Informel, monopole des importateurs et dysfonctionnements dans la distribution : Le marché de la banane en quête d’organisation

11/04/2023 mis à jour: 00:56
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Le prix de la banane a frôlé ces derniers jours les 700 DA

La flambée des prix de la banane qui perdure depuis près d’un an inquiète les consommateurs et les intervenants dans la filière. Le kilo n’est pas cédé à moins de 800 DA. Il avait même atteint les 1000 DA l’été dernier pour redescendre à 788 DA dans les marchés de gros. 

Dans le marché des Eucalyptus, à l’ouest de la capitale, l’offre n’est pas suffisante. Selon des mandataires contactés à cet effet, les quantités de ce fruit exotique très apprécié par les Algériens ne transitent pas par le carreau des mandataires. Pour fuir la traçabilité, il est vendu aux abords du marché dans le circuit informel. 

Face à cette situation de monopole imposé sur l’importation et les dysfonctionnements dans le circuit de distribution, le ministère du Commerce annonce de nouvelles mesures pour garantir une meilleure accessibilité à ce fruit et surtout une stabilité des prix. Ces mesures portent sur la réorganisation du marché à travers la mise en place d’un nouveau cahier des charges pour l’importation de la banane. Objectif : maîtriser cette flambée des prix. 

Présidant une séance de travail avec des importateurs et des opérateurs économiques, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a affirmé le 6 avril que l’octroi du document de domiciliation bancaire d’importation de bananes s’effectuera conformément à un nouveau cahier des charges. «Une réorganisation du marché de ce fruit à travers l’encadrement de l’activité de l’importation de la banane s’impose. Elle sera jumelée avec l’application rigoureuse et sévère de la loi sur la spéculation contre toute personne impliquée dans le stockage de ce produit», souligne le ministère dans un communiqué rendu public à l’issue de cette réunion. 

Réellement, qu’est-il attendu aujourd’hui de ce nouveau cahier des charges ? Selon El Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), ce document est très attendu pour mettre fin au monopole de certains importateurs sur la filière. «L’actuel cahier des charges constitue une des principales causes de la flambée des prix de la banane. Il impose des conditions très sévères que seuls certains importateurs peuvent satisfaire. 

Ainsi, le monopole sur la filière est imposé de lui-même. Revoir aujourd’hui ce cahier des charges avec un allégement des conditions permettra d’ouvrir l’accès à l’importation et, de ce fait, assurer la disponibilité et la stabilité des prix», déclare notre interlocuteur, qui estime que ce cahier des charges devrait assurer le contrôle de la qualité du produit importé, le respect de la chaîne de froid et les droits à payer à l’Etat par l’importateur. 

Un allégement pareil permettra, selon M. Boulenouar, de réduire la pression sur le processus d’acquisition de ce fruit. «Ouvrir le marché à un plus grand nombre d’importateurs de la banane permettra de lever le diktat du groupe restreint et instaurera une stabilité des prix. Il ne faut pas oublier que la banane est le régulateur des prix sur le marché des fruits. Plus son prix est élevé, plus les autres vont suivre, rendant ainsi l’accès à ces produits agricoles difficile aux moyennes et petites bourses», souligne-t-il, avant de rebondir sur le dysfonctionnement du réseau de distribution et l’ampleur du réseau de l’informel. 

Abondant dans le même sens, les mandataires reviennent à la charge contre le tissu de l’informel mais aussi sur la véritable utilité de la nouvelle disposition du ministère instaurant un nouveau cahier des charges. «Il faut absolument contrôler le circuit de distribution de ce fruit et de tous les produits agricoles, qu’ils soient produits localement ou importés», appellent-ils. 

Mais le plus grand souci concerne l’absence de données statistiques fiables sur la consommation des Algériens de la banane ou autre produit. «Mettre en place un nouveau cahier des charges c’est bien. Mais cela reste insuffisant si l’on ne connaît pas réellement combien nous consommons annuellement. Cela laissera de l’ambiguïté sur les quantités importées. De facto, les prix ne baisseront pas», affirme Réda Medjber, mandataire et membre de l’Association nationale des mandataires. 
 

-De la banane locale... Pourquoi pas? 

Face à cette situation d’instabilité du marché de la banane et la fluctuation de son prix, une entreprise algérienne mise sur la production locale. La société Méridien pour l’agriculture travaille, justement, à encourager la production de la banane en Algérie, en offrant des moyens de production et d’accompagnement pour les agriculteurs. Son fondateur, Hichem Djemaa, propose d’accompagner les agriculteurs dans cette aventure en leur fournissant des serres adaptées pour une production de 70 tonnes de bananes par hectare. 

Selon lui, cette activité pourrait générer jusqu’à six emplois par hectare. Il appelle ainsi les autorités à investir dans cette filière et économiser les 30 millions de dollars par an, montant de la facture d’importation des bananes en Algérie. Cette entreprise ambitionne ainsi de généraliser la culture de la banane en Algérie en dépassant l’étape expérimentale. Une action qui pourrait encourager encore plus les agriculteurs qui s’y sont déjà lancés dans plusieurs wilayas du pays, à l’image de Tipasa, Alger, Béjaïa et Jijel. 

Dans cette dernière, rappelons-le, un projet de plantation de bananiers avait été lancé en 2019 sous serres multi-chapelles dans le cadre d’un financement de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Ansej), actuelle Anade. Avec 1100 plants dans seulement un quart d’hectare, les résultats sont déjà très satisfaisants. 

 

 

Hausse des prix de la banane Les explications de Zitouni

En marge de l’ouverture du Salon national des produits textiles, qui se tient au Palais des expositions du 10 au 19 avril, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, est revenu sur les raisons de la hausse du prix de la banane. S’exprimant lors d’une conférence de presse, M. Zitouni a affirmé que cette hausse des prix est due essentiellement au déséquilibre entre l’offre et la demande. «Etant importé à 100%, ce fruit exotique est disponible en faibles quantités sur le marché. Une raison principale de cette envolée des prix», explique le ministre. Et de souligner que des mesures sont prises pour remédier à cette situation, dont essentiellement l’augmentation des quotas d’importation. Pour rappel, Tayeb Zitouni s’est penché sur ce dossier lors d’une réunion tenue le 6 avril avec les opérateurs économiques importateurs de la filière. Il avait annoncé que l’octroi du document de domiciliation bancaire d’importation de bananes s’effectuera conformément à un nouveau cahier des charges.

 

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