L’examen qui cache l’école

20/07/2023 mis à jour: 03:54
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Toute réussite ou échec se définit en fonction des objectifs tracés, et l’évaluation des résultats du bac ne devrait pas échapper à la règle. 50,63% comme taux d’admission national, en recul de plusieurs points sur les pourcentages des années précédentes, est-ce le signe d’une régression des rendus scolaires ou celui d’un retour à la rigueur de l’évaluation pédagogique et la réhabilitation de la crédibilité du plus populaire et symbolique des examens nationaux ?

 Les scènes de liesse bruyantes, vécues un peu partout, montrent combien le moment est intégré socialement comme critère d’évolution pour les adultes de demain, et soulignent en creux le silence assommé des milliers de candidats qui n’ont pas arraché le droit à la fête, et qui sont invités brutalement pour la plupart à s’engager dans une incertaine «vie active».

Le ministre de l’Education nationale s’est félicité des bonnes conditions du déroulement de l’épreuve à travers le territoire, notant, non sans fierté, que l’édition 2023 a connu un «recul sans précédent» des cas de fraude. La hantise permanente des perturbations et troubles liés aux tentatives de triche, par le truchement notamment des fuites «électroniques» de sujets, a été jugulée par la mise en place d’un véritable arsenal de dissuasion et de répression, dont la très controversée coupure d’internet durant les épreuves et les sévères sanctions juridiques infligées aux fraudeurs.

Sur le plan strictement technique, et selon la logique de la tutelle, le bac 2023 est une sacrée réussite, et ses taux d’admission «bons et satisfaisants», expliquant la baisse par le retour à l’exigence de l’obtention de la moyenne complète de 10/20, après les rachats consentis pour amortir les effets des scolarités chaotiques sous la Covid-19.
Mais les pédagogues et les acteurs du terrain regardent aussi ailleurs. Vers ce 49,37% d’échec parmi les plus de 790 000 candidats appelés à passer l’épreuve, les plus de 27 000 candidats libres compris. 

Il est évident que l’impasse ne peut pas être faite sur le recul des taux de réussite, puisque il faut remonter jusqu’à l’été 2016 (49,79% de succès) pour retrouver des scores comparables à ceux de cette année. Comparaison d’autant plus défavorable, que le bac 2016 a été entaché de perturbations massives, qui ont nécessité l’organisation d’une deuxième session censée rattraper les dommages de la fraude généralisée. 

Mais là aussi, les grilles d’analyse pèchent malheureusement par une lecture stricte des résultats chiffrés et suggérant que la réussite ne se mesure que par la proportion des lycéens admis à postuler pour l’université. 

C’est tout le système de l’éducation nationale qui donne l’air ainsi de rester prisonnier des paramètres arithmétiques, livrés uniquement à l’occasion des examens nationaux. Le bac couronne un cursus de trois années au lycée, qui n’est concrètement évalué et livré à l’analyse, expéditive d’ailleurs, que lors de ce seuil fatidique de «terminale». Les années intermédiaires, de même que l’ensemble du parcours scolaire en dehors des trois examens nationaux, demeurent une zone d’ombre qui bénéficie peu de l’intérêt de l’opinion et du débat d’experts et de décideurs. 

Même ce parfait serpent de mer qu’est «la réforme du bac», telle qu'évoquée par certains intervenants institutionnels et non institutionnels dans le secteur, n’envisage visiblement que des réductions des jours d’examens et l'allégement de la liste des matières soumises aux épreuves. Des correctifs techniques en somme qui n’interrogent pas la structure de la formation scolaire et ses articulations sur la durée, le contenu de l’enseignement et surtout ses objectifs. Un vrai débat et des décisions sur l’école et pas seulement sur les examens. 

Aussi, le verre restera à moitié vide et à moitié plein concernant l’évaluation des résultats du bac, tant qu’on ne sait pas trop la vocation qu’on lui donne. 

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