La ménopause serait-elle en train de sortir du recoin un peu honteux dans lequel on l’a longtemps confinée ? Aux Etats-Unis, la conversation semble lancée, notamment par des célébrités disant vouloir lever le tabou au nom de la santé des femmes.
Bien sûr, certaines d’entre elles n’ont pas manqué de flairer le potentiel lucratif d’un marché en pleine expansion. Naomi Watts, Gwyneth Paltrow, Oprah Winfrey... Une pléthore de personnalités en parlent désormais ouvertement et les articles de presse se multiplient sur le sujet. Michelle Obama avait elle-même abordé le sujet en 2020 dans son podcast. «Pendant ma carrière d’actrice, j’ai échappé à des tsunamis et fait face à King Kong. Mais rien ne m’avait préparée à la ménopause précoce», a écrit Naomi Watts (Mulholland Drive), 54 ans, en racontant les bouleversements hormonaux qu’elle a commencé à vivre à 36 ans. La très influente Oprah Winfrey, 69 ans, figure de la télévision américaine, a elle raconté avoir cru «mourir» à la fin de sa quarantaine tant son coeur battait fort. «J’avais de graves palpitations et (...) j’ai des journaux intimes remplis de ‘‘je ne sais pas si je vais survivre jusqu’au matin’’», a-t-elle raconté. «Je suis allée voir cinq médecins différents. Aucun n’a suggéré une seule fois que cela pourrait être la ménopause», a-t-elle déploré. C’est pourquoi, plaide-t-elle, il est si nécessaire d’en parler pour sensibiliser les femmes mais aussi les médecins. Car certains ont des lacunes sur le sujet ou considèrent que ces souffrances vont de pair avec cette étape obligée de la vie d’une femme. La ménopause, qui marque la fin des cycles menstruels, est surtout associée dans l’imaginaire collectif aux bouffées de chaleur et changements d’humeur, encore sources de plaisanteries de mauvais goût. Or si beaucoup de femmes en sont affectées, d’autres présentent des signes différents : insomnie, chute de cheveux, profonde anxiété, etc.
Patientes et médecins
La Dr Wen Shen, professeure en gynécologie et spécialiste de la ménopause à l’université Johns Hopkins, indique à l’AFP que selon ses estimations, 20% des femmes présentant des symptômes en ont qui sont «vraiment horribles, qui leur gâchent la vie, leur capacité à se concentrer au travail et leurs relations». Et on sait maintenant que des «changements physiologiques» associés aux symptômes peuvent être dangereux et potentiellement présenter un risque accru de maladie cardiovasculaire ou de troubles cognitifs, et qu’«être en post-ménopause augmente votre risque d’ostéoporose», explique-t-elle. Aussi accueille-t-elle favorablement l’engouement pour la question.
«Traditionnellement, c’est un tel tabou (...). Alors avoir des stars de cinéma qui en parlent et sont honnêtes (sur leur expérience), c’est une bonne chose», dit-elle. «Malheureusement, beaucoup de médecins ne s’y connaissent pas en matière de ménopause», regrette-t-elle, le sujet n’étant que très peu abordé dans les facultés de médecine. En 2012, explique-t-elle, son équipe a mené un sondage auprès d’internes en gynécologie aux Etats-Unis, découvrant que la majorité d’entre eux «ne se sentaient pas à l’aise pour traiter la ménopause». Elle espère donc qu’une normalisation les poussera à renvoyer les patientes le nécessitant vers un médecin qui saura les aider. Du côté des célébrités, cet intérêt vient parfois se doubler d’un investissement dans des produits destinés aux femmes préménopausées ou ménopausées. Naomi Watts a ainsi lancé en octobre sa propre marque, Stripes, avec masques «densifiants» pour les cheveux et crèmes contre la sécheresse vaginale. L’actrice oscarisée Gwyneth Paltrow propose de son côté depuis quelques années avec sa marque Goop un complément alimentaire baptisé «Madame Ovary» (90 dollars). Et la superstar du tennis Serena Williams a récemment investi dans la marque Wile, des compléments alimentaires dont elle assure qu’ils «changent la donne pour les femmes de plus de 40 ans». Pour contrer les symptômes de la ménopause, des traitements hormonaux ont longtemps été largement prescrits aux Etats-Unis, avant qu’une étude controversée ne provoque la panique en suggérant des risques élevés pour la santé des femmes. Mais les recherches sur le sujet ces vingt dernières permettent désormais de mieux comprendre ces traitements et de calibrer leur prescription, affirme la Dr Shen, qui s’inquiète toutefois de l’apparition de compagnies les délivrant par téléphone. Elle conseille aux patientes souffrant de symptômes sérieux de demander à être renvoyées vers des spécialistes de la ménopause, qui pourront alors leur prescrire le traitement adéquat, hormonal ou non.