Mustapha Larfaoui. Membre honoraire du CIO et président d’honneur de la FINA : «Il ne faut jamais viser directement le sommet» (2e partie et fin)

22/06/2022 mis à jour: 06:11
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Photo : D. R.
  • Vous êtes membre du Conseil de fondation et du Comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage (AMA) (1999), quels sont les grands axes de cette agence ?

Lorsque l’idée de la création d’une entité qui s’occuperait de cette lutte a été envisagée par l’ancien ministre des Sports canadien, M. Denis Coderre et certains autres membres, dont je faisais partie, nous nous sommes réunis et avons fondé l’Agence mondiale anti-dopage (AMA ou, en anglais, WADA –World Anti Doping Agency) avec un Conseil de fondation et un Conseil exécutif.

C’est alors que mes collègues présidents de fédérations internationales m’ont demandé de les représenter parmi les trois représentants des fédérations des sports olympiques d’été au Conseil de la Fondation.

Par ailleurs, ils m’ont demandé également d’être leur représentant au sein du Conseil exécutif, composé de 11 membres : 5 ministres (1 par continent et 5 représentants du mouvement sportif : 1 pour le CIO, 1 pour les sports olympiques d’été, 1 pour les sports olympiques d’hiver, 1 pour les sports paralympiques, 1 représentant des Comités olympiques nationaux. Le président était désigné alternativement pour chaque mandat par les représentants des gouvernements et ceux du mouvement sportif. Le 1er président fut M. Dick Pound (Canada), membre du CIO.

Les membres du Conseil exécutif sont renouvelés et élus par leurs entités tous les ans. J’ai exercé au sein du Conseil exécutif de 1999 à 2009, année de mon retrait de la présidence de la FINA. Le principal objectif de l’agence est de contribuer à la recherche scientifique, multiplier les contrôles, veiller à la conformité au code anti-dopage, évoluer dans un environnement anti-dopage. La lutte contre le dopage est permanente, car les tricheurs ont toujours existé, existent toujours et existeront à l’avenir.

  • Beaucoup d’Algériens ne connaissent pas l’histoire des dirigeants qui sont derrière la création des fédérations nationales, vous qui êtes un témoin vivant, que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Là, vous faites appel à des souvenirs qui remontent à 1962, c’est-à-dire à plus d’un demi-siècle. Alors ne soyez pas étonné si la mémoire fait défaut. Néanmoins je me remémore la période pendant laquelle nous avons créé les fédérations nationales, quelques noms de premiers présidents de certaines fédérations : Dr Mohand Maouche (football et Comité Olympique), Dr Kaddour Bourkaïb  (volley-ball), Abdelhamid (gymnastique), Medjebri (cyclisme), Abderrahmane Belguedj (boxe), Ali Cherifi (basket-ball), Ben Belkacem (handball), le regretté Zerrouk Ben Merabet (tennis), et Mustapha Agoulmine (athlétisme).

Il y a d’autres personnalités sportives que l’on peut citer : M. Mohamed Allam qui fut avec M. Agoulmine les précurseurs auprès du CIO pour la constitution du COA, Dr Mekhalfa, directeur du CNMS, dont il a été l’un des fondateurs, Dr Hanifi, professeur en médecine du sport et ancien président du Comité olympique, les colonels Abdelmadjid Allahoum et Abdenour Bekka, directeur des Sports militaires, (M. Bekka, président du COA et ministre), Abdelkrim Hadjout, directeur du Complexe sportif du 5 Juillet, et trésorier général du COA, Hadj Dahmoun Tidjani Djelloul, Mouloud Ouerdane, Makouf (JFLN), Abdelhamid Bouchouk, directeur des sports et ses adjoints Moulay Koriche et Mokhtar Chentouf, Belabed, Saïd Ould Moussa, Belaïd Chebahi et de nombreux autres. Je ne peux omettre tous les anciens ministres qui ont tous apporté leur immense contribution au développement du sport et combien d’autres personnalités qui ont œuvré dans les clubs et les autres organisations sportives (Ligues, fédérations…).

Je me dois d’ajouter le nom de notre premier et unique athlète ayant participé aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964 Mohamed Lazhari (Yamani), qui a été sollicité par mes soins, après sa sélection avec l’équipe de France en qualité de champion national en gymnastique (France) à l’effet de participer an qualité d’unique représentant de l’Algérie. Sa réponse a été immédiate et positive.

  • Ces derniers temps, on a constaté l’absence des Algériens dans les instances régionales, continentales ou mondiales. Quels sont les conseils à donner pour la nouvelle génération des dirigeants sportifs algériens qui visent à intégrer les instances internationales ?

De nombreux Algériens ont accédé par le passé à des postes importants dans les instances sportives internationales, soit dans les organisations africaines ou Fédérations Internationales.

La liste est longue. Je citerai Melle Ferial Salhi (Fédération internationale d’escrime), Mustapha Berraf (président ACNOA), Meridja Mohamed (judo), Mesbahi (karaté), Sahraoui (volley-ball), Bensalem (boxe) Lammari (escrime). A tous ceux qui occupent des positions à ce jour et qui doivent s’imposer par leur travail et leur sérieux, je recommande de persévérer dans cette voie. J’en profite pour leur souhaiter beaucoup de succès.

  • Le légendaire karatéka Mahfoud Louali, qui a marqué de son riche parcours les arts martiaux algériens, a été surpris, lors de sa visite aux États-Unis de trouver les empreintes de vos mains sur le mur d’un site parmi les grandes personnalités de la planète. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?

Ces empreintes se trouvent au Musée des célébrités sportives mondiales qui existe à Fort Lauderdale, qui relève de l’ISHOF (International Swimming Hall of Fame). Cette organisation m’a fait l’honneur de m’inviter pour célébrer ce qu’ils appellent l’«intronisation» pour être admis à cet emplacement. Il s’y trouve également, si ma mémoire ne me trahit pas, les empreintes de mes pieds et de mon visage en plâtre. C’est là un hommage que j’ai beaucoup apprécié.

  • Quelles relations gardez-vous avec les différentes structures sportives algériennes (MJS, COA, Fédérations, Ligues, Clubs) et est-ce qu’on vous sollicite pour des conseils d’orientation, des invitations aux différentes manifestations ou cérémonies ?

Compte tenu des excellentes relations que j’entretenais avec les collègues présidents de fédérations internationales, j’ai toujours informé mes compatriotes responsables sportifs de ma disponibilité totale, en cas de besoin auprès de leur organisme.

De plus, j’ai été appelé par élection à être membre du bureau de l’Assemblée générale des Fédérations internationales sportives (AGFIS) et vice-président de l’Association des Fédérations internationale des Olympiades d’été (ASOIF). Je leur proposais de solliciter des stages de formation ou de perfectionnement technique, d’assistance éventuelle, etc.

Par contre, je dirais que je ne suis jamais invité par nos fédérations à assister à des compétitions internationales importantes organisées en Algérie, ni à l’occasion de visites de présidents de leur fédération internationale, exception faite de la Ligue algéroise de volley-ball. Jamais je n’ai reçu d’invitation à la finale de la Coupe d’Algérie de football.

Par contre, j’ai assisté à la finale de la Coupe d’Afrique des Nations en 1990 à Alger et celle de 2010 en Angola, à Luanda sur invitation personnelle de mon ami Issa Hayatou, alors vice-président de l’UCSA. J’ai également assisté à la finale de la Coupe du monde de football à Rio de Janeiro en 2014 sur une invitation de Blatter. Par ailleurs, il faut savoir que j’ai été sollicité aussi par des ministres de la Jeunesse et des Sports afin d’intervenir pour le règlement de certains dossiers, notamment avec les instances internationales.

J’ai été amené à intervenir à l’occasion des Jeux olympiques pour des problèmes techniques et aussi pour notre presse qui sollicitait des entretiens avec des responsables. Ma disponibilité a toujours été permanente. En conclusion, je voudrais tout simplement en profiter pour dire à notre jeunesse que si l’objectif est d’accéder et d’intégrer ces instances continentales et internationales, il y a lieu de s’imposer par son travail et le sérieux.

De plus, il ne faut jamais viser directement le sommet mais passer par les étapes successives. Je ne terminerai pas sans mentionner que notre pays possède un potentiel humain important et une jeunesse sportive qui doit être repérée pour être prise en charge. J’ajouterai qu’elle est capable de donner d’excellents résultats. J’ai visité personnellement des régions dans le Sud et je peux dire qu’il faudrait seulement la repérer et la prendre en charge.

Je faillirai si je ne mentionnais pas la nécessité de disposer d’une politique sportive qui fixerait les buts à atteindre et les moyens nécessaires pour y parvenir. Nous disposons de certaines disciplines dites porteuses et capables de donner les meilleurs résultats.

Elles sont connues et pas nombreuses. Elles ont donné des résultats. A mon avis, elles devraient disposer d’une attention particulière et être dotées des moyens nécessaires. Je reste néanmoins très optimiste et confiant en ces jeunes qui ont beaucoup à donner.

  • Les enfants de Larfaoui ont-ils pratiqué le sport ?

Mes enfants (trois garçons et une fille) ont tous pratiqué le sport et sont de très bons nageurs. Mais, compte tenu de ma position dans ce domaine, je ne leur ai jamais permis de participer à des compétitions afin d’éviter tout commentaire. Par contre, trois d’entre eux, deux garçons et la fille se sont adonnés au volley-ball et le troisième garçon, au football.

  • Une des anecdotes ?

Après mon élection à la tête de la FINA en 1988, un responsable à fait procéder à une enquête auprès de la Fédération à l’effet de savoir si je faisais supporter des dépenses à la Fédération. Il a été déçu par la réponse négative.

  • On vous laisse le soin de conclure…

Je voudrais mentionner tous les honneurs qui m’ont été faits et qui me sont encore faits lorsque je me rends à l’étranger. J’ai eu le grand honneur d’être reçu par la Reine d’Angleterre, la Reine et le Roi d’Espagne, le Prince Albert de Monaco, les Émirs du Koweït, du Qatar, des Emirats Arabes Unis, Koffi Annan, Boutros Ghali, des chefs d’Etat, tels que Nelson Mandela, Bill Clinton, Jacques Chirac, Vladimir Poutine sans oublier le président de la République de Corée du Sud, M Lee Myung-Bak, qui a été membre du Bureau de la FINA élu en 1988. Il m’avait invité à son investiture en 2008 après avoir été maire de Seoul de 2002 à 2006. Il a même mentionné ma présence. J’ai été très touché par cette attention.

Mustapha Larfaoui en bref…

- Né le 27 novembre 1932 à Alger
- Marié et père de 4 enfants
- Etudes universitaires
- Parle couramment l’arabe, le français et l’anglais
- Athlète, il a pratiqué le basket-ball et le water-polo
- Président de la Fédération internationale de natation (FINA) de 1988 à 2009 (5 mandats).
- Membre du CIO de 1995 à 2009
- Membre d’honneur depuis 2009
- Président de la Fédération africaine de natation (CANA) de 1974 à 2012
- Président du Comité olympique algérien (COA) de 1998 à 2001.
- Président de la Fédération algérienne de natation (FAN) de 1962-1983 et 1985-1989

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