Il est le dernier d’une génération de dirigeants africains qui ont sorti leur pays du joug colonial ou de la domination d’une minorité blanche.
Premier président de la Namibie, Sam Nujoma, héros de l’indépendance qui a dominé le paysage politique de ce pays d’Afrique australe pendant des décennies, est mort samedi à l’âge de 95 ans, a annoncé hier la présidence de ce pays, rapporte l’AFP.
Né le 12 mai 1929 au sein d’une famille de paysans, Sam Nujoma est l’aîné de dix enfants. Il garde les vaches et les chèvres. A 17 ans, il quitte son village reculé du nord pour s’installer dans la ville portuaire de Walvis Bay (ouest). Il vit chez une tante, dans un township, et découvre les discriminations contre les Noirs.
Il devient balayeur des chemins de fer près de la capitale Windhoek, et rapidement syndicaliste, tout en suivant des cours du soir, où il rencontre des militants indépendantistes. Arrêté dès 1959 par les autorités sud-africaines après avoir pris la tête de l’Organisation du peuple de l’Ovamboland (OPO), il s’évade et trouve refuge à Dar Es Salaam (Tanganyika, actuelle Tanzanie). Contraint à l’exil en 1960 au Botswana, puis au Ghana et aux Etats-Unis, il a dû laisser derrière lui sa femme et quatre enfants.
A la tête de la Swapo, le mouvement de libération qu’il a cofondé en 1960, il a demandé en vain pendant plusieurs années aux Nations unies d’obliger l’Afrique du Sud à restituer sa souveraineté au Sud-Ouest africain.
Ce qui le pousse à déclencher la lutte armée en 1966 et réussit à attirer l’attention de la communauté internationale sur la Namibie. En 1973, l’Assemblée générale des Nations unies reconnaît enfin la Swapo comme seul représentant légitime du peuple namibien, tandis que le Conseil de sécurité adopte en 1978 la résolution 435 qui prévoit à terme l’indépendance de la Namibie.
Unité
Sam Nujoma a obtenu en 1990 l’indépendance de la Namibie vis-à-vis de l’Afrique du Sud, qui a repris la tutelle du territoire à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Devenu Président, il s’est employé à unifier une population composée d’une dizaine de groupes ethniques que l’apartheid s’est appliqué à diviser.
Dans cet esprit, il s’est refusé à instaurer une commission pour examiner les atrocités commises pendant les 23 ans de conflit entre la Swapo et les escadrons de la mort pro-sud-africains. Ainsi, il a intégré ces unités des «Koevoet» au sein de l’armée et de la police à l’indépendance. Après son retrait de la vie politique, il a repris des études et décroché une maîtrise de géologie, convaincu que les montagnes namibiennes regorgent de richesses minérales inexploitées.
Le «Vieux », comme est surnommé l’ancien Président, a quitté le pouvoir à 75 ans en 2005, après avoir fait modifier la Constitution pour s’offrir un troisième mandat. Il a désigné un fidèle comme successeur, Hifikepunye Pohamba (Swapo). Il reste cependant à la tête du parti jusqu’en 2007.
Lors de l’une de ses dernières apparitions publiques en mai 2022, il se montre à 93 ans le poing levé. Il a appelé à continuer à se consacrer «aux idéaux panafricains». L’air souvent sévère pendant ses discours, l’ancien chef d’Etat, pourtant jugé conciliant dans un pays stable et respectant un certain nombre de libertés fondamentales, était connu pour ses accès de colère contre les «colons blancs» ou les «néo-impérialistes».
Il a jugé insuffisante la proposition de l’Allemagne en 2021 d’un dédommagement de plus d’un milliard d’euros pour le massacre de dizaines de milliers d’indigènes Hereros et Namas, considéré comme le premier génocide du XXe siècle. «La Namibie doit retourner à la table des négociations avec l’Allemagne», a affirmé l’ancien Président, qualifiant l’offre de «terriblement insignifiante».
Sur le plan diplomatique, il a soutenu son voisin zimbabwéen Robert Mugabe dans sa politique de réforme agraire pour exproprier les fermiers blancs, et maintenu des relations avec Cuba, la Libye, l’Iran et la Corée du Nord. Aussi, il s’est opposé aux actions de l’OTAN au Kosovo, et a soutenu Laurent Kabila pendant la guerre civile en République démocratique du Congo(RDC).