L’énigme de TOI-5205b, la «planète interdite» qui ne devrait pas exister

02/03/2023 mis à jour: 18:21
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On appelle cela la sérendipité: les grandes découvertes scientifiques doivent souvent beaucoup à la chance et au hasard. Ou à un bien ennuyeux passage nuageux, en l’occurrence et comme l’explique à Motherboard Shubham Kanodia, astronome responsable avec ses camarades d’une bien fascinante trouvaille.

Car sans quelques cumulonimbus mal (ou bienb ?) tombés, peut-être jamais le regard des chercheurs –ou plus exactement celui du Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS), le satellite de la NASA lancé en 2008 par une fusée SpaceX dont il se sont servis– ne se serait porté vers TOI-5205b. Et TOI-5205b, dont les propriétés ont été décrites dans un article publié par The Astronomical Journal, est une véritable curiosité céleste. Placée en orbite et à proximité d’une «naine rouge» (ou «étoile de type M»), une étoile moins lumineuse, moins chaude mais beaucoup plus durable que notre Soleil, elle une planète massive et dite «interdite», car sa formation semble impossible –du moins exceptionnellement difficile– selon les lois habituelles du genre. Par massive, nous entendons massive, relativement à son étoile. Découverte par la méthode des transits, située à 280 années-lumière (et des poussières) de la Terre, TOI-5205b est une géante gazeuse unique et spectaculaire, approximativement de la taille de Jupiter, dont la masse représente 40% de celle de l’astre autour duquel elle tourne. C’est, précisément, ce qui rend sa formation si énigmatique. «Notre groupe se spécialise dans l’étude des naines rouges et des planètes qui leur tournent autour, et nous avons créé des instruments en pointe pour réaliser ces mesures», a confié Shubham Kanodia à Motherboard. «Nous sommes particulièrement attentifs à ces planètes géantes en orbite autour de ces étoiles à la masse basse, parce que leur découverte est une nouveauté relativement récente. Jusqu’à il y a peu, nous ne pensions pas qu’elles pouvaient se former.» Car pour se former, les planètes ont besoin des gaz et des poussières qui se promènent dans un système jeune, mais aussi de la masse importante de leur étoile pas beaucoup plus vieille. C’est cette dernière, et la gravité qu’elle crée, qui provoque l’agglomération de ce bazar stellaire en une boule plus ou moins parfaite.

Dans le cas de la petite TOI-5205b, la force semble insuffisante pour former une si grosse planète. Cette dernière pourtant s’est formée, et les scientifiques peinent encore à l’expliquer. «Il n’y a simplement pas assez de matériaux dans les disques primordiaux pour que de telles naines rouges forment ces planètes (du moins c’est ce que nous pensions jusqu’à maintenant)», précise Kanodia.

Mais la connaissance est une matière en mouvement, et l’astronome espère que les propriétés si particulières de cette «planète qui n’aurait jamais dû exister» aideront justement à comprendre pourquoi, finalement, elle a pu exister.

TOI-5205b est si grosse qu’elle bloque 7% de la lumière de son étoile: c’est inhabituel, et cela pourrait permettre à un instrument comme le télescope James-Webb d’étudier plus aisément les propriétés de son atmosphère, et de mieux comprendre l’histoire de son impossible formation.

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