Introduction de l’anglais dans le cycle primaire : Un projet et des appréhensions

30/08/2022 mis à jour: 21:35
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Photo : D. R.

Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République a donné des instructions afin d’assurer une bonne préparation pour entamer l’enseignement de l’anglais aux classes de 3e année primaire dès cette année scolaire. Même si le premier responsable du secteur de l’Education rassure quant à la prise de toutes les mesures pour relever ce défi, les craintes, notamment des pédagogues, sont là...

Recrutement massif des enseignants, conception rapide des manuels scolaires, établissement du programme et formation des enseignants. Tant de démarches avancées sont lancées pour faire aboutir le projet de l’introduction de l’anglais dès la prochaine rentrée scolaire. La langue de Shakespeare s’invitera ainsi aux côtés de la langue de Molière dès la 3e année primaire.

Dans sa dernière déclaration, le ministre de l’Education nationale, Abdelhakim Belabed, a tenu à rassurer que toutes les mesures sont fin prêtes pour faire réussir ce projet. Depuis le début de ce mois d’août, le recrutement des enseignants se fait en masse. Il s’agit essentiellement des licenciés de langue anglaise mais aussi de ceux qui ont fait interprétariat et traduction.

Le ministre a tenu à éclaircir plusieurs zones d’ombre. La plus importante est le caractère facultatif de l’apprentissage. «La langue anglaise sera obligatoire dès la 3e année primaire avec un volume horaire de 90 minutes. Les enseignants qui seront recrutés par contrat bénéficieront d’une formation de 15 jours seulement. Le manuel et le programme seront connus en temps opportun», a-t-il affirmé.

Malgré toutes ces assurances et affirmations, les craintes d’un échec de ce projet ambitieux sont palpables. Les partenaires sociaux de Belabed ne mâchent pas leurs mots ni leurs critiques, notamment par rapport au caractère hâtif du lancement du projet.

Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la formation (Satef), considère que l’introduction d’une nouvelle langue au primaire «doit répondre à des critères bien définis et des normes. Nous ne sommes pas contre l’introduction d’une nouvelle langue, mais plutôt contre la précipitation qui l’entoure.

De plus, avoir encore plus d’enseignants contractuels ne fera que précariser le métier d’enseignant. Cela fait plusieurs années que nous appelons à combler le déficit en enseignants dans les autres matières et à organiser un concours de recrutement. Nous sommes aujourd’hui surpris de l’attitude du ministère qui recrutera pas moins de 20 000 enseignants contractuels juste pour l’anglais au primaire alors que nous avons un manque d’enseignants de mathématiques et de matières importantes. C’est encore une fois le bricolage».

En effet, à considérer les normes internationales, l’élaboration d’un manuel scolaire prendrait pas moins de 15 mois.

Quid des normes internationales ?

Selon ces normes, les étapes successives de la réalisation d’un manuel doivent matérialiser le dialogue constant entre le ministère en tant qu’éditeur et ses différents collaborateurs (pédagogues, enseignants, syndicats) tout au long du travail éditorial.

Ces étapes sont soumises à des contraintes de temps et de réalisation, d’évaluation périodique par projet et/ou séquence du manuel.

Le manuel après édition passe également par une phase expérimentale de deux années. Le but, selon les pédagogues, est de collecter les différentes erreurs et modifications à apporter au manuel qui ne pourra être officiellement validé qu’après la 3e année.

Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste), s’indigne que les «syndicats ne sont jamais associés à ce genre de décisions très importantes pour le secteur». «Les décisions sont prises d’une manière unilatérale très inquiétante», s’emporte-t-il.

De son côté, Meziane Meriane, pédagogue et ancien syndicaliste (Snapeste) insiste sur le «caractère précipité» de l’introduction de l’anglais au primaire. Pour lui, une étude pédagogique s’impose avec acuité.

«Ce n’est pas une mince affaire qui aura un véritable impact sur l’apprentissage général de l’enfant. Tout doit être préparé. Du manuel scolaire, au programme jusqu’au recrutement des enseignants qui doivent être formés rigoureusement», résume-t-il, tout en n’omettant pas de rappeler que le projet est «prometteur, vu que c’est la langue de la science et de la technologie»

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