Miliana. La manufacture d’armes de l’émir Abdelkader : Un joyau réhabilité

29/05/2022 mis à jour: 15:09
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Manufacture des armes réhabilitée

La Journée nationale du musée (18 mai, ndlr) aura été une opportunité pour mettre un coup de projecteur sur un monument historique inédit, un musée qui illustre le génie et la solidarité des Algériens au XIXe siècle. Il s’agit de la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader, un site qui relève de l’OGEBC (Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels). 

C’est grâce aux arguments développés par un Milianais, ancien élève du lycée Ferroukhi, en l’occurrence Abbas Kebir Youcef, archéologue, historien, qui avait su faire découvrir et convaincre l’ex-président Abdellaziz Bouteflika, sur l’importance du monument, quand il s’était rendu en 2003 à ce site abandonné, dans un piteux état, indigne.

 L’ex-premier magistrat du pays, stupéfait par la situation lamentable de ce bien utilisé par l’Emir Abdelkader, n’a pas hésité un moment à décider d’accorder une enveloppe financière pour la réhabilitation de la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader. L’ex-ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, avait été instruite par son président, pour engager immédiatement les procédures et entamer en urgence les travaux de confortement et de réhabilitation de ce monument historique qui fait partie intégralement du passé glorieux de l’Algérie. 

Les enfants de Miliana, Abbas Kébir Youcef et Touat Djamel, Allah errahmou, avaient été chargés de superviser le projet et du suivi des travaux. L’Etat avait alloué 10 milliards de centimes pour les travaux d’aménagement intérieur et extérieur, de confortement, de réhabilitation et enfin de l’équipement de l’ensemble du monument, qui s’articule autour d’un bain maure (hammam), d’une salle de séjour des ouvriers de la manufacture, de l’atelier de fabrication des armes à feu, des épées, des canons, des couteaux, ainsi que tous les équipements qui composent l’atelier, d’un magasin de stockage des armes, d’un magasin des matières premières. L’infrastructure, réalisée sur un style purement mauresque et ottomane, compte 17 chambres. 

En effet, l’opération du projet de réhabilitation de la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader avait été inscrite le 23 décembre 2010. Une enveloppe financière d’un montant de 10 milliards de centimes avait alloué pour la remise en état de ce musée. A l’origine, il y a lieu de préciser que l’Emir Abdelkader avait pris en charge la construction du 1er étage de la bâtisse. 

Néanmoins, en 2007, la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader a ouvert ses portes. Les citoyens, en quête de connaissance et d’information sur l’histoire de leur pays, peuvent se rendre dans ce site. L’Emir Abdelkader s’était rendu à Miliana, localité située au pied du Mont du Zaccar au mois d’avril 1835. 

L’accueil avait été chaleureux par les habitants. On lui a offert un bien immobilier située tout près de l’Horloge (ex-mosquée), transformé aujourd’hui en un musée. Un particulier dénommé Houari Hamid avait offert une maison à l’Emir à la sortie est de la ville, un site naturel agréable. La colonisation française était déjà en marche depuis 1830. 
 

MINERAI DE FER DU ZACCAR
 

L’Emir Abdelkader avait des idées en tête, pour combattre et faire reculer l’armée coloniale française. Ayant appris que la région de Miliana recelait des richesses naturelles importantes, en mesure de concrétiser son projet, il fait la connaissance de Alquier-Cazes, un ingénieur minéralogiste français, déserteur de l’armée française. 

Des négociations sont alors entamées entre l’Emir Abdelkader et le minéralogiste français. L’Emir Abdelkader propose alors à son interlocuteur un échange entre un lingot d’acier et un lingot d’or. Le minerai de fer du Zaccar tombe entre les mains de l’Emir Abdelkader. L’entente et la confiance entre l’Emir Abdelkader et Alquier-Cazes était établie. L’Emir Abdelkader nomme Alquier-Cazes coordinateur de l’atelier de fabrication des armes. 

Miliana est une ville incrustée dans un relief difficilement accessible qui se caractérisait par l’abondance de l’eau grâce à ses multiples sources, de l’existence énorme du gisement de minerai de fer du Djebel Zaccar, du charbon, de sa richesse agricole et enfin de son climat. Des atouts disponibles qui avaient permis à l’Emir d’entamer la fabrication des armes de guerre, fusils, pistolets, canons, épées, baïonnettes, des outils et des moules. 

L’Emir Abdelkader avait réussi à ramener la forge catalane (Espagne), une technologie qui n’existait pas en Algérie. Cet équipement espagnol, destiné pour la manufacture, fonctionne à l’aide d’un système hydraulique. Les eaux qui ruisselaient puissamment des différentes sources convergeaient vers un point et se déversaient vers la trompe d’eau. 

Elles produisaient une force qui faisait tourner une grande roue installée à l’intérieur de l’atelier. Celle-ci à son tour faisait fonctionner l’énorme marteau qui dressait le minerai de fer, qui sortait des 05 fours remplis de charbon, avec ses 300 coups à la minute sur l’enclume, dont la chaleur atteignait 1400 degrés.

 Il y avait un comburant. Tout ce merveilleux système, qui paraît simple, est en réalité complexe. Il avait été mis en place par l’Emir Abdelkader et son équipe afin de produire les armes et pouvoir doter ses soldats et ses cavaliers. 

Le ministre des Affaires étrangères de l’Emir, Mouloudw Benarache, et d’autres prisonniers déserteurs de l’armée française avaient été chargés par l’Emir pour encourager et inviter les soldats français à déserter les rangs et quitter leur caserne pour rejoindre la manufacture des armes. La mission discrète avait réussi. 

Les nouveaux travailleurs européens bénéficiaient d’un salaire honorable. L’Emir offrait des conditions de vie dans l’usine à armes et un traitement bien meilleurs et humains que ceux de la caserne. Le savoir-faire de ces ouvriers européens aura permis à cette manufacture de fonctionner agréablement. 

L’effectif des ouvriers se composait des Français, des Turcs, des Maltais, des Espagnols. Par ailleurs, quand l’Emir allait affronter l’ennemi français, il ne s’empêchait pas de faire appel aux chefs des tribus pour soutenir et intégrer momentanément le temps de la bataille son armée régulière. Dès la fin des affrontements armés contre les armées françaises, les alliés de l’armée de l’Emir retourneront à leurs fiefs respectifs. 

Au mois de juin 1840, soit 05 années après l’arrivée de l’Emir Abdelkader, le maréchal Sylvain Charles Valée (1773-1846), à la tête de l’armée coloniale française, après avoir décimé violemment et brûlé les poches de résistance des algériens, investit brutalement la ville de Miliana. 

L’Emir Abdelkader et ses éléments avaient pris le temps de procéder au sabotage des équipements de la manufacture d’armes avant de l’abandonner. L’armée coloniale française arrive à la manufacture, sans arriver à remettre les machines opérationnelles. 

Les français n’ont pas trouvé mieux que de transformer la manufacture à armes en une boulangerie, pour produire uniquement du pain. Le grand moulin et les fours constituaient des moyens moudre les céréales et produire du pain. 
 

La canicule de ce samedi est étouffante. Elle empêchait les visiteurs, ébahis par les explications fournies par les Milianais sur cette manufacture des armes historiques à prolonger leur temps de visite, en dépit de la sympathie et la disponibilité du guide local et des deux amis milianais présents. 

Toutefois, Miliana est une cité fondée au Xe siècle par le Prince zirid Bologhine Ibn Ziri, sur les ruines d’une ancienne ville romaine qui portait le nom de Zucchabar. Une ville au passé très riche qui avait fait face aux 03 époques, en l’occurrence, antique, arabo-musulmane et coloniale. Napoléon III s’est rendu à Miliana en 1865. Malgré toute la richesse de son histoire, le dévouement et le sacrifice de ses enfants pour la libération et l’Indépendance de leur Patrie, l’Algérie, Miliana, une ville en ce jour est en «décomposition». 

Six décennies après l’Indépendance, Miliana nous accueille avec un triste visage. Le président Bouteflika avait eu l’idée de faire un détour dans cette ville millénaire. Il a visité les décombres de la manufacture des armes de l’Emir Abdelkader. Sa décision avait permis de remettre sur pied ce monument historique et préserver la mémoire du peuple. 

A présent, les authentiques milianais s’interrogent sur le laisser-aller qui ne cesse de ronger la ville et effacer ce qui reste. Il existe à ce jour des espaces à réhabiliter. D’abord, la maison d’Ali la Pointe.


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