Un hélicoptère de l’armée mexicaine survole les vertes collines de l’état de Guerrero (sud-ouest) et repère des plantations illégales de feuilles de coca. Une découverte qui aurait été singulière il y a quelques années mais révèle aujourd’hui l’adaptation des cartels dans le juteux business du trafic de drogue.
«En un mois et demi, on a localisé 27 plantations», indique à l’AFP le colonel de cavalerie, Carlos Javier Pérez, qui dirige l’unité chargée de détruire la coca dans la région. C’est la preuve que «le crime organisé essaie de diversifier ses activités», estime-t-il. «Ces plantations de coca c’est une expérimentation», selon ce colonel dont les membres de son unité arrachent à la main les arbustes avant de les brûler. Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a reconnu pour la première fois en 2021 que des groupes criminels expérimentaient la culture de la coca et que son gouvernement enquêtait. Dans ce sud-ouest du Mexique, clé du trafic de drogue en raison de sa vocation agricole et de son accès aux ports du Pacifique comme Acapulco, les modestes paysans du Guerrero s’en sont toujours remis à la culture de la marijuana et du pavot. Mais l’émergence du fentanyl, drogue synthétique 50 fois plus puissante que l’héroïne et introduite en masse sur le marché nord-américain par les cartels et autres gangs mexicains faisant des dizaines de milliers de morts, a entraîné une chute du prix de la gomme d’opium, fabriquée à partir du pavot, la matière première de l’héroïne. Cette tendance baissière s’est dessinée «il y a une dizaine d’années», explique à l’AFP Libertad Argüello, spécialiste au Colegio de Mexico, et «ce n’est pas une coïncidence si la culture de la coca se développe» au Mexique. Les plantations de coca sont historiquement concentrées dans le triangle d’Amérique du sud Colombie-Pérou-Bolivie. La Colombie étant le plus gros producteur mondial, fournissant les deux tiers des 2000 tonnes de cocaïne produites en 2021, selon les experts. Le trafic de cocaïne est extrêmement rentable, un kilo revient à 1000 dollars sur les lieux de production et peut être revendu 40 000 dollars en Europe.
Alors que les cartels mexicains contrôlent déjà la quasi-totalité de la chaîne du trafic de la cocaïne en Amérique du Sud, de nouvelles plantations de coca sont enregistrées également en Amérique centrale, au Honduras et au Guatemala, autrefois seulement des points de transit vers les États-Unis.
En Amérique centrale aussi
Selon les autorités honduriennes, les plantations sont financées par les cartels mexicains depuis 2017, tandis que 1,7 million de plants ont été détruits au Guatemala en 2021. Le champ découvert par l’armée dans les environs d’Atoyac de Alvarez fait un hectare et dispose d’un petit système d’irrigation. A proximité, trône un laboratoire où était confectionnée la pâte de cocaïne en mélangeant les feuilles de coca hachées avec de la chaux, du ciment, de l’essence et du sulfate d’ammonium. La cocaïne en poudre est, elle, produite dans d’autres installations clandestines. Des vêtements et affaires personnelles appartenant aux trafiquants ont également été abandonnés dans la précipitation de la fuite, explique le colonel qui avec ses hommes a dû parcourir 25 minutes en véhicule tout-terrain puis cheminer une demi-heure à travers une dense végétation, a constaté l’AFP.
Pour Insight Crime, le Mexique et ses 36 hectares éradiqués en quatre ans par l’armée est loin de faire de l’ombre à la Colombie et ses 204 000 hectares de champs de coca recensés en 2021 par l’ONU. Les spécialistes de l’ONG pour le journalisme d’investigation sur le crime organisé en Amérique latine et dans les Caraïbes estiment que ces expérimentations au Mexique sont peut-être des tentatives d’adaptation de la plante, produites à des latitudes beaucoup plus basses en Colombie et au Pérou.
Mais «bien que les niveaux des cultures de coca restent faibles, l’augmentation progressive des surfaces constatées à Guerrero et son historique des cultures illicites pourraient être des sources de problèmes dans cet Etat» qui borde le Pacifique nord, prévient la fondation dans un rapport. En plus de la pauvreté dans laquelle vivent 66% des 3,5 millions d’habitants, le Guerrero souffre de la violence liée au narcotrafic : en 2022, 1360 homicides ont été enregistrés.