Accusations de malversations à l’adresse de Abdelhamid Dbeyba, Mustapha Sanaallah et Seddik Kebir, suite au transfert de six milliards de dollars des comptes de l’Entreprise nationale du pétrole (ENPL) à ceux de la Banque centrale libyenne (BCL).
Le gouvernement Dbeyba aura les moyens pour financer sa politique. Néanmoins, ce transfert serait à l’origine du blocage de presque la moitié de la production et des exportations pétrolières de Libye ; la production quotidienne est descendue de 550 000 barils ces derniers jours et risque de chuter davantage.
Suspicieux
La tension est montée d’un cran en Libye suite à l’aval, exprimé le 13 avril par l’Entreprise nationale du pétrole, pour transférer six milliards de dollars sur les comptes de la Banque centrale. «Ces facilités financières accordées au gouvernement Dbeyba vont lui permettre de résister ; la mainmise sur l’argent du pétrole, c’est la clé du pouvoir en Libye», selon Tim Eaton, l’expert MENA du think thank britannique Chatham House.
Le spécialiste Libye de l’Institut Clingendael, Jalel Harchaoui, partage cet avis et rappelle que «la guerre en Libye a connu, à plusieurs reprises, l’arrêt de la production et de l’exportation du pétrole, pour des raisons purement politiques ; la dernière a duré près de huit mois, en 2020». Harchaoui souligne que «le cessez-le-feu, signé en 2020, stipule une nouvelle distribution de l’argent du pétrole. Mais, comme les choses n’ont pas vraiment changé pour l’Est et le Sud, le blocage reprend et il risque de s’étendre».
Le président de l’ENPL, Mustapha Sanaallah, regrette ce blocage qui «prive la Libye de ressources importantes en ces temps de flambée des cours». Le cours du pétrole a dépassé les 100 dollars le baril depuis le début de la guerre d’Ukraine, alors qu’il naviguait autour de 65 dollars auparavant. Sanaallah sait pertinemment que le camp de l’Est libyen et son leader Khalifa Haftar collaborent étroitement avec la Russie, comme l’indique la présence massive du groupe armé Wagner. Il faut donc s’attendre à une extension de ces opérations de fermeture si le gouvernement Dbeyba ne décide pas de se retirer. «Ce ne sont sûrement pas les décisions de Dbeyba d’ouvrir une enquête concernant les responsables du blocage qui vont rétablir la production pétrolière», selon le politologue libyen Ezzeddine Aguil.
Deux pouvoirs
Le marché pétrolier risque d’être plus tendu durant les prochaines semaines, avec la diminution du pétrole libyen, doublée par les inquiétudes en rapport avec la circulation du pétrole russe. La situation politique se complique davantage en Libye après la tenue, avant-hier à Sebha, de la première réunion du gouvernement de Fathi Bach Agha. Ainsi, après l’ère des gouvernements de l’Est et de l’Ouest, s’ouvre celle du gouvernement de Tripoli, de Abdelhamid Dbeyba, contre le gouvernement de Fathi Bach Agha, reconnu à l’Est, jusqu’à Syrte, au Sud, jusqu’aux frontières algériennes, et même dans plusieurs régions de l’Ouest.
Bach Agha a déclaré, dans un point de presse suite à cette réunion, «avoir consenti plusieurs sacrifices pour éviter la guerre». Il a promis de «passer à l’action, notamment les questions du développement du Sud, dès le 1er jour de son installation effective au pouvoir». Par ailleurs, un dossier de malversation a surgi ces derniers jours sur la scène en Libye, concernant le secteur d’entretien des réseaux de communication.
Le fils de Abdelhamid Dbeyba aurait constitué une nouvelle société dans ce domaine, alors que le chef du gouvernement parle d’ouvrir le secteur à la concurrence, «histoire d’accorder des faveurs à son fils», selon Faïçal Karkab, l’ancien patron des communication, démis récemment par Dbeyba. «Il m’a démis parce que j’ai refusé d’accorder ce marché à son fils», insiste Karkab. Dbeyba réfute ces accusations et demande d’ouvrir une enquête. Il s’agit d’un marché de 65 millions de dollars, selon Karkab. La Libye continue à vivre son cauchemar.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami