Le bilan de l’attaque de vendredi de l’hôtel Hayat de Mogadiscio par des islamistes shebab, qui a duré 30 heures, s’est alourdi à 21 civils tués, a annoncé hier le ministre somalien de la Santé, Ali Haji Adan, cité par l’AFP. «Le ministère de la Santé a confirmé à ce stade (le bilan de) 21 morts et 117 blessés» dans l’attaque de l’hôtel Hayat dans la capitale somalienne, qui a débuté vendredi soir, a-t-il déclaré.
Les forces de sécurité ont mis fin à l’attaque dans la nuit de samedi à dimanche, annonçant la mort de tous les assaillants. Cette attaque, revendiquée par les shebab, est la plus grave à Mogadiscio depuis l’entrée en fonction du nouveau président Hassan Sheikh Mohamud en juin, après des mois d’instabilité politique. L’hôtel, où se trouvaient nombre de personnes au moment de l’attaque, est un lieu de rencontre prisé des responsables gouvernementaux.
Mercredi, l’armée américaine a annoncé avoir tué dans une frappe aérienne 13 miliciens shebab qui s’attaquaient à des soldats des forces régulières somaliennes dans une zone reculée de ce pays de la Corne de l’Afrique. En mai, le président américain, Joe Biden, a décidé de rétablir une présence militaire en Somalie pour y combattre les shebab, approuvant une demande du Pentagone qui juge trop risqué et peu efficace le système de rotations décidé par son prédécesseur, Donald Trump, à la fin de son mandat. Le nouveau président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, a estimé le mois dernier qu’une approche militaire est insuffisante pour mettre un terme à l’insurrection des shebab.
Après la chute du dictateur Syad Barre en janvier 1991, la Somalie a connu un vide politique qui l’a précipitée dans l’instabilité. Une situation qui a exposé le pays à la dislocation et en fait entre-temps un des terreaux de l’islamisme. Le Somaliland a proclamé son indépendance en 1991. En 1992, à l’initiative des Etats-Unis, est lancée à Mogadiscio l’opération militaire «Restore hope» mais qui se solde par un échec.
D’où le retrait en 1995 des troupes engagées par Washington et des contingents de l’Opération des Nations unies en Somalie (Onusom). En 1998, le Puntland, dans le nord-est du pays, déclare son autonomie de Mogadiscio. Suit le Jubaland, zone frontalière du Kenya et de l’Ethiopie. Mis sur pied en 2004, le Gouvernement fédéral transitoire (GFT) n’arrive pas à rétablir la stabilité dans le Sud et, de surcroît, il est confronté à l’insurrection des islamistes des shebab.
Hostilité implacable
Entre 2004 et 2006, ce groupe se rapproche de l’Union des tribunaux islamiques (UTI). Après l’intervention éthiopienne contre l’UTI, en décembre 2006, les shebab deviennent un véritable groupe à l’idéologie et organisation propres, et le groupe insurrectionnel dominant du pays. Son objectif est alors d’amener les troupes étrangères à se retirer de la Somalie, de renverser le GFT, d’imposer un régime islamiste régi par la charia et créer un émirat. Chassés de Mogadiscio en 2011, ils ont perdu l’essentiel de leurs bastions mais pas leurs capacités de nuisance. Pour schématiser, en octobre 2011, un attentat-suicide au camion piégé visant un complexe ministériel fait au moins 82 morts. C’est le premier attentat revendiqué par les shebab depuis leur retrait de Mogadiscio. Dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013, une opération menée par un commando français au sud de la Somalie contre une cellule des shebab retenant en otage un agent français de la DGSE s’est achevée par un échec.
En avril, une attaque-suicide des shebab contre le principal tribunal de la capitale et un attentat à la voiture piégée font au moins 34 morts civils. En septembre, un attentat meurtrier frappe un centre commercial de Nairobi. Il est revendiqué par les shebab en représailles de l’intervention des forces kenyanes en octobre 2011 en Somalie. En février 2015, un double attentat-suicide contre le Central Hotel, revendiqué par ce groupe, fait au moins 25 morts. En novembre 2016, une trentaine de personnes sont tuées dans l’explosion d’une voiture piégée près d’un marché. L’attentat n’est pas revendiqué, mais les soupçons se portent sur les shebab.
L’attentat le plus meurtrier de l’histoire de la Somalie s’est produit en octobre 2017, où 512 personnes ont péri lors de l’explosion d’un camion piégé à Mogadiscio. Les shebab ont revendiqué aussi deux attentats à la voiture piégée visant le palais présidentiel et un hôtel de la capitale, menés en février 2018, qui ont causé la mort d’au moins 38 personnes. Fin septembre 2019, ils ont lancé un assaut contre une base de l’armée américaine de Baledogle, située à environ 100 km au nord-ouest de Mogadiscio, et attaqué un convoi militaire européen dans la capitale. La base abrite des conseillers américains formant les commandos de l’Armée nationale somalienne (SNA) et une piste de décollage pour des drones militaires.
En novembre de la même année, 41 personnes sont tuées dans l’explosion de deux voitures piégées placées par les shebab et d’un kamikaze près de l’hôtel Sahafi, établissement fréquenté par des responsables politiques. Toutes ces opérations sont menées malgré la présence militaire occidentale et 20 000 hommes de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom).
Les shebab ont revendiqué plusieurs attaques dans les pays voisins. La première opération du groupe hors du pays est menée en juillet 2010 en Ouganda, un des contributeurs à la force de l’Union africaine (UA) : des attentats-suicides dans deux restaurants de la capitale Kampala ont fait 76 morts.
En mai 2014, il a revendiqué une attaque contre un restaurant à Djibouti rempli d’Occidentaux, affirmant que l’attaque est une mesure de représailles pour l’accueil par ce pays de la plus grande base militaire américaine en Afrique. Au Kenya, l’attaque du centre commercial Westgate à Nairobi a fait 67 morts en septembre 2013.
En juin et juillet 2014, une centaine de personnes sont tuées dans la région de Lamu, sur la côte kenyane de l’océan Indien. En avril 2015, un assaut sur l’université de Garissa (est) a fait 148 morts, dont 142 étudiants.
En juillet dernier, des shebab ont une base militaire à la frontière avec l’Ethiopie. En mars dernier, le Conseil de sécurité de l’Onu a approuvé la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’UA de reconfigurer l’Amisom, qui devient la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis).