Le coup d’arrêt, porté fin avril par la CMA à cette méga-opération, avait déclenché l’ire de Microsoft, son président Brad Smith décriant un «jour le plus sombre des quatre décennies (de Microsoft) en Grande-Bretagne».
Le géant américain des logiciels Microsoft a soumis à l’autorité britannique de la concurrence (CMA) une version amendée de son projet de rachat de l’éditeur américain de jeux vidéo Activision Blizzard, espérant enfin son feu vert après un refus en avril. Le fabricant de la Xbox prévoit notamment des cessions notables sur les droits de jeux en ligne d’Activision Blizzard -dont les succès planétaires «Call of Duty» et «Candy Crush»- qui vont être vendus au français Ubisoft. La CMA, qui avait bloqué l’opération fin avril, craignant qu’elle ne réduise trop la concurrence dans le marché des jeux dématérialisés, précise «avoir ouvert une nouvelle enquête» préliminaire sur l’accord de rachat revu et corrigé.
Le gendarme britannique de la concurrence confirme dans son communiqué sa décision de bloquer la fusion d’origine, une opération qui était valorisée à 69 milliards de dollars qui devait donner naissance au troisième acteur de la filière en termes de chiffre d’affaires, derrière le chinois Tencent et Sony. «Dans le cadre du nouvel accord, Microsoft n’achètera pas les droits de visionnage en flux (streaming, ndlr) de tous les jeux présents d’Activision ni ceux des jeux qui seront diffusés pendant les 15 prochaines années (sauf dans l’espace économique européen)», détaille la CMA. «Ces droits vont être vendus à Ubisoft», éditeur français concurrent, poursuit-elle.
Le français aura ainsi le droit de vendre des licences sur les contenus d’Activision à «tout fournisseur de jeux dématérialisés». L’action d’Ubisoft s’envolait de près de 10% à la bourse de Paris mardi vers 14h00 GMT, à 29,49 euros, tandis que celle de Microsoft prenait 0,86% à 324,64 dollars en début de séance sur le Nasdaq. «Ceci va permettre aux joueurs d’accéder aux jeux d’Activision de manières différentes», commente Sarah Cardell, directrice générale de la CMA, qui précise que l’examen de la nouvelle mouture n’est «pas un feu vert». «Notre objectif n’a pas changé, à savoir que toute future décision sur cette nouvelle formulation de l’accord devra s’assurer que le marché en croissance des jeux en ligne continuera à bénéficier d’une concurrence propice au choix et à l’innovation», argumente-t-elle.
«Haute probabilité »
La nouvelle date limite pour une décision sur l’enquête préliminaire est le 18 octobre. Le coup d’arrêt porté fin avril par la CMA à cette méga-opération avait déclenché l’ire de Microsoft, son président Brad Smith décriant un «jour le plus sombre des quatre décennies (de Microsoft) en Grande-Bretagne» et ajoutant que cela ébranlait «la confiance» du géant américain des logiciels la Grande-Bretagne comme terre d’accueil pour les entreprises de technologie. Microsoft avait contesté en justice le blocage d’opération mais avait finalement convenu début juillet de suspendre la procédure judiciaire pour trouver un terrain d’entente avec le régulateur, ce qui devait passer par de nouvelles propositions.
L’Autorité américaine de la concurrence, la FTC, a quant à elle suspendu en juillet la procédure devant la justice administrative qu’elle avait engagée en décembre contre l’acquisition d’Activision Blizzard tel qu’elle était initialement envisagée. La Commission européenne avait pour sa part approuvé ce rachat en mai. «Il est peu probable que Microsoft se soit lancé dans cette nouvelle offre sans un degré élevé de certitude qu’elle va finalement obtenir le blanc seing de la CMA», remarque Alex Haffner, du cabinet juridique Fladgate. Tencent et Sony règnent sur l’industrie en Asie et au-delà grâce notamment à Riot Games, l’éditeur du succès planétaire «League of Legends», pour le géant chinois, les consoles PlayStation pour la firme japonaise.
Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown, relève que la cession à Ubisoft vise à empêcher Microsoft «de rendre des jeux à succès comme ‘Call of Duty’ exclusivement disponibles sur ses propres plateformes», et estime qu’il s’agit d’un «compromis important». «Les autres barrières à la transaction ayant été levées dans l’Union européenne et aux Etats-Unis, Microsoft voit la ligne d’arrivée, même s’il n’y a pas de garantie qu’un autre obstacle ne va pas surgir», ajoute-t-elle.