Différents acteurs de l’opposition et de la société civile ont relevé la «contradiction» entre l’objectif annoncé de cette démarche et le climat politique général du pays marqué par «une répression féroce et la multiplication d’arrestations et de détentions provisoires de militants et d’activistes».
Le président Abdelmadjid Tebboune s’exprime pour la première fois sur «sa démarche de rassemblement». Et c’est à partir de la capitale turque, Ankara, où il effectue depuis dimanche une visite officielle, qu’il a choisi de livrer quelques détails sur cette initiative et son objectif. En effet, le chef de l’Etat, s’exprimant devant des représentants de la communauté algérienne établis en Turquie, a qualifié de «nécessaire, cette démarche pour la création d’un front interne soudé».
Il annonce, à cet effet, selon le compte rendu de l’APS, la tenue «dans les semaines à venir d’une rencontre inclusive des partis politiques», et ce, suite aux rencontres individuelles effectuées récemment avec des chefs de parti. Abdelmadjid Tebboune n’a pas donné plus de détails sur ce nouveau processus politique, annoncé le 3 mai par l’agence officielle.
Durant la semaine dernière, le chef de l’Etat avait reçu, au palais d’El Mouradia, six responsables de partis, en l’occurrence Soufiane Djilali (Jil Jadid), Abou El Fadhl Baadji (FLN), Tayeb Zitouni (RND), Abdelaziz Belaïd (Front El Moustakbal), Abderrazak Makri (MSP) et Abdelkader Bengrina (El Bina). Jeudi dernier, il avait également reçu l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi. Ces rencontres, estime le chef de l’Etat, ont permis «de débattre et d’évaluer plusieurs questions».
La Présidence, rappelons-le, n’a pas précisé si ce programme de rencontres sera élargi à d’autres chefs de parti, en particulier à ceux de l’opposition. Depuis son annonce, cette démarche a suscité plusieurs réactions. Il y a eu d’abord le bureau du Conseil de la nation, qui a exprimé son adhésion à l’initiative.
Dans un communiqué rendu public à l’issue de sa réunion élargie aux présidents des groupes parlementaires de la Chambre haute du Parlement, le bureau du Sénat estime «que cette option vise à rassembler et à accueillir tous les fils et filles de l’Algérie». «La main tendue du président Tebboune trouve son essence et sa référence dans l’appel du 1er Novembre 1954», estime le communiqué.
Cette position est intervenue quelques jours seulement après l’appel lancé par le président du Conseil de la nation Chambre, Salah Goudjil, «aux acteurs de la société à adhérer à la démarche pour asseoir les bases et dessiner les contours de l’Algérie nouvelle, dans le cadre de la politique de rassemblement prônée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune».
Les responsables des anciens partis au pouvoir, en l’occurrence le Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national et démocratique (RND) et Tajemou Amel El Djazair (TAJ), ont affiché, eux aussi, leur soutien à cette initiative, en se disant être «prêts à prendre part à un dialogue national global traitant de toutes les questions et tous les dossiers pour en finir avec la fitna et la haine».
Les réactions n’ont pas émané seulement les partisans du pouvoir. Différents acteurs de l’opposition et de la société civile ont relevé, pour leur part, la «contradiction» entre l’objectif annoncé de cette démarche et le climat politique général du pays marqué, selon certains parmi eux, par «une répression féroce et la multiplication d’arrestations et de détentions provisoires de militants et d’activistes». «Oui à un rassemblement et à un processus politique sérieux visant une solution globale.
Mais il est important de définir ses contours ainsi que les étapes à suivre pour parvenir à cette solution à travers un communiqué officiel. Parmi ces étapes, il y a l’arrêt de la répression et la libération de tous les détenus d’opinion», a commenté Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH). Pour le président du RCD, Mohcine Belabbas, «un pouvoir qui excelle dans la division des Algériens n’a aucune crédibilité».
«S’il y avait une réelle volonté, il aurait œuvré à réunir les familles des détenus d’opinion en les libérant. Ils sont injustement incarcérés, en violation de la Constitution et des conventions internationales», a-t-il précisé sur sa page Facebook.
La présidente de l’UCP, Zoubida Assoul, abonde dans le même sens : «La main tendue telle qu’annoncée par le chef de l’Etat doit trouver sa traduction effective à travers la libération de tous les détenus politiques et d’opinion.» Elle plaide, ainsi, pour «l’ouverture des champs politique, associatif, syndical et médiatique consacrée par la Loi fondamentale du pays».