Dans toute la région, un sentiment croissant d’abattement est palpable. Depuis des mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent: l’échec de la contre-offensive estivale de Kiev, le tarissement de l’aide occidentale, les pénuries d’armements, la consolidation de la machine de guerre russe et désormais aussi la chute d’Avdiïvka, ville forteresse ukrainienne abandonnée aux Russes le 17 février.
Lioudmyla Polokova erre parmi les décombres de son école, frappée en janvier par deux missiles russes. L’enseignante sait qu’il est loin le jour où, peut-être, y résonneront de nouveau des rires d’enfants. Marchant sur le sol jonché de bris de verre et de pages arrachées, elle raconte son épuisement, après deux années à vivre avec les bombes russes qui s’abattent sur sa ville de Kostiantynivka et sur le reste du Donbass ukrainien.
A 18 kilomètres de là, sur le front, les forces russes sont à l’offensive. Les défenses ukrainiennes tremblent, affaiblies par le manque d’hommes et de munitions. «Nous sommes fatigués d’entendre que nos hommes meurent.
Nous sommes fatigués de voir tout ça de nos propres yeux, de ne pas dormir la nuit à cause du bruit, à cause des missiles», confie à l’AFP cette enseignante de 62 ans depuis la cour d’école, qui surplombe un cimetière et des cheminées d’usines soviétiques. Elle veut encore croire en «des jours meilleurs», alors que l’Ukraine marquera le 24 février le deuxième anniversaire du début de la guerre.
Pire en pire
Mais dans toute la région, un sentiment croissant d’abattement est palpable. Depuis des mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent : l’échec de la contre-offensive estivale de Kiev, le tarissement de l’aide occidentale, les pénuries d’armements, la consolidation de la machine de guerre russe, et désormais aussi la chute d’Avdiïvka, ville forteresse ukrainienne abandonnée aux Russes le 17 février.
Et chez les soldats ukrainiens, le sentiment de vaciller au bord d’un abîme grandit. «Nous manquons d’obus, et les Russes ne cessent d’arriver. Beaucoup de nos camarades sont blessés et pire. C’est de pire en pire...», raconte, sous le couvert de l’anonymat, un militaire déployé dans la région, non loin de Bakhmout, ville conquise par l’armée russe au printemps dernier à l’issue d’une bataille sanguinaire.
«Il n’y a plus d’approvisionnement en munitions, plus d’appuis de l’artillerie, et le commandement ne se soucie plus du moral des troupes», dit un autre. Le président Volodymyr Zelensky lui-même a fait état d’une situation «extrêmement difficile», soulignant que les atermoiements américains quant à l’aide à l’Ukraine risquaient d’avoir des conséquences terribles.
A Kostiantynivka, l’enseignante Lioudmyla Polokova n’arrive pas à imaginer l’implication qu’aurait la fin du soutien des Etats-Unis. «C’est dur d’imaginer ce qui pourrait se passer alors. Je sais juste que nos gars sont dévoués, sacrifient leurs vies, meurent», dit-elle, les yeux gonflés de larmes. Dans le Donbass, le bilan des morts et blessés civils grandit lui aussi, les frappes s’intensifiant dans les zones habitées, en même temps que les assauts se multiplient sur le front.
Mi-février à Kramatorsk, la grande ville de la région à 25 kilomètres des combats, une femme, sa mère et son fils ont été tués, enterrés sous les gravats de leur maison détruite par un missile russe.
En pleine nuit, sous les lumières de projecteurs, des dizaines de secouristes ont tenté en vain de les sauver. Aucun bilan exhaustif des morts civils de la guerre n’a jamais pu être établi, car personne ne sait combien de corps se trouvent sous les ruines et dans les fosses communes de l’Est et du Sud occupés de l’Ukraine.
Mais ces victimes se comptent probablement en dizaines de milliers. Olga Ioudakova, une psychologue d’un centre de soutien à Kramatorsk, raconte la souffrance mentale de la population, en particulier chez ceux qui ont fui les localités conquises par les Russes, et désormais à Kramatorsk.
«L’anxiété chez les enfants est à son comble, il y a une instabilité psychologique énorme», raconte la thérapeute de 61 ans, «et c’est pire encore chez les adultes». «Je n’ai jamais vu autant d’adultes qui juste soudainement fondent en larmes», dit la psychologue qui exerce depuis 40 ans et connaît la guerre depuis dix ans, la Russie ayant déclenché dès 2014 une insurrection séparatiste armée dans l’Est ukrainien.
La peur gagne d’autant plus de terrain qu’à 25 kilomètres à vol d’oiseau au Sud-Est, la bourgade de Tchassiv Iar est sous la menace directe des forces russes. De là, ces dernières pourraient pilonner Kramatorsk. Oleg Kroutchinine, un prêtre orthodoxe de 50 ans, est de ceux qui ont fui la première pour se réfugier dans la seconde.
De temps à autres, il retourne encore, malgré le danger, à Tchassiv Iar pour y célébrer une messe en sous-sol pour les soldats et les quelques civils qui refusent de partir. «Beaucoup perdent la foi et l’espoir, d’autres, au contraire, les trouvent», raconte-t-il après le baptême d’un nouveau-né. Selon le prêtre, à l’aube d’une troisième année de guerre, tous les fidèles lui posent la même question: «quand la guerre se finira-t-elle ?» «Et je ne connais pas la réponse», dit-il.
L’Inde confirme l’enrôlement de ressortissants dans l’armée russe
Le ministère indien des Affaires étrangères a confirmé hier que certains des ressortissants du pays s’étaient enrôlés pour des «emplois de soutien» au sein de l’armée russe, indiquant travailler avec Moscou pour obtenir leur congé. Le quotidien The Hindu a rapporté mercredi qu’une vingtaine d’Indiens étaient bloqués dans diverses villes frontalières le long des lignes de front de la guerre russe en Ukraine.
Au moins trois d’entre eux ont été «contraints» de se battre aux côtés des Russes, selon le journal. Le ministère des Affaires étrangères n’a pas confirmé que des Indiens avaient joué un rôle de combattants dans le conflit mais déclaré, dans un communiqué, être «au fait que quelques ressortissants indiens ont signé pour des emplois de soutien avec l’armée russe».
Selon The Hindu, des recruteurs basés à Dubaï auraient escroqué des Indiens en leur promettant des salaires élevés et un passeport russe. A leur arrivée à Moscou, ces recrues auraient été formées au maniement «d’armes et de munitions par l’armée russe» et envoyées sur les lignes de front en janvier. Le journal précise que certains ressortissants indiens se seraient portés volontaires pour les forces ukrainiennes dans le conflit actuel et seraient les premiers cas présumés d’implication dans l’autre camp. R. N.