Le sixième round devait se tenir hier à Mascate : Les frappes israéliennes sabotent les négociations Iran-USA

16/06/2025 mis à jour: 10:27
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L’attaque contre la raffinerie de South Pars, dans le sud du pays, laisse craindre une extension de la guerre à l’ensemble du golfe Persique

Alors que, depuis plusieurs semaines, les préparatifs allaient bon train à Mascate en prévision d’une relance des négociations, il apparaît maintenant évident que le sixième round des pourparlers entre l’Iran et les Etats-Unis sur le programme nucléaire de Téhéran n’aura pas lieu. La diplomatie, une fois de plus, a cédé le pas aux armes.

Le calendrier choisi par l’armée d’occupation israélienne pour mener son agression contre plusieurs sites stratégiques iraniens, parmi lesquels des installations liées au programme nucléaire, n’est pas fortuit. Téhéran a immédiatement dénoncé «une tentative manifeste de saboter les négociations». Dès samedi, Oman, médiateur discret mais constant entre Washington et la République islamique, annonçait l’annulation des discussions prévues le lendemain. 

Le ministre des Affaires étrangères d’Oman, Badr Al Busaidi, a exprimé sa déception, tout en conservant un mince espoir de reprise des pourparlers «dès que possible». Mais à Téhéran, le ton est bien plus sombre. Abbas Araghchi, chef de la diplomatie iranienne et principal négociateur, a dénoncé hier devant des diplomates étrangers une «agression inacceptable» et accusé les Etats-Unis d’avoir fourni un soutien logistique à l’opération israélienne. 

Des accusations fermement rejetées par Washington, qui affirme avoir été informé à l’avance par Tel-Aviv sans pour autant avoir été impliqué. Abbas Araghchi a affirmé aussi que son pays restait ouvert à un accord nucléaire garantissant qu’il ne cherche pas à se doter d’armes atomiques, tout en refusant de renoncer à ses «droits nucléaires». «Nous sommes prêts à conclure tout accord visant à garantir que l’Iran ne cherche pas à se doter d’armes nucléaires», a souligné M. Araghchi, précisant que Téhéran n’accepterait aucun accord qui «priverait l’Iran de ses droits nucléaires». «Nous nous défendons face à l’agression. Notre défense est tout à fait légitime», a-t-il ajouté.

Depuis plusieurs mois, les positions américaines et iraniennes semblaient déjà irréconciliables. L’administration Trump, qui avait unilatéralement retiré les Etats-Unis de l’accord de Vienne en 2018, exige désormais un abandon complet par l’Iran de toute activité d’enrichissement d’uranium, même à des fins civiles. Une exigence en contradiction flagrante avec le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui reconnaît à chaque pays signataire le droit de développer une industrie nucléaire civile.

«Brillante technique de négociation agressive» !

«En gros, les Etats-Unis veulent que l’Iran n’ait même pas accès à une technologie nucléaire pourtant autorisée par le droit international», analyse Diba Mirzaei, doctorante à l’Institut allemand d’études mondiales et régionales, dans une intervention médiatique. «Aucun autre pays ne partage cette position. Elle n’est ni réaliste ni acceptable pour l’Iran.» En face, Téhéran continue d’affirmer que son programme nucléaire est exclusivement pacifique. Selon plusieurs experts, l’attaque israélienne aurait été longuement préparée et minutieusement programmée pour empêcher tout rapprochement entre Washington et Téhéran. «Ce n’est pas juste une tentative de perturbation. C’est une stratégie de sabotage diplomatique délibérée», estime Diba Mirzaei. «L’attaque visait à rendre toute reprise des discussions impossible, à déstabiliser la partie iranienne en blessant ou tuant certains de ses négociateurs clés.»

 Parmi eux, Ali Shamkhani, figure centrale du cercle rapproché de l’ayatollah Khamenei, aurait été grièvement blessé, voire tué, selon des sources citées par le New York Times. Une disparition qui, si elle est confirmée, compromettrait encore davantage la cohérence et la capacité de négociation du camp iranien.
De l’autre côté de l’Atlantique, Donald Trump n’a pas manqué d’exploiter l’offensive israélienne sur sa plateforme Truth Social. Louant l’attaque comme une «brillante technique de négociation agressive», il mêle menace et condescendance : «Il est encore temps de mettre fin au massacre, car la prochaine attaque sera encore plus brutale. L’Iran doit passer un accord avant qu’il ne reste plus rien.» 

Ce ton martial révèle une constance dans la stratégie trumpienne vis-à-vis de l’Iran : maintenir une pression maximale, quitte à saborder les efforts multilatéraux en cours. Une attitude dénoncée par Téhéran, qui accuse les Etats-Unis non seulement de duplicité, mais aussi de vouloir priver l’Iran de tout développement économique par le biais de l’énergie nucléaire.

L’attaque contre la raffinerie de South Pars, dans le sud du pays, laisse craindre une extension de la guerre à l’ensemble du golfe Persique. Téhéran en a averti la communauté internationale. «Etendre le conflit est une erreur stratégique majeure, probablement délibérée», a déclaré Abbas Araghchi. 

Et pendant que les capitales occidentales peinent à condamner l’agression israélienne, le Conseil de sécurité de l’ONU reste figé, incapable de s’accorder sur une réponse commune. Hier, et à titre illustratif, le chancelier allemand Friedrich Merz a déclaré que l’Iran ne devait «jamais disposer d’armes nucléaires», lors d’un entretien avec le sultan d’Oman, a indiqué le porte-parole du gouvernement à Berlin. Amel Blidi

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