Les spécialistes parlent d’une «Bombe à retardement» : La santé mentale des Canadiens, grand sujet d’inquiétude

01/06/2023 mis à jour: 21:56
AFP
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Le sous-investissement dans la santé mentale au Canada a eu des conséquences dramatiques

C’est une bombe à retardement» menaçant les plus jeunes: le sous-investissement chronique depuis des années dans la santé mentale au Canada a des conséquences dramatiques dans la période post-pandémique actuelle, s’alarment les experts.

 Explosion des consultations dans les hôpitaux, du taux de suicide, des addictions... dans les services d’urgence, notamment des grandes villes, le constat est sans appel. «Le nombre de jeunes souffrant de problèmes de santé mentale et de toxicomanie au Canada augmente de façon exponentielle», explique le Dr Bjug Borgundvaag, de l’hôpital Mont Sinaï de Toronto. 

«Nous essayons de faire de notre mieux, mais notre offre est très limitée», concède ce médecin urgentiste. A Toronto, cela atteint un tel niveau que l’ancien maire John Tory a demandé un «sommet national sur la santé mentale», parlant d’une «épidémie». 

Dans les rues ou le métro de la plus grande ville canadienne, mégalopole ultra-moderne, vitrine économique et culturelle du pays, ils sont nombreux à errer les yeux dans le vide, hurlant des propos incompréhensibles. Et les pages des journaux se remplissent de faits divers directement liés aux problèmes de santé mentale et d’addiction. Un phénomène qui touche également les grandes villes du voisin américain, mais était jusqu’ici moins prononcé côté canadien. 
 

Terrible  erreur  

«Historiquement, nous avons sous-financé la santé mentale. Au Canada, pour chaque dollar que nous dépensons pour les soins de santé, nous dépensons sept ou huit cents pour la santé mentale», soit beaucoup moins que dans la plupart des autres pays développés, explique David Gratzer, du centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto (CAMH). «Nous avons commis une terrible erreur dans les années 60 et 70 en fermant tant de lits d’hôpitaux pour les personnes souffrant de maladies mentales», ajoute le psychiatre. «Dans la province de l’Ontario, la plus peuplée du Canada, plus d’un jeune sur deux dit souffrir d’un trouble mental et la demande de services psychologiques a augmenté de 50%.» 

De nombreuses personnes ont des besoins importants et ne reçoivent pas les soins qu’elles devraient», glisse-t-il, ajoutant qu’en plus «les substances utilisées dans les rues ont changé, en particulier la méthamphétamine». 
Alors, face aux carences des services publics, les organisations caritatives prennent le relais mais restent elles aussi incapables de faire face à l’afflux de personnes en détresse. 

«C’est une bombe à retardement», s’inquiète Jacques Charland, de la ligne québécoise Ecoute Entraide. «Il va falloir que l’on s’occupe véritablement de la souffrance et que l’on cesse d’attendre que la personne aboutisse à l’hôpital». «Et il va falloir de l’argent pour faire davantage de prévention», ajoute l’homme, qui a repris du service récemment pour aider devant l’ampleur des besoins.«Nous vivons une vraie crise parce qu’elle concerne tous les aspects de la population et pour les jeunes adultes les chiffres sont encore plus alarmants», se désole Nzinga Walker, directrice exécutive de Stella’s place. 
 

Listes d’attente 

A quelques rues du quartier chinois de Toronto, l’organisme accueille gratuitement et sans rendez-vous les jeunes de 16 à 29 ans en détresse psychique. «Il n’y a pas de services disponibles. Partout vous êtes sur une liste d’attente et lorsqu’une personne traverse une crise, la dernière chose que l’on souhaite, c’est qu’elle soit inscrite sur une liste d’attente», ajoute-t-elle, décrivant des jeunes et des familles en grande souffrance. -Dans cet organisme, mis en place en 2013 et récemment relocalisé dans une ancienne usine de bonbons, les jeunes peuvent se voir proposer des séances de conseil, des programmes de groupe, l’accès à un psychiatre... Kat Romero, cheveux longs parsemés de mèches bleues, confesse que «cela a littéralement changé sa vie» après des mois sans trouver d’aide. 

«J’étais perdue et on m’a enseigné différents types de mécanismes d’adaptation pour m’aider à faire face aux situations de crise et à maintenir mon bien-être psychique au jour le jour», raconte la jeune femme. 

Aujourd’hui, elle aide le centre à mettre sur pied les programmes. Et l’organisme s’emploie aussi à former des jeunes pour avoir des relais dans les populations issues de minorités ethniques. «Je connais beaucoup de gens qui traversent des choses difficiles, donc le programme m’aide à mieux les comprendre. 

Et je peux retourner dans ma communauté pour aider les gens en situation de crise», raconte Chantelle Cruzat-Whervin. «Pour nous, les personnes de couleur, il est encore plus difficile d’accéder à ces ressources», glisse-t-elle en espérant que cela finisse par changer car «la question de la santé mentale devient enfin un vrai sujet». 
 

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