptation, comme cela a été fait pour l’atténuation dans l’Accord de Paris sur le climat (2ºC et 1,5ºC). «Les écarts de réduction des émissions persistent, les pays, en particulier les grands émetteurs, doivent impérativement présenter des plans ambitieux visant à réduire les émissions», poursuit-il, ajoutant qu’il faut apporter un vrai soutien aux initiatives africaines sur l’adaptation et la lutte contre la désertification. 

Et enfin, M. Grimes recommande de poursuivre les négociations concernant le marché carbone, en s’appuyant sur des initiatives multipartites, telles que le Conseil pour l'intégrité du marché volontaire du carbone (IC-VCM) et l'Initiative pour l'intégrité du marché volontaire du carbone (VCMI) continueront à faire progresser leurs efforts respectifs pour promouvoir la qualité des crédits carbone et l'intégrité des déclarations des entreprises basées sur l'utilisation des crédits carbone.

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