Ce rendez-vous, qui a regroupé, certes, plus de 600 militants-congressistes, a été aussi un lieu pour une rencontre des acteurs politiques et sociaux de la mouvance démocratique avides d’espace de débats libres et ouverts.
En effet, comme c’est une tradition depuis quelques années, ce nouveau congrès du RCD a été aussi marqué par la présence de plusieurs acteurs très actifs sur la scène nationale. Il y a d’abord des chefs de parti, à l’image de Louisa Hanoune (SG du PT), Zoubida Assoul (présidente de l’UCP), Wahid Benhalla (représentant du MDS), Mahmoud Rechedi (PST suspendu), Karim Tabbou (porte-parole de l’UDS non agréée).
Parmi les présents, il y a aussi l’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour, l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi, des défenseurs des droits de l’homme, à l’image de Mustapha Bouchachi, Noureddine Benissad (président de la LADDH), Saïd Salhi (vice-présent de la LADDH), Mme Chitour, Ali Laskri et le président de l’Association RAJ (dissoute), Abdelouahab Fersaoui. Mais pas seulement.
Des universitaires, à l’image des sociologues Nacer Djabi et Zoubir Arous, figuraient aussi parmi les invités de marque de la famille du RCD et de leur président, Mohcine Belabbas, qui a remis, comme il l’a affirmé, son mandat «pour redevenir simple militant», après deux exercices à la tête du RCD .
«Une île de démocratie»
Dans leurs interventions, ces acteurs ont tous fait le constat de «la fermeture du champ politique» dans le pays, en rappelant le rôle du RCD qui a jeté des ponts avec les différents segments de la classe politique nationale. «Nous traversons une situation difficile.
Le multipartisme est en danger et notre présence ici a pour but d’exprimer haut et fort notre attachement au pluralisme et notre opposition à la caporalisation des partis», lance Louisa Hanoune, en affirmant que «le fleuve du hirak va reprendre son cours». «La révolution se poursuit et elle va triompher», assure-t-elle. Karim Tabbou, pour sa part, a rappelé sa déclaration au congrès du RCD en 2018. «J’avais dit à l’époque que le RCD est une île de démocratie. Aujourd’hui, je dirai qu’il est presque le maquis démocratique.
Le choix pour tout un chacun aujourd’hui est le suivant : soit le maquis, soit le palais», déclare-t-il. L’ancien détenu politique affirme, dans la foulée, que le système politique algérien est fondé sur cinq piliers : «faire croire que l’Etat c’est l’armée et l’institution sécuritaire, la légitimité historique, la violence sous diverses formes, la corruption et le régionalisme».
Dans son intervention, Abdelaziz Rahabi souligne le rôle joué par Mohcine Belabbas qui a jeté, selon lui, «des passerelles entre des partis politiques qui n’avaient pas l’habitude de se rencontrer, et cela depuis 2014». «L’effritement des partis, c’est l’effritement de la société. Mohcine Belabbas a ouvert le siège du RCD à d’autres partis. C’est très important, car le rôle d’un parti est de jeter les ponts. La construction de la fraternité se fait à ce prix», indique-t-il.
Avant de prononcer son dernier discours en tant que président du parti, Mohcine Belabbas, accueilli par les applaudissements et les cris de «Djazaïr hourra démocratia (Algérie libre et démocratique)» de la salle, souligne la poursuite des pressions sur le RCD depuis trois ans. «Durant la préparation de ce congrès, des personnes se présentant comme des éléments des services de sécurité ont voulu récupéré la liste des congressistes.
A 10 jours du congrès, le ministère de l’Intérieur nous a demandé de mentionner dans la demande d’autorisation qu’il s’agissait d’un congrès extraordinaire et non pas ordinaire, au prétexte que le mandat n’est pas terminé. Comme si le problème ne réside pas plutôt dans la prolongation du mandat», persifle-t-il, affirmant que le parti, après consultation des avocats, «n’a pas voulu engager une action en justice avec les autorités».
Faisant un rappel de l’action du RCD sous son règne, Mohcine Belabbas salue le mouvement populaire du 22 février 2022 qui «a ébranlé les fondements du pouvoir».
«Alors que certains, à la faveur de l’immonde répression qui s’abat sur notre jeunesse, ont vite fait de décréter la mort du hirak, cet élan vers la démocratisation du pays – et vous en êtes les témoins – est toujours présent et continue à se dérouler au sein du peuple algérien.
Même empêché d’expression publique, il continue à exercer une forte pression sur ce pouvoir. S’il n’a pas encore abouti au changement de régime, le hirak a fragilisé profondément et durablement les fondements du pouvoir et l’a plongé dans une crise continue», précise-t-il.
Et d’ajouter : «Oui, pendant dix années, nous avons cru, et depuis l’avènement du hirak, nous croyons plus que jamais à la transition constituante comme condition nécessaire pour sortir de la crise permanente et multidimensionnelle que vit notre nation.» Il appelle ainsi à «réinventer l’Algérie» pour en finir avec cette «crise multidimensionnelle que nous subissons continuellement et qui est consubstantielle à la nature du régime régnant». «C’est une crise constitutionnelle, politique, économique, financière, sociale, culturelle et de gouvernance.
Le déficit démocratique et l’absence de toute alternance au pouvoir, malgré la fin de l’ère du parti unique depuis 1988, ont installé le pays dans une impasse durable. Oui, il faudra bel et bien réinventer l’Algérie pour sortir de cette crise et installer le pays sur le chemin de la stabilité, de la paix et du développement durable», plaide-t-il, rappelant au passager «l’état de la justice algérienne», de «l’économie du pays» et de «la situation sociale».
L’orateur appelle, dans la foulée, à «la consécration d’un régime civil essentiel pour jeter les bases d’un fonctionnement démocratique de l’Etat, promouvoir les droits de l’homme et restaurer la confiance vitale entre le peuple et ses institutions».
Les travaux de ce sixième congrès se sont poursuivis hier en fin d’après-midi, avec l’élection du nouveau président du parti. Les congressistes devaient choisir entre deux candidats, en l’occurrence Atmane Mazouz et Mourad Biatour.
Au moment où nous mettons sous presse, les résultats de ces élections n’étaient pas encore annoncés. Nous y reviendrons.
La question des détenus au centre des débats
Les acteurs politiques et sociaux présents au sixième congrès du RCD, dont les travaux ont été ouverts hier à Alger, ont appelé à la libération de tous les détenus politiques et d’opinion. Au nom de tous les présents, l’avocat et défenseur des droits de l’homme Mostafa Bouchachi a proposé l’adoption d’une «résolution forte appelant à la libération de tous les détenus d’opinion et à l’ouverture du champ politique en Algérie». Selon lui, «cette résolution, portée par différents acteurs, est importante pour les détenus et leurs familles qui souffrent en silence». Elle est, selon lui, un signal fort pour eux, afin de leur dire qu’ils ne sont pas seuls. Cette question a d’ailleurs été au centre des interventions de tous les invités, qui ont appelé à la libération des prisonniers d’opinion. C’est le cas de la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) qui affirme que « Hammou Boumedine, Tahar Khouas, Abdesselam Abdenour et le journaliste Mohamed Mouloud ne sont pas des terroristes et leur place n’est pas en prison». Pour sa part, Zoubida Assoul, président de l’UCP, alerte sur le danger qui menace les libertés, les partis et les associations. «On ne peut imaginer un dialogue sérieux sans la libération des détenus d’opinion et l’ouverture du champ politique», lance-t-elle. Le même plaidoyer a été fait par Ali Laskri, Noureddine Benissad, Saïd Salhi, Abdelouahab Fersaoui et Mahmoud Rechedi.