La guerre technologique sino-américaine s'intensifie, redéfinissant les rapports géopolitiques, avec des conséquences profondes pour l’ordre technologique mondial.
Si la rivalité commerciale, exacerbée sous l’administration Trump, a jeté les foudres d’une guerre économique ouverte, la confrontation est en réalité technologique, géopolitique et systémique. Au cœur de cette rivalité : l’autosuffisance technologique de Pékin, perçue comme une menace géopolitique par Washington.
Sur fond d’une bipolarisation géopolitique, cette guerre technologique ne montre aucun signe d’apaisement. Les Etats-Unis redoublent leurs efforts pour contenir l’ascension technologique chinoise. La guerre commerciale a atteint son paroxysme avec des tarifs douaniers américains qui ont atteint 145% et une réplique pékinoise de 125%, fragmentant les chaînes d’approvisionnement mondiales. Mais ces restrictions américaines renforcent la détermination de la Chine, incitée à inventer ce qu'elle n’aura jamais cru devoir fabriquer. La Chine atteindra-t-elle l'autosuffisance technologique ? Initié en 2015, le plan «Made in China 2025» affichait déjà cette ambition. Pékin a investi plus de 50 milliards de dollars depuis 2020 pour réduire sa dépendance aux technologies étrangères.
Ce plan s’est renforcé à travers des politiques industrielles encore plus compétitives. Même si la Chine a fait des pas géants en direction de son autosuffisance technologique, le chemin reste encore long. Il n’y a pas si longtemps, elle s’est appuyée sur les technologies européennes et américaines pour fortifier sa croissance économique.
De nombreux secteurs critiques, dont les semi-conducteurs, les logiciels, ou encore les composants d'infrastructure 5G et IA, dépendaient totalement d’acteurs américains ou néerlandais, entre autres. La Chine a transformé son retard en fer de lance. Pékin domine désormais dans les véhicules électriques, le TGV et les drones, mais dépend des Etats-Unis dans les semi-conducteurs de pointe et l’aviation. L’avion chinois C919 dépend à 60% de pièces occidentales et l’automatisation industrielle repose sur des brevets étrangers.
Les restrictions américaines contre Huawei illustrent la capacité des Etats-Unis à ralentir temporairement le développement technologique chinois. Ce qui a incité Pékin à redoubler d’efforts pour tenter d’atteindre l’autosuffisance technologique. Malgré les restrictions, Huawei reste incontournable dans les infrastructures 5G. Il produit 33 composants locaux sur 38.
Cette stratégie s’est déclinée par des investissements massifs, dans des secteurs comme les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, l'informatique quantique ou encore les systèmes d'exploitation. Toutefois, la vulnérabilité persiste au niveau des semi-conducteurs. Seulement 10% de puces auto locales produites en 2024.
Dans le secteur des semi-conducteurs, la Chine a progressé rapidement, mais reste en retard sur certaines technologies de pointe. Dans l’intelligence artificielle, Pékin demeure compétitive, voire dominante, dans certaines branches. Leader dans le solaire, les batteries et les véhicules électriques, elle reste dépendante des puces américaines et des innovations aérospatiales.
La Chine contrôle 40% du marché naval et 80% des réseaux ferroviaires à grande vitesse mondiaux, des secteurs clés atteignant l’autonomie. Pékin produit aussi des drones de guerre commandés, pilotés par IA, déployés depuis des porte-avions dédiés. Enfin, Pékin accélère surtout la dé-dollarisation des chaînes d’approvisionnement, la montée en gamme industrielle et le renforcement d’un écosystème technologique autosuffisant.