Lutte contre la vente et la consommation de psychotropes : Un combat de tous les jours

12/01/2023 mis à jour: 22:21
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Un groupe criminel organisé, composé de trois présumés narcotrafiquants, a été démantelé et 8025 comprimés psychotropes et une quantité de 20 grammes de kif traité ont été saisis par la Brigade de recherche et d’investigation (BRI) relevant de la Sûreté de wilaya de Béchar, a rapporté hier la cellule de communication et des relations publiques de ce corps constitué. L’opération a été réalisée suite à l’exploitation d’informations faisant état d’activités criminelles menées par un individu dans son lieu de résidence. Les trois mis en cause ont été présentés devant la justice qui a ordonné leur mise en détention provisoire pour «détention de substances psychotropes, transport, stockage et vente par une bande criminelle organisée». Ils sont également poursuivis pour «contrebande utilisant un moyen de transport, violation des dispositions relatives au contrôle administratif, technique et sécuritaire de l’usage de substances et drogues à propriétés stupéfiantes ou psychotropes», a conclu la même source sécuritaire. Alors que les services de sécurité annoncent régulièrement des arrestations et la saisie de quantités importantes de drogues mais aussi de psychotropes, force est de constater que la consommation de ces derniers a atteint des niveaux records ces dernières années. A cet effet, le commissaire de police Zineddine Araoune, du service central de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, explique : «Ce constat, étayé par des chiffres, révèle une amplification inquiétante en matière de trafic et d’usage illicites de substances psychotropes ces dernières années.» En effet, les chiffres du service central de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants font état de 15 millions 866 000 852 comprimés, de différents types, saisis. Si la consommation de médicaments ayant des propriétés psychotropes est un fait récemment constaté, il semble toutefois prendre de l’essor ces dernières années, notamment à partir de 2017. «A partir de 2017, une augmentation alarmante a continué de marquer les années qui ont suivi, en matière de saisies de substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes et assimilés à risque avéré d’abus, de pharmacodépendance et d’usage détourné», confie Zineddine Araoune. Selon lui, la tendance évolutive des saisies opérées des substances psychotropes est due à divers facteurs, notamment «le faible coût de la substance commercialisée illicitement et l’émergence des filières de trafic de psychotropes à la faveur de la multiplication des flux migratoires générées par les situations de crise que connaissent certains pays de la région».

ARSENAL JURIDIQUE

Zineddine Araoune précise que le trafic illicite provient le plus souvent de la région ouest. Si le phénomène n’est pas nouveau, l’implication de femmes dans les affaires de trafic, de commercialisation et de consommation illicites de substances psychotropes l’est. «Le constat fait ressortir une tendance à la hausse ces dernières années passant de 216 femmes impliquées, dont 31 mineurs, en 2020 à 672, dont 17 mineurs, en 2022. Et c’est aux spécialistes en sociologie et en psychologie de mettre la lumière sur les raisons de cette hausse.» Néanmoins, Zineddine Araoune affirme que «la curiosité, le désir de la découverte, l’incitation, la recherche d’euphorie et la fuite des problèmes sociaux peuvent en être derrière». En matière de lutte contre ce fléau, Zineddine Araoune avoue que le vide juridique autour de la question des psychotropes a enfin été comblée. En effet, le décret exécutif du 31 décembre 2019, fixant les modalités de contrôle administratif, technique et de sécurité des substances et d’abus, de pharmacodépendance et d’usage détourné a été publié au 36e Journal officiel du 16 mai 2021. Celui-ci vise à renforcer l’outil juridique algérien et réorganiser le secteur pharmaceutique mais tend également à protéger les personnes et les praticiens de la santé contre l’utilisation illégale de ces substances, et ce, à travers un contrôle rigoureux, sans impacter leur disponibilité pour les patients qui souffrent de maladies chroniques. Ainsi, en application des dispositions dudit décret, un arrêté interministériel fixant la liste des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes et assimilés à risque avéré d’abus a été établi et publié dans le Journal officiel du 11 août 2021. L’article 3 précise que la liste de ces médicaments sera complétée et/ ou modifiée à chaque fois que nécessaire. Quelques jours après, soit le 16 août, la commission nationale des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes a été installée au niveau du ministère de l’Industrie pharmaceutique. «Cette commission est chargée d’évaluer les rapports relatifs au contrôle, en matière d’importation et d’exportation de ces substances et médicaments, les rapports des opérations d’inspection des établissements pharmaceutiques ainsi que les écarts constatés lors des inventaires des stocks. Elle doit également proposer des mesures de contrôle et de gestion et enfin de mettre à jour, en concertation, la liste des médicaments», explique Zineddine Araoune. Ce dernier estime d’ailleurs qu’il s’agit «d’un pas de géant franchi par l’Algérie dans son processus de prévention et de lutte contre le trafic illicite et l’usage abusif des psychotropes. Et nul ne peut nier l’effort fourni par l’institution de la Sûreté nationale dans ce volet». De cet fait, Zineddine Araoune affirme que la DGSN, via son plan d’action visant à consolider la stratégie nationale en matière de prévention et de répression de l’usage de stupéfiants et de substances psychotropes, a non seulement crée des services centraux de lutte contre le trafic illicite mais aussi «a signé un accord de coopération avec le commandement de la Gendarmerie Nationale sur la coordination et le travail conjoint, en matière de lutte contre la criminalité», affirme Zineddine Araoune. La DGSN veille également, selon, Zineddine Araoune, a multiplié les échanges avec les organismes nationaux à l’exemple de la SNAPO et le CNOP, tendant à la promotion de toutes les pratiques et les actions pouvant concourir à la préservation de la santé publique et la lutte contre toutes formes d’exercice illégal. «Il y a également l’élaboration et la mise en œuvre d’un large programme de formation spécialisée au profit des services opérationnels de la Sureté nationale sur la détection préliminaire et l’identification des drogues qu’elles soient substances saisies ou contenues dans les liquides biologiques. En plus de la mise en œuvre de programmes de formation initiale et continue, au profit des enquêteurs de police judiciaire en matière de démantèlement des réseaux criminels et les enquêtes patrimoniales visant les avoirs criminels», poursuit Zineddine Araoune, qui ajoute que les campagnes de sensibilisation sont tout aussi importantes et que la sensibilisation est le rôle de tous : «La famille est le noyau de la société. La sensibilisation commence à la maison et s’étend en dehors. Toute la société doit se sentir concernée par ce fléau et chacun doit sensibiliser à son échelle.» A noter qu’un avant-projet de loi modifiant et complétant la loi n° 04-18 du 25 décembre 2004 et visant à consolider la stratégie nationale en matière de prévention et de répression de l’usage de stupéfiants et de substances psychotropes et à durcir davantage les sanctions pénales applicables aux auteurs des infractions liées au trafic de ces substances a été examiné la semaine dernière, et ce, lors de la réunion du gouvernement, présidée par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane. «Ce projet de texte a pour objectif de consolider la stratégie nationale en la matière, de renforcer les mesures curatives ainsi que la protection et la prise en charge des victimes, notamment en instaurant une protection particulière des pharmaciens et durcir davantage les sanctions pénales applicables aux auteurs des infractions liées au trafic de stupéfiants et de substances psychotropes.»

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