Le Tchad a vu 25 000 réfugiés affluer du Soudan voisin pour échapper à la guerre au cours de la première semaine d’octobre, un record en 2024, et la situation est loin de se stabiliser après 18 mois d’un conflit d’une rare violence, alerte l’ONU. Signe de l’intensification du conflit dans le Darfour, région dans l’ouest du Soudan.
C’est ce qu’a indiqué le coordonnateur régional des Nations unies pour les réfugiés, Mamadou Dian Bal, lors d’un entretien publié hier par l’AFP. Considéré comme un des pays les plus pauvres au monde, le Tchad accueille le plus grand nombre de réfugiés soudanais (681.944), mais les services de base pour les accueillir font défaut, explique M.D. Balde, tout en soulignant la générosité dont font preuve les Tchadiens.
«Quand on voit 25 000 arrivées, c’est extrêmement énorme», a-t-il relevé appelant à un plus grand soutien de la communauté internationale. Le plan régional de réponse aux réfugiés pour 2024, évalué à 1,51 milliard de dollars, n’est financé qu’à hauteur de 27%. «Ce n’est pas assez, parce que le nombre de réfugiés continue à grandir», assure le haut responsable onusien qui dit s’attendre «très malheureusement dans les prochaines semaines à avoir beaucoup plus de réfugiés au Tchad» en raison de l’intensification du conflit au Darfour mais aussi de «la baisse des eaux».
On est «presque à trois millions», un «désastre» qu’il explique par l’intensification de la «brutalité» du conflit.
Le Soudan est le théâtre depuis avril 2023 d’une guerre entre les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo et l’armée menée par le général Abdel Fattah Al Burhane, dirigeant de facto du pays. Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment d’avoir visé des civils et bloqué de l’aide humanitaire.
Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, quelque 26 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire sévère, et la famine a été déclarée dans le camp de Zamzam au Darfour. Quelque 11,3 millions de personnes ont été déplacées, dont 2 947 027 ont fui le Soudan, selon les derniers chiffres de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Avec la fin de la saison des pluies, l’ONU espère pouvoir acheminer davantage d’aide au Soudan, si les parties en conflit le permettent.
Plusieurs cycles de négociations ne sont pas parvenus à mettre fin aux combats. Fin août, suite à des discussions organisées par les Etats-Unis en Suisse, les belligérants ont pris l’engagement de garantir un accès sûr et sans entrave aux humanitaires sur deux routes principales. «Cela nous a aidé à sauver des vies humaines» mais «tous les engagements pris n’ont pas été respectés» et l’arrivée de l’aide reste «limitée», relève M. D. Balde, déplorant la persistance de «barrières au niveau administratif».
Venu à Genève pour participer à la réunion annuelle du comité exécutif du HCR, il y a présidé une discussion sur le Soudan au cours de laquelle il a demandé le soutien des «acteurs du développement dès maintenant» pour aider les réfugiés soudanais dans la région à s’intégrer dans le marché du travail pour ne pas dépendre de l’aide humanitaire.
«On demande à mobiliser les acteurs de développement pour compléter» l’aide humanitaire, a-t-il expliqué, tout en soulignant le besoin de paix au Soudan. Car penser que les déplacements de population vont se limiter au Soudan et à la région serait «une grosse erreur », ajoute-t-il : «Il y en a de plus en plus qui viennent vers l’Italie, vers l’Europe, vers l’Afrique australe» et «il y en a qui vont aller vers les pays du Golfe également».