La Tunisie en difficulté face à la migration des Subsahariens vers l’Italie.
Le vendredi 15 septembre, jour de la rentrée scolaire, a coïncidé avec le pic de la campagne de réorganisation de la présence des migrants subsahariens dans la ville de Sfax, plaque tournante de la migration clandestine en Tunisie. Le ministre de l’Intérieur, Kamel Fekih, accompagné de plusieurs hauts cadres du ministère, a fait ce jour le déplacement vers sa ville natale, suite à sa rencontre avec le président Saïed, afin d’examiner les raisons de la recrudescence du flux migratoire à partir des côtes tunisiennes et entrevoir les solutions possibles.
Des décisions ont été prises d’éloigner ces milliers de migrants du centre-ville vers les environs de Sfax, notamment les localités d’El Amra, à 25 kilomètres vers le Nord, et Jebaniana, à 45 kilomètres vers le Nord-Est. Les autorités régionales de Sfax ont discuté avec les migrants à travers les agents du Croissant-Rouge, elles leur ont demandé s’ils voulaient partir par leurs propres moyens ou être déplacés par les moyens publics.
Plusieurs centaines ont choisi d’aller seuls vers d’autres régions, alors qu’une vingtaine de bus de la Société régionale de transport s’est chargée d’emmener les restants vers El Amra et Jebaniana. Observateurs et migrants ont constaté que rien n’a été préparé pour leur installation ; ils sont laissés à l’air libre au milieu de l’oliveraie. Par ailleurs, les habitants de ces régions ont manifesté leur refus de cette «déportation abusive et inappropriée».
Les ONG locales ont essayé de convaincre les migrants de refuser ce mouvement. La situation reste encore floue. Il est vrai que des plaintes ont déjà été enregistrées au ministère de l’Intérieur, suite à la récente installation de ces migrants africains depuis juillet dernier à la sortie de l’ancienne ville de Sfax dans trois endroits essentiellement, le rond-point devant les murailles à Bab Jebli, le jardin du Centre de la Mère et de l’enfant et devant le lycée secondaire Ennasria.
Leur nombre n’a cessé de gonfler à vue d’œil, atteignant quelques milliers, surtout que des organisations humanitaires (l’UNHCR et des ONG de Sfax) se relayaient pour assurer le ravitaillement en eau et en vivres. Les riverains, commerçants et habitants se sont plaints de l’anarchie grandissante, surtout que le lieu constitue l’un des poumons commerciaux de la ville de Sfax.
L’alibi de la rentrée scolaire a été exploité pour décider d’éloigner ces migrants, surtout que le lycée Ennasria est l’un des points de rassemblement de ces migrants et c’est aussi l’un des plus grands lycées de la ville avec plus de 4000 élèves. «La situation est devenue intenable, avec tout mon respect pour ces migrants et ma compréhension qu’ils sont des victimes, c’est comme si tu avais plusieurs milliers de sans-abris devant ta porte chaque matin», raconte Mohamed Siala, un cordonnier de 45 ans, habitant pas loin du lycée et travaillant à l’intérieur des murailles de la ville. Mohamed longe la zone chaque matin.
Interrogations
Il suffit de suivre les réseaux sociaux pour comprendre que la migration clandestine est revenue de plus belle dans la région de Sfax après une accalmie relative suite à la visite de Meloni et l’accord tuniso-européen fin juin dernier. «Plusieurs pages Facebook sont revenues à l’annonce des projets de migration à des coûts pouvant descendre jusqu’à 600 euros et il y a même des numéros de téléphone de contact», raconte Ali, un Sfaxien activiste de la société civile, rencontré à la sortie de la ville. Ali s’interroge sur ce phénomène de «publicité» en faveur de la migration clandestine sur les réseaux sociaux et sur la possibilité offerte pour remonter jusqu’aux organisateurs. Il s’inquiète quant à la réduction d’annonces sur les tentatives avortées de migration.
«D’habitude, en de pareilles accalmies, les gardes-côtes, notamment ceux du Centre, annoncent l’accostage de plusieurs embarcations chaque nuit», regrette-t-il, en enchaînant sur «l’éventualité d’un autre choix en matière de communication de la part des autorités». L’autre problématique intriguant la société civile à Sfax, c’est le nombre de plus en plus important de migrants dans la région. «L’arrivée en Tunisie ne passe pas par l’aéroport Tunis-Carthage, même pour les Ivoiriens qui n’ont pas besoin de visa pour entrer en Tunisie», constate le Réseau tunisien des droits économiques et sociaux dans son rapport 2022.
Le nombre de migrants vers l’Italie a triplé
Le ministère italien de l’Intérieur a indiqué vendredi dernier que le nombre des migrants arrivés en 2023 à partir de la Tunisie a atteint au 15 septembre 85 564, dont le septième, uniquement, est composé de Tunisiens, alors qu’ils sont majoritairement des Subsahariens. Selon les mêmes chiffres, la Libye est la deuxième origine des migrants avec 34 775 arrivants. Concernant les nationalités, les Guinéens arrivent en tête avec 14 942 devant les Ivoiriens (14 120). Viennent ensuite les Tunisiens avec 11 402 arrivants. Le nombre de Tunisiens est ainsi descendu de près de 20% puisqu’il s’élevait à 14 000 en 2022 ; les Tunisiens occupaient alors la 1ère place. M. S.