Impact des difficultés financières sur les importations tunisiennes : Les pénuries des produits alimentaires s’aggravent

12/09/2022 mis à jour: 17:39
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L’inflation a atteint son plus haut niveau depuis 31 ans en Tunisie

Les rayons de sucre, café en poudre, huile végétale, riz et beurre sont quasiment vides dans les grandes surfaces. L’Office tunisien de commerce (OTC) ne dispose plus de stocks de réserve pour approvisionner le marché. La Banque Centrale n’ayant pas délivré à l’OTC à temps les lettres de crédits des commandes en devises sonnantes. La Tunisie a plus que jamais besoin d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) afin de lever des fonds et éviter le creux de la vague. 
 

Priorités
 

La priorité de la Banque centrale tunisienne est d’éviter à la Tunisie le défaut de paiement des crédits étrangers, pour ne pas être traduite devant le Club de Paris et garder un soupçon de crédibilité auprès des bailleurs de fonds. Néanmoins, et au vu d’un constat sur le marché, nombre de fournisseurs hésitent de plus en plus à accorder des facilités de paiement à la Tunisie, notamment pour les aliments. Ils craignent des reports continus des échéances. 

Cela a été vécu il y a quelques années dans le secteur des médicaments. Depuis, cette réticence s’est pratiquement généralisée, surtout avec la guerre d’Ukraine. Les fournisseurs veulent une lettre irrévocable de crédit à la livraison de la marchandise. C’est le cas pour le riz, le sucre, le café et les huiles végétales. D’où la rupture des stocks et la disparition de ces produits des étalages. 
 

Le Tunisien lamda constate la pénurie. Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, accuse les réseaux de distribution, puisque les quantités importées des denrées alimentaires disparues des étalages, n’ont pas changé. «Il est vrai qu’en Tunisie post-révolution, aucun service de contrôle ne fonctionne comme il se doit», constate le porte-parole de l’UGTT, Sami Tahri, qui cible le marché parallèle, en se posant des questions sur les marchandises venant de Chine et de Turquie. «Des centaines de containers viennent mensuellement de Chine et de Turquie, en payant des miettes comme frais de douane, alors que les industriels tunisiens paient des taxes au prix fort, ce qui détruit notre faible industrie», ajoute le syndicaliste, qui s’inquiète de l’ampleur que prend le marché parallèle. 
 

Difficultés
 

Les premiers signaux de la crise financière vécue depuis 2019 par la Tunisie commencent à se faire sentir en public à travers l’incapacité du Trésor public à couvrir certaines importations de produits de première nécessité, à l’origine de ces étals vides. C’était prévisible depuis 2016, puisque les retenues de l’avalanche de crédits obtenus par la Tunisie en 2011-2012-2013 commençaient progressivement à entrer en application. 

Ajoutons à cela le fait que la Tunisie n’est plus la bonne élève, qu’elle était auprès des institutions financières internationales. Ainsi, avec la hausse des salaires, les fonds disponibles suffisent à peine à payer les employés de l’Etat, les redevances des crédits et les importations des produits de première nécessité. Certaines réaffectations budgétaires permettent de venir en aide aux entreprises publiques en difficulté comme, notamment, la STEG, la Sonede et les sociétés de transport. 
 

Les Tunisiens ne sont pas encore revenus au travail, comme ils le faisaient avant. Le taux de croissance n’a pas dépassé les 2% durant la dernière décennie. Pour preuve, le bassin minier ne produit plus que 4 millions de tonnes de phosphate, alors que sa production annuelle dépassait les 8 millions de tonnes avant 2011. Pourtant, l’effectif a plus que doublé en passant de 8000 à 20 000. 

La productivité est devenue le talon d’Achille de la Tunisie. Cela entre en ligne de compte pour les investisseurs étrangers lorsqu’ils choisissent leur atterrissage. D’où leur réticence par rapport à la Tunisie, jadis terre attractive par le savoir-faire et le sérieux. Ce n’est désormais plus le cas vu les conditions actuelles de l’inflation galopante et, en prime, un SMIG avoisinant les 150 dollars. Par ailleurs, l’inflation galopante inquiète, elle est passée de 8,2% à 8,6% en août 2022. L’alimentaire a connu une augmentation de 11,9%. La Tunisie n’est plus la terre jadis appréciée par les investisseurs. Kaïs Saïed a du pain sur la planche.
 

Mourad Sellami

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