La CPI rejette la demande d’Israël de suspendre les décisions contre ses deux dirigeants : Les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant maintenus

27/04/2025 mis à jour: 09:25
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Photo : D. R.

La Cour pénale internationale (CPI) a rejeté la demande israélienne visant la suspension des mandats d’arrêt internationaux émis contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Le rejet par la CPI de la demande israélienne de suspension des mandats d’arrêt contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et son ex-ministre ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des «crimes de guerre» et «crimes contre l’humanité»  à Ghaza,  a suscité de sévères critiques contre la juridiction pénale, basée à La Haye, alors que de nombreux médias hébreux avaient affirmé qu’elle allait «reconsidérer son autorité» à émettre ces mandats.

«La CPI à La Haye n’a jamais eu, et n’a pas compétence pour émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et l’ancien ministre de la Défense. Israël n’est pas membre de la CPI et n’est pas partie du Statut de Rome, fondateur de la juridiction, les mandats d’arrêt émis illégalement sont nuls et non avenus», a écrit Gideon Sa’ar, ministre des Affaires étrangères israélien sur son compte X (anciennement Twitter), un message repris intégralement par Elon Musk, sur son compte X, quelques heures plus tard.

L’Autorité israélienne de radiodiffusion a, quant à elle, déclaré : «Les Etats membres de la CPI n’exécuteront pas les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant», alors que la chaîne publique Kan a relayé les déclarations de nombreux responsables israéliens qui ont qualifié la décision de la CPI de «ridicule» et «illégitime».

La Chambre pénale de la cour a annoncé avoir statué sur deux demandes, présentées par Israël le 26 septembre 2024. Dans la première, l’Etat hébreu a contesté la compétence de la Cour sur la situation dans l’Etat de Palestine en général et des ressortissants israéliens en particulier, en se basant sur l’article 19‑2 du Statut. Dans la seconde demande, Israël a exhorté la Chambre d’ordonner au procureur d’adresser une nouvelle notification de l’ouverture d’une enquête aux autorités israéliennes, en se référant à l’article 18‑1 du Statut.

Et par conséquence, il a réclamé la suspension de toute procédure devant la Cour dans le cadre de la situation en question, y compris l’examen des demandes de délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre de Netanyahu et de Gallant, présentées par le procureur en chef de la CPI,  le 20 mai 2024. En ce qui concerne la compétence de la Cour sur la situation en Palestine, la Chambre a affirmé qu’il «n’est pas nécessaire qu’Israël accepte la compétence de la Cour, étant donné que celle-ci peut connaître de la question sur la base de sa compétence territoriale vis-à-vis de la Palestine, comme l’a conclu la Chambre dans une composition précédente».

En outre, a précisé la Cour dans son arrêt «la Chambre a estimé que conformément à l’article 19‑1 du Statut, les Etats ne sont pas autorisés à contester la compétence de la Cour en vertu de l’article 19‑2 avant qu’un mandat d’arrêt ne soit délivré. La contestation d’Israël est donc prématurée. Cela est sans préjudice de toute éventuelle exception d’incompétence de la Cour et/ou d’irrecevabilité d’une affaire en particulier».

La juridiction a cependant «conclu» que «la décision attaquée constituait une décision sur la compétence de la Cour, ou reposait sur une telle décision», de ce fait, elle a considéré que «l’appel était recevable au regard de l’article 82-1-a du Statut». Sur le fond, la Chambre d’appel a estimé que «la Chambre préliminaire avait commis une erreur de droit en n’analysant pas suffisamment l’argument d’Israël selon lequel cet Etat était fondé à soulever une exception d’incompétence en vertu de l’article 19-2-c».

La Cour renvoie la question d’exception d’incompétence pour un nouvel examen

Par conséquent, la Chambre d’appel a décidé d’annuler la décision attaquée. Elle a donc «renvoyé la question à la Chambre préliminaire pour que celle-ci se prononce à nouveau sur le fond de l’exception d’incompétence soulevée par Israël».  Au vu de ce qui précède, lit-on dans le communiqué de la juridiction, «la Chambre d’appel a rejeté, la considérant comme dépourvue d’objet, la demande d’effet suspensif qu’Israël avait déposée concernant deux mandats d’arrêt délivrés après la décision attaquée et concernant ‘‘tout acte judiciaire posé par la Cour sur cette base».

Elle a également annoncé avoir «rejeté à la majorité de ses membres, l’appel interjeté par Israël contre la décision par laquelle la Chambre préliminaire I avait refusé d’ordonner au Procureur de préparer une nouvelle notification au sens de l’article 18-1 du Statut».

Elle a expliqué : «A la majorité de ses membres, les juges Luz Del Carmen Ibanez Carraza et Solomy Balungi Bossa, étant en désaccord, la Chambre d’appel a jugé cet appel irrecevable, dans la mesure où la décision de la Chambre préliminaire ne constituait pas une décision sur la recevabilité au sens de l’article 82-1-a du Statut». La Chambre a également rejeté la demande israélienne en application de l’article 18-1 du Statut de Rome, et rappelé que «l’Accusation avait notifié l’ouverture d’une enquête à Israël en 2021. A l’époque, malgré une requête aux fins d’éclaircissements présentée par l’Accusation, Israël avait choisi de ne pas demander le report de l’enquête».

Elle a précisé en outre que «les paramètres de l’enquête dans le cadre de la situation n’ont pas changé, en conséquence de quoi, il n’est pas nécessaire d’adresser une nouvelle notification à l’Etat d’Israël», ajoutant : «Dans ce contexte, les juges ont conclu qu’il n’y a aucune raison de suspendre l’examen des demandes de délivrance de mandats d’arrêt.» Ce rejet qu’Israël voulait empêcher à tout prix a souligné la volonté de la Cour de poursuivre les poursuites contre les dirigeants israéliens contre vents et marées. La plus grande menace contre la CPI est celle exercée par l’administration Trump, puissante alliée d’Israël.

Une semaine seulement après la signature, par Donald Trump, d’un décret qui  prévoit des sanctions contre «les dirigeants, les employés et agents» de la CPI, accusés d’avoir  engagé «des actions illégitimes et sans fondement contre l’Amérique et son proche allié, Israël» en lien avec des enquêtes sur la conduite  des militaires américains en Afghanistan et israéliens à Ghaza,  le département du Trésor a annoncé l’exécution des premières des sanctions contre Karim Khan, procureur en chef de la CPI.

En vertu de cette nouvelle législation, Karim Khan est, depuis le 13 février 2025, interdit d’entrée aux Etats-Unis, où  s’il détient des avoirs sont automatiquement gelés. Des sanctions appliquées y compris aux membres de sa famille (épouse et enfants) et ses avoirs gelés, s’ils sont domiciliés. Une décision qui risque de perturber ses déplacements à New York, dans le cadre de ses activités avec l’Onu.

La décision a suscité de nombreuses réactions, et la première a été celle de la CPI, qui dans un communiqué a condamné le décret visant à imposer des sanctions à un de ses fonctionnaires et «à nuire à son travail judiciaire indépendant et impartial». «La Cour soutient fermement son personnel et s’engage à continuer de rendre justice et de redonner espoir à des millions de victimes innocentes d’atrocités à travers le monde, dans toutes les situations dont elle est saisie» lit-on dans le communiqué de la Cour.

Les sanctions américaines contre la CPI soulèvent un tollé

Le même jour, le Haut-Commissariat onusien aux droits de l’homme a exhorté Washington à revoir sa décision, en exprimant, par la voix d’un de ses porte-parole, ses «profonds regrets face aux sanctions individuelles contre le personnel de la Cour» avant de demander aux Etats-Unis, «de revenir sur cette mesure».

Pour le Haut-Commissariat onusien, la Cour pénale «devrait être pleinement en mesure d’entreprendre son travail indépendant, lorsqu’un Etat ne veut pas ou ne peut sincèrement pas mener une enquête ou lancer des poursuites, comme le stipule le Statut de Rome (…) La Cour est un élément essentiel de l’infrastructure des droits de l’homme».

Le même «regret» a été également exprimé par l’Union européenne (UE), tout en déclarant qu’elle se «réserve la possibilité de prendre des mesures de son côté». Pour le président du Conseil européen, Antonio Costa, «sanctionner la CPI menace l’indépendance de la Cour et mine l’ensemble du système de justice internationale». Mais quelque  temps plus tard, certains Etats membres de l’Union se sont démarqués. D’abord la France, qui s’est dite «déterminée à permettre à la juridiction de poursuivre son travail de lutte contre l’impunité dont bénéficient souvent les dirigeants politiques».

Ce pays s’est engagé en déclarant, à travers un communiqué du Quai d’Orsay, qu’en «lien avec nos partenaires européens et les autres Etats parties au Statut de Rome, nous nous mobiliserons pour que la cour soit toujours en mesure de continuer à remplir sa mission de manière indépendante et impartiale», a fait volte-face un peu plus tard en accordant l’immunité aux dirigeants d’Israël.

«La France viole gravement ses obligations juridiques»

L’ONG a estimé qu’en «permettant le survol du territoire français par une personne visée par un mandat d’arrêt de la CPI, la France viole gravement ses obligations juridiques internationales en tant qu’Etat partie au Statut de Rome, y compris celle de coopérer avec la CPI».

Elle a révélé que Netanyahu «a survolé l’espace aérien français, les 2 et 9 février ainsi que les 6 et 8 avril 2025 dans le cadre de déplacements vers Washington» et précisé «alors qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI depuis le 21 novembre 2024 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité».

Dans sa déclaration cosignée avec Plateforme des ONG françaises pour la Palestine,  Association France Palestine solidarité, Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine, Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim),  Collectif d’organisations de solidarité internationale et de mobilisation citoyenne, One Justice, Les amis de Sabeel France, Mouvement de la Paix et Réseau Euromed France, la Fédération rappelle : «La Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale a conclu le 24 octobre 2024 que la Mongolie, Etat partie du Statut de Rome avait failli à ses obligations de coopération avec la Cour, en n’arrêtant pas le président russe, Vladimir Poutine, lui aussi visé par un mandat d’arrêt de la CPI, bien qu’il soit le dirigeant d’un Etat non-partie.» Le 3 avril dernier, la Hongrie, Etat partie du Statut de Rome, a déroulé le tapis rouge à Netanyahu, son invité d’honneur, auquel il a lancé l’invitation juste après l’annonce des mandats d’arrêt par la CPI. 
 

 

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